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Dijon : choix bancals, je-m’en-foutisme et tas de fumier
Le DFCO a vécu une saison catastrophique, sanctionnée par une relégation en Ligue 2. Entre mauvaises décisions, attitudes délétères de plusieurs joueurs et matchs d’une nullité crasse, Dijon s’est vautré dans le ridicule, ce dont ses supporters se souviendront longtemps. Certains d’entre eux ont même déversé du fumier devant le centre d’entraînement le 22 mai, pour résumer cet immense foutoir.
Le samedi 22 mai, avant midi, les services municipaux de la ville de Dijon sont venus enlever les quelques kilos de fumier déversés un peu plus tôt devant les deux entrées du centre d’entraînement et de formation du DFCO. L’action a été revendiquée quelques heures plus tard par les Lingon’s Boys, un groupe de supporters dijonnais. « On a voulu marquer le coup, humilier les joueurs – à quelques exceptions près dont Marié, Chafik ou Sammaritano – autant qu’ils nous ont humiliés cette saison, par leur attitude je-m’en-foutiste, leurs prestations sur le terrain, leur manque de respect », explique Nicolas Goudot, un de ses membres. Sur le site du Bien Public, Olivier Delcourt, le président dijonnais, n’avait rien trouvé à redire : « Cela ne me choque pas. Les supporters ont le droit de montrer leur mécontentement. Pour certains joueurs, et je ne les mets pas tous dans le même sac, cela ne valait pas mieux. »
Retards, absences injustifiés et matchs pourris
L’initiative des Lingon’s Boys n’a pas non plus choqué Jérôme, un quadra habitué des tribunes du stade Gaston-Gérard. « Dans d’autres clubs, cela ne se serait pas passé aussi calmement. Oui, on a vu quelques banderoles un peu ironiques, mais jamais méchantes, et là, les Lingon’s ont déversé du fumier… Sincèrement, par rapport à ce qu’on a vu, aux matchs pourris et à l’attitude de petits branleurs de certains joueurs, il n’y a pas lieu d’être outré. Et plus de dix blessés pour les deux derniers matchs, qui va y croire ? Combien de blessures étaient réelles ? Une minorité, sans doute. On se moque de qui ? » s’interroge le supporter à propos de cette ultime escroquerie en bande organisée. Même David Linarès semblait sceptique quand il récitait la liste des éclopés…
À l’heure où ils déversaient leur fumier, les Lingon’s Boys ignoraient que le milieu de terrain Eric Junior Dina Ebimbé, prêté par le Paris-SG, avait sciemment zappé l’entraînement du samedi matin, provoquant son exclusion du groupe par son entraîneur pour le déplacement à Saint-Étienne le lendemain (1-0). Le même Dina Ebimbé qui, la veille, s’était pointé en conférence de presse pour expliquer aux journalistes, la bouche en cœur, qu’il fallait « quitter la Ligue 1 sur une bonne note… » Mais l’international U21 français (1 sélection) n’est pas le seul à s’être assis sur les règles de vie du groupe et le respect des horaires, des écarts systématiquement sanctionnés par Linarès. Moussa Konaté et Mounir Chouiar – transparent cette saison – y avaient aussi pris goût. Même le très discipliné Wesley Lautoa s’était loupé de quelques minutes un jour de mise au vert.
Un recrutement bâclé et incohérent
Le DFCO, comme tous les ans depuis son retour en Ligue 1 en 2016, s’attendait à vivre une saison compliquée. Il a tout fait pour la rendre désastreuse. D’abord en bâclant son mercato, confié à Peguy Luyindula, nommé directeur sportif après avoir été le conseiller de Delcourt pendant un an. Pendant des années, Sébastien Larcier, le responsable du recrutement, avait connu beaucoup de réussites (Lees-Melou, Tavares, Souquet, Diony, Kwon, Philippoteaux, Gomis) et quelques échecs (Lang, Bouka Moutou, Kaba…). Il a filé à Angers pour y devenir directeur sportif. « Delcourt a fait une connerie, et il le sait. Il a donné les clés du camion à Luyindula, qui avait fait de l’ombre à Larcier, très proche de Jobard, pendant un an. Luyindula n’avait pas les compétences pour faire le recrutement. Il a empilé les joueurs, sans se soucier du reste. Il n’y avait aucune cohérence. C’est arrivé de partout, d’Angleterre (Celina, Dobre), de Suisse (Assalé), de Ligue 2 (Allagbé), du Mexique (Chala), des gars qui n’avaient jamais joué ou presque en Ligue 1, tels Panzo (Monaco) et Boey (Rennes). L’effectif a été constitué très lentement et ça n’a pas aidé Jobard, qui avait déjà perdu des cadres comme Balmont, Gomis, Amalfitano ou Tavares », résume un proche du club.
