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Dimitri Foulquier : « Entre Messi et Ronaldo, le meilleur, c’est Iniesta ! »
En Espagne sous le maillot de Grenade depuis 2013, Dimitri Foulquier a pu se frotter aux tout meilleurs joueurs du monde. Originaire de Guadeloupe puis formé à Rennes, le latéral droit champion du monde U20 revient sur son parcours et donne des nouvelles de Dória.
Tu es né à Sarcelles, mais ce serait faux de dire que tu es un banlieusard parisien, tu as grandi en Guadeloupe…Oui, je suis reparti en Guadeloupe à 3 ou 4 ans, j’étais jeune, donc j’ai plutôt grandi là-bas. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de Sarcelles, si ce n’est quand j’y allais pendant les vacances d’été…
En Guadeloupe, à quel moment tu t’es mis au foot ?J’ai commencé à 7 ans, dans un premier club où j’ai joué à peine un mois. Puis j’ai vraiment repris sérieusement à 9 ans. J’ai commencé à être dans les sélections de jeunes de la région. Vers 13 ans, on m’a surclassé et c’est ainsi que j’ai joué la Coupe de France U15 avec des enfants d’un an plus âgés que moi.
C’est lors de la Coupe de France U15 et de matchs à l’INF Clairefontaine que tu as été repéré par Patrick Rampillon, le directeur du centre de formation à Rennes. Tu t’en souviens ?J’ai de bons souvenirs, même si au premier match contre l’Île-de-France, on s’est pris un but par ma faute. Je me souviens des encouragements de ma mère avec qui Patrick Rampillon regardait les matchs. Il lui parlait beaucoup, il a beaucoup d’expérience dans le milieu, il sait comment s’y prendre pour recruter. Il nous mettait à l’aise. Il parlait de me recruter, mais surtout, il mettait mes parents à l’aise, il les rassurait énormément. Il ne parlait même pas foot ou argent, il expliquait à ma mère que l’ambiance au centre de formation était familiale, que j’allais m’y sentir bien. Ni argent ni football.
Au moment de venir à Rennes, en 2007, tu es donc sans tes parents dans une métropole que tu connais finalement peu. Pas trop dur ?Au début, c’est difficile, car tout est différent : le climat, la nourriture, on s’éloigne de la famille, des amis… La culture est différente, les premières semaines étaient compliquées. Mes meilleurs amis, c’étaient Abdoulaye Doucouré et Axel N’Gando, car on est tous les trois arrivés à 14 ans, on était les trois plus jeunes. Mais au centre, il y avait des bons gars comme Yacine Brahimi, un très bon ami aujourd’hui, Franck Julienne, Yann M’Vila… Il y avait des grands qui se comportaient comme des grands frères, comme M’Vila qui avait trois ans de plus.
Tu retiens quoi de ta formation rennaise ?Les meilleurs souvenirs ne sont pas footballistiques : on rigolait beaucoup, on se chambrait au billard, au babyfoot. C’était dur, mais on passait de bons moments ensemble. Patrick Rampillon n’avait pas menti. Honnêtement, je ne peux dire que du bien de lui. Parfois, il m’a aidé alors qu’il n’était pas dans l’obligation de le faire : par exemple, si je lui demandais un billet d’avion qui n’était pas prévu dans le contrat. Il offrait des billets d’avion à mes parents sans problème, je lui dois beaucoup.
Dans le groupe pro, tu n’as finalement jamais eu totalement ta chance malgré quelques belles sorties, notamment un match de Ligue Europa à Vicente-Calderón. Tu t’en souviens ?C’était mon deuxième match professionnel. J’avais déjà été pas mal de fois sur le banc. J’avais joué à Lille, mais cela s’était mal passé. En face, il y avait Sow, Cole, Hazard. Le match à Madrid, on va à Vicente-Calderón déjà éliminés, donc Antonetti m’a fait confiance. J’ai fait un bon match, cela s’est bien passé, cela m’a donné de la confiance pour la suite. Un souvenir inoubliable. L’Atlético Madrid avec Falcao, Diego, Filipe Luís… On a perdu 3-1, mais c’était un très bon match.
Cela t’a donné envie de connaître l’Espagne ?C’était une grosse ambiance à Vicente-Calderón, et une grosse équipe en face, mais ce n’est pas forcément ce seul match-là qui m’a fait aimer l’Espagne. La Liga, comme la Premier League ou la Bundesliga, ce sont des championnats que l’on regarde quand on aime le foot. Moi, je suis du genre à consommer beaucoup de Premier League avant tout. Le dimanche après-midi, je m’assois et regarde les trois matchs de l’après-midi. Je me fais plaisir, pour les gros matchs, je suis assis devant la télé 30 minutes avant.
Avant de signer à Grenade, tu as gagné le Mondial U20 avec la France en 2013. Tu retiens quoi de cette aventure humaine ?Comme en formation avec Rennes, une vie de groupe où on se chambrait et se chamaillait pas mal. Les matchs, l’ambiance, l’enjeu, la pression, c’était inoubliable. Avant la finale, on était motivés à bloc, c’est dur d’expliquer le ressenti, mais c’était fort. On avait un groupe de caractère et c’est pour cela que l’on a gagné la Coupe du monde. Il y avait beaucoup de joueurs de qualité, mais c’est avant tout l’esprit de compétition qui nous a permis d’aller au bout. Dès que l’un de nous était en dedans, on l’encourageait ou on lui criait dessus selon le besoin. Même à l’entraînement. Tout le monde voulait gagner ce Mondial.
