- Belgique
- Portrait
Dimitri Parker, entre ballon rond et escroqueries
Passé par l'académie du Standard de Liège, le jeune latéral Dimitri Parker s'est jeté dans le luxe malgré une carrière déclinante. Son secret ? Des arnaques à tour de bras. Retour sur le parcours d'un ex pro aujourd'hui à l'ombre.
Dimitri Parker avait tout pour réussir. Une jolie gueule d’ange, des prédispositions certaines avec le ballon rond et, forcément, une carrière prometteuse. Pourtant, Dimitri Parker n’a jamais atteint le haut niveau qu’il aurait dû tutoyer. Et il se retrouve aujourd’hui (depuis le 12 mai 2015) condamné à 52 mois de prison, en plus de devoir rembourser entre 200 et 300 000 euros de dommages et intérêts. Que s’est-il passé entre-temps ? Du football, un peu ; des arnaques, beaucoup ; et des femmes, passionnément. Une trajectoire sinueuse, passée, entre autres, dans les divisions amateurs du football belge et luxembourgeois. Retour sur une histoire dingue.
Du centre de formation du Standard à la D3 belge
Pour Dimitri Parker, tout commence en Belgique, là où il naît. Gamin, il intègre le centre de formation du Standard, où il devient rapidement un latéral gauche d’avenir. Chez les Rouches, il croise la route de Greg Scolas, qui devient son fidèle ami. Greg se souvient. « Dimitri était un latéral moderne avec de grosses qualités, très offensif. Il avait un super pied gauche, il était utile pour l’équipe. À côté de ça, il était assez rugueux, donc complet. Pour moi, c’est simple, c’était un super footballeur. » En 2009, alors âgé d’à peine 19 ans, il signe un premier contrat pro au FC Brussels, en deuxième division belge. Bilan : 11 matchs joués, 804 minutes disputées, aucun but marqué. Une adaptation au haut niveau difficile, à tel point que Parker décide de revoir ses ambitions à la baisse. À l’été 2010, il quitte la Belgique et s’engage avec Fola Esch, l’un des meilleurs clubs du Luxembourg (champion en 2015, ndlr).
Mais là-bas non plus, la mayonnaise ne prend pas. Sept matchs joués, une poignée de minutes en tout et pour tout. Pire : alors qu’au centre du formation du Standard, on parlait d’un garçon talentueux et plein d’avenir, on retrouve au Luxembourg un joueur de 20 ans démotivé et plutôt décevant. C’est en tout cas le souvenir qu’a de lui l’intendant du Fola Esch. Là-bas, l’intendant du club se souvient « C’était un gamin plutôt décevant, trop souvent suspendu et qui manquait clairement de maturité pour s’imposer. » Un joueur au fort caractère, en plus, et pas franchement en adéquation avec ses voisins du duché. Du coup, à l’été 2011, retour à la case départ. En Belgique. Au Royal FC Liège, en troisième division belge.
Audi R8 et cougars
Mais encore une fois, c’est le flop. Dimitri Parker passe l’intégralité de la saison sur le banc. Il dispute trois matchs, et inscrit un but. Le seul but de sa carrière. C’était le 8 mai 2011, face à Charleroi Fleurus, pour un nul 2-2. Cette date marque également un autre événement : celui de son dernier match au niveau professionnel. À partir de là, c’est la dégringolade et le début des emmerdes. Fesquet Penga-Ilenga, son coéquipier à Liège, se souvient très bien du personnage. « Il était sociable et beau parleur. Un mec un peu dans son monde, un sacré personnage qui avait l’art de la rhétorique. En vrai, Dimitri vivait une vie de star, il flambait quoi. En soirée, il était souvent accompagné de jolies filles, c’était un mec bling-bling. Il racontait souvent qu’il avait des grosses bagnoles. On ne le croyait pas, et puis un jour, voilà qu’il débarque à l’entraînement avec une Audi R8 » , raconte-t-il.
Problème : pour être bling-bling et assurer un tel train de vie, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Et ce n’est pas en étant remplaçant en troisième division belge que Dimitri va en amasser. Du coup, au cours de l’année 2011, il met au point un stratagème pour devenir riche. La technique ? User de son charme pour faire joujou avec les cartes bleues de femmes plus âgées que lui. Presque un gigolo, en somme, mais avec le côté escroc en plus. L’idée lui vient après avoir entretenu une relation avec une femme médecin de 20 ans son aînée, qui lui aurait donné le goût du luxe en le couvrant de cadeaux. Pour la « remercier » , Dimitri n’hésitera d’ailleurs pas à lui piquer une Porsche Cayenne et plusieurs milliers d’euros. Sympa.
Patron de banque et prostituée albanaise
Sauf que Dimitri devient rapidement accroc aux escroqueries. Il faut dire que celles-ci fonctionnent et lui permettent d’accumuler un sacré paquet d’argent. Il décide donc de placer la barre encore plus haut, en se faisant passer tour à tour pour un joueur pro du Standard de Liège, pour un mannequin ou pour un patron de banque. Cette dernière escroquerie lui aurait d’ailleurs permis de soutirer plus de 35 000 euros à un couple cherchant à vendre un appartement début 2014. Si le jeune homme aime le luxe, il lui arrive également d’escroquer juste pour la beauté du geste. Comme cette fois où il « oublie » de payer un plein d’essence, ou la prestation d’une prostituée albanaise. Bref, Dimitri va mal et fait n’importe quoi. Son entourage parle alors d’une maladie et d’un comportement compulsif, que son avocat, Me Pascal Rodeyns, décrira comme « un besoin de reconnaissance » et « un problème de personnalité » . D’ailleurs, comme le rappelle son ex-coéquipier Penga Ilenga, « Dimitri cherchait avant tout à prouver des choses aux autres. »
Kilos en trop, prison et psychiatrie
Et le foot, dans tout ça ? Au détour de deux escroqueries, Dimitri continue de jouer, mais cette fois-ci dans les divisions inférieures. Il passe à Givry, en D4, puis à Charleroi, toujours en D4. À l’été 2014, il aimerait arrêter les conneries, une bonne fois pour toutes. Alors il s’engage avec Sprimont-Comblain, un club de D3 qui lui donne une dernière chance. Mais lorsque Parker débarque à la reprise, le coach de l’équipe première, Christophe Grégoire, n’en croit pas ses yeux. « Il a débarqué complètement à la ramasse, avec 15 kilos en trop. Au bout de trente minutes, il a arrêté. C’était un mec plutôt sympa, mais pas du tout régulier à l’entraînement. » Renvoyé en équipe réserve, le bonhomme est également rattrapé par ses méfaits.
De fait, toutes ses arnaques rattrapent Dimitri. Il est mis en cabane par les autorités belges début 2015, puis condamné le 12 mai à 52 mois de prison par le tribunal correctionnel de Liège, pour escroquerie. Selon des témoins présents au tribunal, Dimitri aurait changé plus d’une vingtaine de fois sa version des faits. Le 2 juin, un juge d’instruction a mandaté des expertises psychiatriques et psychologiques avant la suite des débats prévus le 23 juin. Les derniers matchs que Dimitri Parker devra jouer face à la justice. Lui dit, par le biais de son avocat, « ne pas vraiment réaliser ce qu’il lui arrive » . Désormais âgé de 25 ans, il suit toujours l’actu foot et nourrit l’espoir secret de revenir un jour sur les pelouses. Et ça, a priori, ce n’est pas sa dernière arnaque.
Thomas Fourcroy
Tous propos recueillis par TF