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Dimitri Pialat : « À Nîmes, c’est une dictature Rani Assaf »
Samedi à l'occasion de la réception de Bastia, le groupe de supporters des Gladiators Nîmes 1991 s’est vu refuser l’entrée de ses tambours, mégaphones et bâches dans son stade des Costières. Pour son président Dimitri Pialat, ce n’est qu’une énième preuve de l’autorité extrême dont fait preuve Rani Assaf, président du Nîmes Olympique, à leur égard. Alors que les tensions étaient déjà exacerbées depuis plus d’un an déjà, ce week-end vient de marquer un nouveau tournant qui devrait se régler devant la justice.
Vous étiez absent des Costières depuis près d’un an. Qu’est ce qui a motivé votre retour au stade ce samedi dernier ?Depuis octobre 2021, notre tribune Pesage Est est fermée, ce qui fait que l’on n’assistait plus aux matchs du Nîmes Olympique à domicile. Mais il ne reste que cinq matchs aux Costières avant sa destruction, alors on s’est dit qu’on y reviendrait exceptionnellement, en tribune sud, à l’occasion du match face à Bastia.
Comment-est ce que les évènements se sont enchaînés à partir de ce moment-là ? Une heure après avoir communiqué l’information, le référent des supporters m’a appelé pour m’expliquer que Rani Assaf n’autoriserait aucun signe distinctif des Gladiators en tribune, c’est-à-dire les tambours, mégaphones, et surtout les bâches. Mais dans notre « mentalité ultra », on ne conçoit pas d’y aller sans la bâche. On encourage l’équipe et le club du Nîmes Olympique derrière celle-ci. Nous, notre but était d’encourager l’équipe, car elle en a bien besoin, tout en mettant de côté nos différends avec la direction. On s’était engagés à ce qu’il n’y ait aucun propos injurieux.
Qu’est-ce qui vous alerte le plus dans cette mesure prise à votre égard par Rani Assaf ?Il n’en a pas le droit, tout simplement. Et quand quelqu’un fait sa propre loi, c’est un régime totalitaire. C’est une dictature Rani Assaf. Ce n’est peut-être que du foot, mais ta liberté, elle est rongée.
Comment avez-vous réagi ?La police m’a appelé le matin de la rencontre pour me prévenir officiellement que les bâches ne rentreraient pas. Je les ai donc prévenus que ce n’était pas légal, chose à laquelle ils m’ont répondu que Rani Assaf était au courant et qu’il en assumerait les conséquences. C’est-à-dire que la police est au courant que Rani Assaf n’a pas respecté la loi.
Vous vous êtes tout de même présentés au stade ? Oui. Nous étions 200 et on nous a refusé l’entrée, comme prévu. Alors on est resté devant les Costières, sans embêter les gens qui entraient dans le stade ni insulter quiconque. On a chanté pendant une vingtaine de minutes, jusqu’à ce que le match démarre.
Retour en vidéo sur le refus de la sécurité de laisser entrer la bâche des Gladiators dans l’enceinte des Costières #LesCrocos pic.twitter.com/sVxLA76Ngw
— Colin Delprat (@ColinDelprat) September 11, 2022
Quelles sont les raisons évoquées par Rani Assaf pour vous interdire l’accès munis de votre matériel ?Lui essaie d’expliquer sa décision de ne pas faire rentrer les bâches en expliquant que ça peut provoquer du désordre public. Sauf que durant le match, il s’est fait insulter par une majorité de la tribune sud. Comme quoi, la bâche n’est pas entrée, mais le désordre a été mis. Et puis ce n’était qu’une banderole « GN 91 », elle ne peut pas causer de problèmes, à part si elle est minée. Mais ce n’est pas le cas, elle est 100% coton. C’est ridicule.
Envisagez-vous de donner une suite juridique aux évènements ?Bien sûr, il y aura des poursuites. L’Association nationale des supporters nous a conseillé de prendre un avocat. C’est une privation de liberté fondamentale, tout simplement. On avait nos billets, on respectait le règlement intérieur et on nous a refusé l’entrée.
Quel bilan tirez-vous de cette drôle de journée ?On a atteint un point de rupture. On avait tout fait dans les règles avec des bonnes intentions. Là, on a compris qu’il voulait se débarrasser de nous à tout prix. Mais le groupe n’est pas près de s’éteindre, on a mobilisé 200 personnes qui sont venues en étant sûres de ne pas rentrer. On ressent beaucoup de colère, mais aussi de la tristesse. On espère qu’on retrouvera tous ensemble une unité derrière le Nîmes Olympique.
Cela semble plus compliqué avec une tribune entièrement fermée, la tribune Pesage est. Pourquoi est-ce le cas depuis un an maintenant ?Car on est en contradiction avec Rani Assaf. Il veut un football comme au théâtre, et nous, on ne veut pas d’un stade aseptisé. C’est autour de la question des fumigènes qu’il y a eu un problème. On souhaitait l’utilisation contrôlée en voulant s’engager moralement à les utiliser raisonnablement, car on comprend les mesures économiques qui en découlent avec les amendes de la Ligue. On essayait de trouver un accord pour les utiliser deux à trois fois dans l’année pour des évènements exceptionnels.
Comment se sont déroulées les discussions avec Rani Assaf ? Cette fois-ci, il a dit : « La loi c’est la loi, point barre. » Il a voulu conditionner l’ouverture de la tribune à une signature de charte pour réglementer davantage. On a été honnêtes en refusant, sachant qu’il y a déjà un règlement intérieur. Il a donc décidé de procéder à la fermeture de la tribune.