Pierre Mankowski vous dit quoi dans le vestiaire avant la finale ?Mankowski, il nous dit : « Ce groupe, tout ce qu’il a fait c’est bien. » En même temps, il nous montre des images. « C’est vrai, les matchs amicaux, on les a tous gagnés, c’est vrai qu’à l’Euro, on a donné une bonne image en atteignant les demi-finales. » Mais il nous fait comprendre qu’en réalité, on n’a encore rien gagné. « Malgré tout le bien que l’on pense de nous, au final si on regarde le palmarès, on n’a rien gagné. C’est le moment de changer ça, car après, on va se séparer, on ne jouera plus ensemble. Certains vont aller en A, d’autres en Espoirs, d’autres ne seront plus appelés. Nos chemins vont se séparer. C’est aujourd’hui qu’il faut ajouter une ligne au palmarès de cette génération. » Cela a boosté tout le monde, tout le monde veut ajouter quelque chose à son palmarès. L’enjeu, c’est le meilleur élément de motivation.
Tu as tiré le penalty victorieux en finale. On ressent quoi sur le chemin qui mène du rond central au point de penalty ?Je ne cogite pas vraiment, car j’avais fait une très bonne Coupe du monde, un très bon match en finale. Quand le coach a demandé qui voulait tirer, j’ai levé la main instinctivement, car je me sentais bien. Je me sentais tellement bien qu’à aucune seconde, je n’ai imaginé rater. J’ai fait le chemin pour aller marquer mon tir au but, tout simplement. Grâce à Dieu, j’ai mis ce penalty. Sur le coup, je n’ai pas réalisé, j’ai vu tout le monde courir, alors j’ai couru aussi. C’est quand on se pose après coup que l’on réalise ce qu’il vient de se passer. Quand on a le temps de réfléchir, on se dit : « Ah quand même, on vient de gagner une Coupe du monde moins de 20 ans ! » Mais sur le coup, on ne se rend pas vraiment compte.
Malgré ton statut de champion du monde, Rennes te prête dans la foulée à Grenade, où tu as signé définitivement cet été. Quelles ont été tes premières sensations vis-à-vis de l’Espagne ?C’était compliqué au début. À 20 ans, changer de championnat, vivre tout seul, ce n’est pas facile. Maintenant, je suis adapté, puis il y avait quelques francophones comme Yacine Brahimi pour m’aider. Maintenant, je maîtrise la langue, je me suis mis des habitudes espagnoles, notamment sur les heures de repas. C’est une superbe expérience de vie, et une superbe expérience footballistique aussi, car le football ici n’est pas le même qu’en France. Ici, les adversaires directs ont plus tendance à venir me fixer qu’en Ligue 1, où les attaquants cherchent plus à ne pas perdre la balle, à jouer la sécurité. Ici, les joueurs offensifs vont chercher, fixer, fixer, fixer…
Avec Grenade, tu as déjà affronté les monstres que sont le Barça ou le Real, avec notamment une branlée 9-1 contre ces derniers… Combien de temps t’a mis à t’en remettre ?(Rires) Le week-end suivant ou trois jours après, il y a un nouveau match qui arrive, donc on n’a pas trop le temps d’y penser. Obligatoirement, tu penses au match suivant. Mais cela marche dans les deux sens : tu peux mettre un triplé et foirer le match suivant, on te critiquera pour le match foiré. C’est l’éternelle remise en question du foot. Pareille pour les défaites. L’important, c’est le match qui suit.
Parmi les joueurs que tu as affrontés en Liga, c’est qui le plus impressionnant quand on est sur le terrain ?Entre Messi et Ronaldo ? Franchement, moi, je dis Iniesta ! Balle au pied, c’est impossible de la lui prendre. Tous ses contrôles, ses prises de décision sont justes, tout le temps. Surtout ma première saison ici, quand j’ai joué contre Iniesta, je me suis dit : « Ah ouais, quand même ! » Ses passes transpercent et font mal à toute une ligne, des passes que personne n’imagine à part lui. C’est surtout dans les prises de balle qu’il est impressionnant. Il part toujours là où on ne s’y attend pas. Il est peut-être moins spectaculaire que Messi, mais quand on est joueur, on le voit qu’il est aussi important dans l’équipe.
Tu n’es pas vraiment titulaire à Grenade, si ?En moyenne, je joue un match sur deux. Depuis mon arrivée, j’ai beaucoup joué à gauche, mais cette année, j’ai enfin joué tous mes matchs arrière droit. J’ai passé la phase d’adaptation, je me sens bien, j’ai mis un but et une passe décisive. J’espère continuer à progresser.
À Grenade, tu joues avec Dória, blacklisté par Marcelo Bielsa à Marseille. Tu le trouves comment ?
Il va bien, il travaille bien, le problème c’est qu’il joue à un poste où il y a peu de changements. Souvent, on dramatise, car il n’a pas joué depuis le 15 octobre (un match nul 3-3 à Gijón durant lequel le Brésilien a pris un rouge, ndlr), mais ce n’est pas forcément parce qu’il n’est pas bon, c’est qu’il y a actuellement une charnière qui fonctionne. Le poste de défenseur central, c’est comme le poste de gardien de but.
Propos recueillis par Nicolas Jucha