- Ligue 1
- J6
- Bordeaux-Dijon
Dijon : Alfred Gomis, un vide à combler contre Bordeaux
Un peu plus d’un an après son arrivée à Dijon pour un million d'euros, le gardien sénégalais Alfred Gomis a été vendu seize fois plus à Rennes. Il avait pourtant prolongé son contrat début septembre, et son président avait déclaré qu’il serait « suicidaire de le laisser partir ». Mais l’oseille, venue de Bretagne, a tout changé.
À quoi bon faire signer des contrats ? À quoi bon pondre des communiqués dans lesquels un joueur qui vient de prolonger assure « qu’il se sent bien dans le club, qu’il se consacre totalement à son projet », quand, à peine un mois plus tard, on le retrouve à 600 bornes de là ? Pourquoi déclarer, comme l’avait fait Olivier Delcourt dans L’Équipe le 24 septembre, « qu’Alfred Gomis est un joueur du club, qu’il sera là le 6 octobre » et « qu’il serait suicidaire de le laisser partir », pour le vendre cinq jours plus tard ? Parce que la sémantique, dans le football contemporain, est simplement devenue un fantastique réceptacle d’une langue de bois à faire crever de jalousie le responsable communication de n’importe quel parti communiste de la planète.
Quand Jobard compte ses sous
Depuis que Rennes, ayant compris qu’Édouard Mendy – partenaire de Gomis, en sélection sénégalaise – allait mettre les voiles pour Londres et Chelsea en échange d’un chèque de 25 millions d’euros, s’était tourné vers Gomis, tout le monde à Dijon sentait le mauvais coup venir. Julien Stéphan, le coach breton, s’était mis en tête que le Dijonnais était l’homme de la situation alors que d’autres noms pourtant plus ronflants – Kevin Trapp, Salvatore Sirigu, Alphonse Areola – circulaient. On avait aussi parlé de Dominik Livaković, le gardien du Dinamo Zagreb, ou encore du Turc Uğurcan Çakır (Trabzonspor). Deux jours avant le match Dijon-Montpellier (2-2, le 27 septembre), Stéphane Jobard, sans doute au courant de l’issue du dossier, avait tenté d’entretenir un semblant de mystère face à la presse dans un dossier qui le dépassait : « Alfred est concentré, souriant et très impliqué à l’entraînement. Il sera dans le but contre Montpellier. Il est normal qu’il soit perturbé par la situation : c’est quand même un club du top 5 français, qualifié pour la Ligue des champions, qui le veut. J’espère qu’il restera. » Sans convaincre personne, malgré toute sa bonne volonté.
Ce dimanche, avant le coup d’envoi, les supporters dijonnais plutôt attentifs à l’actualité du club ne doutaient pas un instant qu’ils allaient assister au dernier match de l’ex-gardien de SPAL 1913 (Italie) acheté un million en juillet 2019. Une rencontre à Dijon entre Delcourt et Nicolas Holveck, son homologue rennais, a en effet permis de définitivement sceller l’accord. Sportivement, l’imminente officialisation du deal a laissé dubitatif la majorité des fans. Mais économiquement, le raisonnement de Delcourt peut se tenir, puisque l’argent rentre dans les caisses d’une entité au budget serré (même si la SPAL touchera 30 % de la plus-value de 15 millions, soit 4,5 millions). Quelques heures plus tard, l’annonce : Rennes et Dijon officialisaient le transfert du vice-champion d’Afrique 2019, pour cinq ans.
Des supporters mitigés
Évidemment, les supporters dijonnais – qui ont longuement applaudi Gomis juste après le match, et réciproquement – attendent désormais Delcourt au tournant. Beaucoup se disent au mieux surpris, au pire désabusés ou même agacés par la politique sportive du club. Depuis le départ de Gomis, déjà précédé par le transfert de sa doublure islandaise Alex Rúnarsson à Arsenal pour deux millions, les rumeurs faisaient de Saturnin Allagbé (international béninois de Niort) le successeur du Sénégalais. Sauf que Sébastien Desabre, l’entraîneur des Chamois, tirait un peu la tronche chaque matin en avalant son expresso quand il lisait la presse. Le coach niortais tenait en effet beaucoup à conserver son gardien, et n’avait pas envie de le voir partir.
Reste que malgré les pistes Stéphane Ruffier et Régis Gurtner, le recrutement d’Allagbé est désormais acté. Et en attendant la première titularisation de la recrue, deux choses sont certaines : primo, ce dimanche à Bordeaux, c’est l’international Espoirs suisse Anthony Raccioppi (fraîchement arrivé de Lyon, et aucun match en Ligue 1 sur son CV) qui assurera l’intérim. Secondo, Gomis va forcément laisser un grand vide.
L’unanimité, avant le départ
Les supporters dijonnais, qui adoraient Gomis, l’avaient d’ailleurs élu meilleur joueur de la saison 2019-2020. En interne, Gomis était également très apprécié. « C’est un leader, un compétiteur qui dégage beaucoup de charisme. Il a de la personnalité, c’est un garçon avec qui il est facile de travailler », déclarait souvent Jobard devant les médias, pour résumer le bonhomme. Grégory Coupet, qui a découvert le futur ex-numéro 1 du DFCO en débarquant de Lyon, ne disait pas autre chose en saupoudrant son discours de quelques considérations purement sportives. « Pour moi, c’est un des meilleurs gardiens de Ligue 1. C’est un joueur vraiment complet, on sent qu’il a été formé à l’italienne. Cela se voit à son grand sens tactique », admirait le nouvel entraîneur des gardiens, au micro des journalistes.
Dans le vestiaire dijonnais, tout de suite après en avoir ouvert les portes au retour de la CAN 2019, Gomis s’était senti comme chez lui. Et ses coéquipiers l’avaient très vite adoubé. « Il s’était parfaitement fondu dans le collectif. Alfred, c’est un mec facile à vivre, souriant, sympa. C’est aussi quelqu’un d’ambitieux, qui veut toujours progresser et qui bosse pour y parvenir », rembobine Laurent Weber, le prédécesseur de Coupet, aujourd’hui entraîneur des gardiens de la sélection du Maroc. Par exemple, il s’entendait très bien avec Alex Rúnarsson. Alfred est vite devenu titulaire, mais la concurrence était saine, et on voyait vraiment qu’ils s’entendaient bien. Rúnarsson avait tout fait pour mettre Gomis à l’aise, alors qu’il savait très bien qu’il risquait de perdre sa place. L’année dernière, il a fait gagner des points au DFCO… » Cette fois-ci, alors que la lanterne rouge n’a pris qu’un point en cinq matchs, la tâche incombera à un autre. Bien du courage à lui…
Par Alexis Billebault, à Dijon