Pour remplacer le gardien sénégalais Alfred Gomis, élément clé du maintien en L1 en 2019-2020 et vendu à Rennes, et Alex Runarsson (parti à Arsenal), le DFCO a préféré recruter Saturnin Allagbé (Niort, L2) et Alexandre Racioppi, numéro 3 à Lyon, alors que Régis Gurtner (Amiens) ou le Camerounais Fabrice Ondoa, à Ostende (Belgique) à l’époque, avaient été proposés au club. Avec le résultat que l’on sait, puisque ni Allagbé ni Racioppi, trop légers à ce niveau, n’ont donné satisfaction. Luyindula avait également fait venir de Rennes – en prêt – l’inexpérimenté latéral droit Sacha Boey (20 ans, 10 matchs en pro) – et certes pas le Dijonnais le plus décevant cette saison – le préférant à la dernière minute au Sénégalais Lamine Gassama (31 ans, Göztepe Izmir (Turquie), vice-champion d’Afrique en 2019 et qui cumule 110 matchs de L1 avec Lyon et Lorient. L’ex-attaquant du Paris-SG et de Lyon n’avait également pas jugé utile de répondre aux messages d’agents lui soufflant les noms de Giannelli Imbula et Hatem Ben Arfa, prêts à venir à Dijon pour se relancer et sans avoir d’exigences salariales démesurées. Après le mercato, un des membres de la cellule recrutement, Loïc Chalier, avait plié les gaules et donné sa démission, pour marquer son désaccord sur certains choix.
La fin du cirque, enfin ?
En novembre dernier, Delcourt (sollicité par SMS, le dirigeant n’a pas répondu à notre demande d’entretien) avait viré Jobard et Luyindula, qui ne pouvaient pas se voir en peinture, et nommé David Linarès, après avoir essuyé les refus polis de Bernard Blaquart, Franck Passi ou Jocelyn Gourvennec. Ancien joueur du club, puis adjoint d’Olivier Dall’Oglio, Antoine Kombouaré et Stéphane Jobard, Linarès, occupé plusieurs jours par mois à passer ses diplômes, avait hérité d’une mission peut-être trop compliquée pour un novice et d’un vestiaire plombé par l’attitude toxique d’une minorité très active. « J’ai régulièrement un de mes anciens joueurs au téléphone, il m’a souvent dit qu’il y avait une ambiance particulière dans le vestiaire, à cause de cinq ou six joueurs qui n’ont pas eu une attitude professionnelle, et cela peut suffire à semer le désordre », confirme un entraîneur.
Et l’ex-milieu de terrain de l’OL, malgré une légère embellie fin décembre et début janvier, n’a fait illusion que quelques semaines, avant d’enchaîner une impressionnante série de seize défaites sur les dix-huit derniers matchs de championnat. « Delcourt avait acté la relégation depuis un certain temps, et n’a pas voulu limoger le coach. Le président s’était projeté sur la L2, avec un effectif que Linarès aura choisi. Lequel n’a pas intérêt à rater son début de saison », confie un membre du club. Certains supporters, excédés, auraient aimé que le staff technique fasse aussi ses cartons. Ils n’ont pas oublié de critiquer le président, dont la responsabilité est forcément engagée dans ce fiasco.
Pour éviter de refaire les mêmes erreurs que la saison dernière, Delcourt a débauché du Servette Genève (Suisse) Gérard Bonneau, un ancien recruteur de Lyon escorté d’une très bonne réputation. De nombreux joueurs vont vider les lieux, afin de concrétiser dans les faits le grand ménage annoncé, et Bonneau, qui a déjà engagé Mickaël Le Bihan (Auxerre) et Valentin Jacob (Niort), espère finaliser les arrivées de Christopher Rocchia (Marseille), Cheick Traoré (Lens) et d’autres joueurs avant la reprise de l’entraînement, le 20 juin prochain, au nouveau centre dédié à l’effectif professionnel. Visiblement, à Dijon, on a décidé de revenir à un peu plus de cohérence. Ça ne devrait pas être trop compliqué.
Par Alexis Billebault, à Dijon