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Dionysos : « La magie et le danger du foot »
Front-man de Dionysos, Mathias Malzieu revient ici sur la prime enfance, Valderrama, Platini et l’hymne de l’équipe anglaise de rugby. Entretien.
Le foot ?C’est juste mon jeu préféré de tous les temps depuis tout petit. J’aime la notion de collectif, comme dans un groupe de rock, les revirements de situation, les scénarii shakespeariens, le dépassement de soi, l’esthétisme des joueurs.
Tu es originaire de la Drôme, tu suis le parcours de Montpellier ?J’y suis même né et mon père m’a emmené très jeune au stade. J’ai des souvenirs somptueux de la période où jouaient Laurent Blanc, Valderrama et du duo Cantona-Paille (1989/90). Le sélectionneur jouait au milieu et ‘Canto’ avait toujours quelques gestes venus d’ailleurs. Je ne suis pas vraiment supporter du Montpellier-Hérault mais je me tiens au courant. Pour moi, ce sont des souvenirs liés à l’enfance. C’est une ville sportive et Nicollin est un mec marrant, passionné même s’il dit beaucoup de conneries. Après, avec Giroud, Belhanda et tous les jeunes, ils peuvent et doivent y croire (interview réalisée début avril).
C’est qui ton équipe alors…L’OM. Le foot, c’est un truc connecté à l’enfance, à l’adolescence. Si j’avais dix ou quinze ans de moins (il est né en 1974), j’aurais été marqué par l’OL de Juninho. A Valence, on n’était pas loin, à cent bornes. Au lieu de ça, lors de mon adolescence, j’étais transporté par la folie, le public, la passion et les résultats de Marseille.
Tu vas au stade ?Oui, mais j’ai du mal avec la « beauferie » , l’agressivité, la haine, la connerie collective. Au Stade de France, c’est particulièrement flagrant. S’y rendre, ça devrait être comme aller au concert, une fête. Je suis allé au dernier France-Angleterre de rugby et les supporters vibraient des deux côtés. Quand les fans anglais se sont mis à chanter « Swing low, sweet chariot », c’était à tomber.
En même temps, le Stade de France, ce n’est pas l’endroit idéal…Je me souviens du match contre la Biélorussie, juste après la Coupe du monde 2010. Dans le métro, il y avait trois mecs avec toute la panoplie qui avaient la haine, ils se remontaient entre eux. Ils voulaient siffler, leur en « mettre plein la gueule » . Je ne vois pas bien l’intérêt d’aller au stade avec cet état d’esprit. On n’est pas en Angleterre, on n’a pas la culture…
Sur le nouveau disque de Dionysos, il y a ce morceau intitulé « Platini(s) » …Le disque est une sorte d’album-concept adapté d’un livre sur le plus mauvais cascadeur du monde. J’ai eu l’idée d’une chanson sur Platini qui rend les autres meilleurs. Les « Platini(s) » , ce pourrait être n’importe lequel d’entre nous lorsqu’on connaît des moments magiques… Ce n’est pas juste un hommage au « Zidane d’avant » mais un hymne à la grâce et on a mis des sifflets pour désacraliser le morceau.
T’es carrément fan alors ?Non. J’aime le foot mais je garde de la distance, y compris avec les joueurs que j’adore. Quand ça commence à friser l’intégrisme, je décroche même si parfois lorsque Marseille, Lyon ou Montpellier jouent, je peux me laisser aller au truc primaire. C’est la magie et le danger du foot… C’est fascinant et dérisoire…
Au verso du disque, les onze morceaux sont alignés comme la composition d’une équipe de foot…… oui et les chansons ont chacune un numéro. La disposition d’un groupe sur scène ressemble aussi à une équipe de foot. Le gardien serait le batteur et le chanteur le numéro dix (il n’a pas dit l’avant-centre, CQFD). Dans une équipe comme dans un groupe, il faut composer avec les ego. Le repli défensif serait comme les compromis que chaque membre d’un groupe est obligé de faire. Un match, c’est comme un concert : il y a la même urgence, la même adrénaline et tu dois gagner absolument les gens, les rallier à ta cause…
A écouter : Dionysos, « Dionysos plays Bird’n’roll » , Barclay
Propos recueillis par Rico Riziitelli