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Dimitri Payet : le salaire, c’est tabou, on n’en viendra pas à bout

Par Adrien Candau
4 minutes
Dimitri Payet : le salaire, c’est tabou, on n’en viendra pas à bout

Le maître à jouer de l'OM est catégorique : impossible pour lui de réduire son salaire pendant la crise sanitaire et donc d'imiter les joueurs du Barça, de la Juve et du Bayern, qui ont collectivement accepté de réduire temporairement leurs émoluments. Alors que le PSG et l'OL n'ont eux aussi pas trouvé d'accord global avec leurs joueurs sur une baisse de leurs rémunérations, la Ligue 1 et certains de ses plus illustres acteurs semblent une fois de plus avoir rétréci au lavage.

Voilà, c’est dit. Voici des semaines que le spectre vulgaire du pognon et des salaires planait au-dessus de la Ligue 1, comme un nuage d’orage que tout le monde faisait semblant d’ignorer, mais qui devait bien détonner un jour ou l’autre. Alors, Dimitri Payet a pris son courage à deux mains pour balancer sa vérité. En pleine crise du Covid-19, le milieu olympien, plus gros salaire du club avec Kevin Strootman, n’a pas cherché à faire baisser ses émoluments et a expliqué sa démarche au Journal de l’île de La Réunion: « Tout le monde s’est exprimé sur le sujet. Ma position était claire et nette… Le joueur que je suis est aussi père de famille. Comme toute personne, j’ai des crédits importants à honorer, des engagements à tenir. Mon rôle est de défendre mes intérêts et ceux de ma famille, sans pour autant mettre en péril le club pour qui tout le monde connaît mon attachement. » Le message est limpide : n’en parlons plus, tout a déjà été dit. Si seulement c’était vrai…

L’exception française

Parlons gros sous, donc. Aussi bien au PSG, à l’OL qu’à l’OM, aucun accord collectif sur les salaires n’a été annoncé, même s’il faut aussi souligner que certains joueurs auraient consenti à faire individuellement des efforts. Un petit problème vient dès lors taquiner du museau le football hexagonal : à Munich, l’intégralité de l’effectif du Bayern a accepté une baisse de rémunération de 20% en avril, quand, en Catalogne, les joueurs du Barça se sont mis d’accord pour une diminution de 70% de leurs émoluments le temps de la crise sanitaire. Autant de mesures supposées permettre aux clubs concernés de mieux encaisser le contrecoup économique de la crise sanitaire, évitant ainsi aux salariés non footballeurs de ces formations de subir d’éventuels baisses de salaires ou licenciements. Même refrain à Turin : fin mars, les joueurs de la Juve acceptaient de suspendre leurs salaires pour les mois de mars, avril, mai et juin. L’accord prévoit néanmoins qu’ils récupèrent 2,5 mois de rémunération dans les saisons à venir, ce qui revient quand même à abandonner un mois et demi d’indemnités pour les joueurs bianconeri.

Des joueurs qui, comme Dimitri Payet, ont pourtant eux aussi des familles à prendre en charge et tout un tas de trucs à gérer, superviser et rembourser, qui nécessitent une quantité probablement superlative de pognon. Et alors ? Alors, oui, personne n’a demandé aux footballeurs de servir d’exemple, mais on peut légitimement se demander pourquoi les bonnes initiatives entrevues à l’étranger n’ont pas trouvé d’écho au sein des mastodontes du football français.

Cliché pour cliché

Au poncif usité du «  footballeur égoïste et surpayé », Dimitri Payet oppose un autre lieu commun, celui du « père de famille », et on est en droit de se dire que le débat sur l’éventuelle responsabilité sociale des footballeurs n’en ressort pas franchement grandi. Le soutien que des joueurs comme Marcus Thuram et Weston McKennie ont apporté ce week-end à George Floyd est pourtant la démonstration évidente que la conscience sociale du footballeur n’est pas un concept évanescent. Kylian Mbappé a d’ailleurs lui aussi pris position pour demander justice pour l’Américain sur les réseaux sociaux, mais on a l’impression que l’épineuse question du salaire et du porte-monnaie, elle, est trop largement restée taboue dans nos contrées, comme un secret de famille un peu honteux et obscur, qu’il serait sacrilège d’invoquer ou de discuter, même pour une durée modérée.

Comme si la bulle invisible, ce cocon métaphorique qui sépare l’élite des footballeurs professionnels de Monsieur Tout-le-Monde, était encore un peu plus épaisse au sein des grands clubs français qu’ailleurs sur le continent. Interrogé par Le Parisien début avril, Benjamin Stambouli expliquait que les joueurs de Schalke avaient décidé, « tous ensemble, de prendre les devants, en proposant aux dirigeants de baisser leurs salaires ». Le genre d’initiative qui semble encore bizarrement chimérique dans les grandes formations hexagonales que sont Paris, Lyon et Marseille. Reste à voir si on peut encore s’en étonner, sans passer pour un démagogue ou un traître à la cause footballistique française.

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