Pourtant, vous n’êtes pas les seuls à utiliser cette tribune…C’est ça le plus énervant, il a mis tous les supporters dans le même sac et les a pénalisés. Cette saison, il a fait un geste financier en mettant un tarif à 10 euros, soit le prix en Pesage Est, en latérale. Mais il y a un attachement personnel et nostalgique à notre tribune. Un gars m’a dit : « Je viens depuis tout petit en Pesage Est avec mon père, je ne quitterai pas cette tribune pour aller ailleurs. »
La saison dernière, les Costières accueillaient moins de 2000 spectateurs par match en moyenne, ce qui en a fait l’avant-dernière affluence de Ligue 2 sur la saison. Le conflit a-t-il largement dépassé le cadre du simple Rani Assaf contre Gladiators ? Moi, je suis un pur Nîmois et je peux vous dire que les gens sont dégoûtés. Ils ne reviendront pas au stade tant que Rani Assaf est toujours là. Avec cette atmosphère, les résultats n’entrent même plus en compte. L’ambiance est presque morte aux Costières, elle est dix fois moins bonne qu’avant. On était reconnu comme un public du Sud, maintenant c’est le Far West avec la boule de paille qui passe au milieu.
En présaison, le Nîmes Olympique a annoncé la création d’une association de supporters, le « Grinta Club » . Quel regard portez-vous sur ses premières semaines de fonctionnement ?Il y a un an et demi, quand le projet avait été présenté, on trouvait que c’était une bonne idée, ça permettait de fédérer. Assez vite, ça a amené la suppression des abonnements et l’obligation de passer par une adhésion au « Grinta Club » pour bénéficier de réductions. Donc déjà là, on avait un problème. Mais pour adhérer à quelque chose, il faut y croire. Là, au lieu de fédérer, tu prends les gens en otage. L’autre problème, c’est que le bureau devait être élu démocratiquement, être indépendant du club et représenter le maximum de gens. Première information qui tombe : le président nommé est Jean-Jacques Bourdin, le président d’honneur du club et en quelque sorte, le bras droit de Rani Assaf… Ce qui devait être un beau projet n’est finalement qu’un allongement de l’emprise du club sur les supporters.
Si l’on revient aux Gladiators, vous avez été menacés de dissolution par le président en février dernier. Où en est ce processus ? La préfecture lui a signifié qu’il n’avait aucun droit là-dessus, il s’est gentiment fait retoquer. Et on était loin d’avoir matière à être dissous. Car pour une association de la loi 1901, il faut presque en arriver à des actes de terrorisme pour que cela aboutisse.
Comment continuez-vous votre activité sans pouvoir entrer aux Costières ? Sur les deux derniers matchs à domicile, on avait besoin d’être côté Pesage Est, même si elle était fermée. Donc on a fait avec les moyens du bord, on a allumé un groupe électrogène sur lequel on a branché un écran pour suivre le match.
Pour la deuxième fois cette saison, nous étions devant notre Pesage Est pour regarder le match de notre équipe.Indésirables, mais jamais très loin de nos couleurs pic.twitter.com/3SrlquiimK
— Gladiators Nîmes 1991 (@Gladiators1991) August 29, 2022
Et pour les matchs à l’extérieur ?On fait tous les déplacements à l’extérieur, nos bâches sont acceptées et on reçoit d’ailleurs de bons accueils. En fait, on y retrouve le monde d’avant, celui d’avant Rani Assaf. C’est grâce à ça que l’association a encore le lien avec l’équipe, ce qui est indispensable.
Comment expliquez-vous cet élan de soutien de la part des ultras ? C’est la boîte de Pandore qui peut s’ouvrir, tout simplement. Si on commence à laisser passer des évènements comme il se passe à Nîmes, ça pourra arriver partout, à tous les groupes de supporters et ça tue le football.
Vous recevez également du soutien de la part des joueurs ? Nicolas Benezet est le seul à l’avoir fait publiquement. On est un peu dans une loi de la terreur, je comprends que les joueurs ne prennent pas parti. La saison dernière, quelques joueurs ont déclaré être contre la fermeture du centre de formation. Ils ont directement été mis sur la liste des transferts. Quand on rencontre les joueurs individuellement, ils nous disent que ça les fait chier, mais qu’ils ne peuvent rien y faire.
Ce qu’il se passe dans mon club m’attriste profondément, mais malheureusement je ne suis pas le décisionnaire… J’espère sincèrement qu’une solution pourra être trouvée afin que tout redevienne comme avant
— NICO D BENEZET (@NicolasBenezet) September 11, 2022
Justement, Rani Assaf a rappelé Nicolas Benezet à l’ordre dans les colonnes du Midi Libre, en disant qu’il « ferait bien de se soigner et de revenir rapidement pour jouer au football et s’occuper du football ». Qu’est-ce que cela vous inspire ? Encore une fois, c’est digne d’un régime totalitaire. Ce n’est pas parce que tu es l’employeur que tu as le droit de « contrôler ses propos » , qui n’ont rien de scandaleux en plus ! Ça instaure un climat de terreur et de tension dans un vestiaire qui va influer sur les performances sportives des joueurs et donc sur les résultats.
Propos recueillis par Alexandre Le Bris