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Diego Perotti, la revanche de l’élégance

Par Adrien Candau
Diego Perotti, la revanche de l’élégance

Ce mardi, la Roma affronte Porto en match retour de barrages de la Ligue des champions, et Diego Perotti pourrait débuter sur l'aile gauche. Moins d'un an après son arrivée à Rome, l'Argentin est déjà un maillon fort du groupe de Luciano Spalletti. Un joueur gracieux à la technique raffinée, qui s'épanouit en Italie après avoir bien failli arrêter sa carrière du coté de Séville...

Samedi 20 août, Stadio Olimpico. La Roma de Luciano Spalletti fait ses débuts en Serie A cette saison. On joue la 65e minute et les Romains ont l’opportunité d’ouvrir le score grâce à un penalty obtenu après une faute sur Edin Džeko. Diego Perotti s’avance. Sa course est lente, aérienne. Cinq petits pas, un temps d’arrêt. Puis une frappe précise, qui prend à contre-pied le portier d’Udine. Ses coéquipiers l’entourent pour le féliciter. Daniele De Rossi sprinte même depuis le banc de touche pour le congratuler. À Rome, le milieu argentin, arrivé en février 2016, fait déjà l’unanimité. La carrière de ce natif de Moreno est pourtant tout sauf rectiligne. « À Séville , j’ai failli arrêter le football » , confiait même le joueur aux médias romains en mars dernier. Si l’Espagne a vu exploser le talent de Perotti, elle a aussi failli être le théâtre de son extinction.

Le temps des prodiges

La trajectoire de Diego Perotti semblait pourtant toute tracée. Fils de l’ancien joueur de Boca Juniors Hugo Osmar Perotti, Diego fait ses classes au pays, au sein du club du Deportivo Morón avant d’être repéré à seulement dix-neuf ans par le FC Séville. En Andalousie, après une petite année passée dans l’équipe B, le prodige est intégré à l’équipe première dès 2008. Avant de devenir un joueur majeur de l’effectif sévillan l’année suivante, disputant vingt-huit matchs en Liga et six en C1. Perotti brûle les étapes. Sa qualité de passe soyeuse, ses dribbles de la semelle et ses inspirations collectives dessinent les contours d’un joueur racé, à l’élégance naturelle. Des débuts tonitruants, qui lui valent même d’être convoqué par Diego Maradona en sélection en novembre 2009. Une nouvelle que Perotti apprend… alors qu’il est en cours à la fac. Car le profil du meneur argentin n’est pas seulement atypique sur le terrain. Curieux, le jeune homme a étudié la psychologie à Buenos Aires avant de suivre des cours de criminologie à Séville : « J’ai toujours voulu mettre à profit mon temps libre… En Argentine, j’avais commencé des études de psychologie et les dirigeants du club m’ont aidé à entrer à l’université de Séville » , expliquait-il au journal sportif argentin Olé, avant de revenir sur les circonstances inhabituelles qui ont entouré sa première convocation en équipe nationale : « Le cours n’avait pas encore commencé, car l’enseignant discutait avec certains élèves. Mon téléphone a sonné. Normalement, je ne réponds pas par égard pour le professeur, mais là, nous avions le temps. Et là, j’apprends que j’ai été sélectionné par Diego Maradona. J’avais du mal à y croire. »

L’enfer sévillan

Un joli conte de fées sans doute trop beau pour durer. Après deux premières saisons brillantes dans l’équipe première de Séville, les perspectives de carrière de Perotti s’assombrissent progressivement en raison d’une avalanche ininterrompue de blessures. Entre le début de la saison 2011-2012 et janvier 2014, l’Argentin dispute seulement 43 matchs de Liga pour un seul but marqué. Une présence sporadique qui crée des tensions avec les supporters sévillans, lassés de voir leur joueur le plus talentueux déclarer forfait sur forfait. Des critiques que Perotti, encore un peu tendre, a du mal à encaisser. Début janvier 2012, le joueur en vient même aux mains avec un supporter qui l’avait insulté et harcelé téléphoniquement. Sur le terrain, l’Argentin, chauffé à blanc, est parfois maladroit. En octobre 2013, face à Fribourg, en Ligue Europa, il provoque les ultras après avoir transformé un penalty. Accusé d’avoir une hygiène de vie dissolue qui serait à l’origine de ses blessures à répétition, le milieu de terrain finit par s’effondrer, usé psychologiquement. En février 2013, il demande à Séville de le laisser retourner jouer en Argentine. « J’ai vingt-quatre ans et je suis déjà détruit émotionnellement, confessait alors le joueur à la radio officielle du club. J’essaie de trouver une solution à mon problème. Je ne voudrais pas quitter Séville, mais je suis dans une situation sans issue. Toutes ces opérations et tests médicaux ne m’ont pas aidé, ça doit donc être quelque chose de psychologique. » Séville finit par le prêter à Boca Juniors en février 2014, avant de le vendre pendant l’été au Genoa pour la somme de… 350 000 euros. Plus personne ne croit alors en un retour de l’ancienne pépite andalouse.

Voir Gênes et renaître

Personne, sauf l’entraîneur génois, Gian Piero Gasperini, qui fait de l’Argentin un joueur fondamental de son trio d’attaque, composé également de Iago Falque et Alessandro Matri. Sous l’impulsion de Perotti, le Genoa change de dimension. Treizième en 2013-2014, le club va réaliser une saison brillante en 2014-2015, terminant sixième de la Serie A et décrochant même des succès de prestige face à la Juventus, le Milan et l’Inter. Gasperini est aux anges : « Perotti est un joueur qui peut jouer dans une grande équipe. Il a eu des saisons difficiles, mais il évolue maintenant à un niveau très élevé. En Italie, et peut-être même en Europe, c’est l’un des meilleurs à son poste. Il sait comment attaquer, défendre, il voit très bien le jeu, c’est un joueur qui peut vous faire faire un vrai saut qualitatif » , confiait-il à la Gazzetta dello Sport en décembre 2014.

Rapidement, il devient clair que Gênes est un peu trop petit pour le talent du milieu argentin. Qui est donc prêté avec option d’achat à la Roma en février 2016. Dans la ville éternelle, les performances de Perotti sont dans la continuité de ce qu’il a démontré depuis qu’il est arrivé en Italie. Tantôt aligné sur un côté, tantôt dans l’axe, dans un rôle de faux neuf cher à Luciano Spalletti, l’Argentin et sa technique d’esthète tapent dans l’œil de son entraîneur et des supporters romains. Diego réussit une belle saison sur le plan statistique, avec neuf passes décisives en Serie A. La Louve lève logiquement son option d’achat de neuf millions d’euros. Perotti peut, lui, savourer sa renaissance, sans oublier de remercier ceux qui lui ont tendu la main, quand beaucoup le croyaient perdu pour le football : « Arriver à Gênes a été un déclic pour moi. Ma carrière était presque finie. Je n’avais plus de force physique et mentale, mais ils m’ont fait renaître. J’ai passé une très belle saison et demie là-bas, avec un vestiaire incroyable… Gasperini a été comme un père pour moi. Il m’a fait retrouver mon football en me permettant de vaincre le manque de confiance que j’avais en mes propres moyens physiques et mentaux. » L’élégance sur et en dehors des terrains, toujours.

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