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Diego Moreira : TikTok, qui est là ?
Arrivé sur le gong du mercato en prêt, Diego Moreira n'a disputé qu'une dizaine de minutes avec l'Olympique lyonnais, mais s'est déjà fait remarquer. En plus de son style provocateur sur l'aile, le jeune Portugais a une sacrée renommée sur les réseaux sociaux, et notamment TikTok. À voir ce que cela donne sur plus de 15 secondes.
Un jeune ailier est venu éclaircir une nouvelle triste soirée du côté de Lyon dimanche face au Havre (0-0). Des jambes en fil de fer, des dreadlocks virevoltant au gré des dribbles et un contrat lié au puissant Jorge Mendes : non, il ne s’agit pas de Bradley Barcola, parti s’épaissir (?) au PSG, mais bien de la recrue Diego Moreira, natif de Liège au profil similaire, mais au tempérament bien plus extraverti. Si bien que quand il entre en jeu, l’enthousiasme se fait sentir des tribunes. Mais est-ce que les spectateurs du Groupama Stadium étaient présents à l’entraînement pour scruter leurs futurs chouchous ou sont-ils passés par un autre canal pour avoir un aperçu de ce que peut offrir ce gamin de 19 ans ? La réponse est plutôt à chercher du côté de TikTok, puisque de son jeu, seuls les scouts avisés ont pu se faire un réel avis. Apparemment timide et avare en phrases de plus de dix secondes lors de la vidéo de présentation sur la chaîne de l’OL, l’espoir portugais est en réalité un as de la communication digitale et c’est d’ailleurs sur l’application d’origine chinoise que l’espoir portugais s’est fait un nom. Un garçon de son époque, somme toute.
« Diegzyy » l’insouciant
Crampons chaussés, le garçon est un mangeur de craie, un provocateur affamé. « C’est un pur gaucher, extrêmement dribbleur, toujours dans la percussion et la recherche du un contre un », affiche Arno Van den Abbeel, qui l’a eu sous ses ordres avec les U15 de la Belgique. C’est une fois qu’il quitte le terrain que Diego Moreira s’affirme en tant qu’influenceur. Né en 2004, le Belgo-Portugais est, comme beaucoup de jeunes de 19 ans, actif sur les réseaux sociaux. Sur TikTok principalement où ses 77 posts nous montrent la vie d’un footballeur en devenir qui écoute du rap, parle de filles et porte les chaussures et fringues à la mode. Les vidéos de danse sont plus nombreuses que celles de foot, au point de se demander quelle est sa réelle activité. Suffisant pour dégoûter ses followers qui venaient pour le ballon ? « Sur les différents réseaux sociaux, il faut proposer du contenu très régulièrement, voire tous les jours. Des photos et des vidéos autour des matchs oui, mais aussi de l’extrasportif pour capter un autre public », explique Sylvain Carretero, social manager de Christian Kouamé, Martin Terrier ou encore Franck Kessié.
Depuis sa première danse virale depuis sa salle de bain, qui coïncide avec le moment où il fréquentait le centre de formation du Standard de Liège, Diego Moreira – ou plutôt « Diegzyy » – gratifie ses abonnés de quelques vidéos croustillantes et qui correspondent assez à ce qu’il est dans la vraie vie. De fait, l’ailier est souvent décrit comme un jeune à la bonne humeur contagieuse. « Il était sage à l’époque, rigole Arno Van den Abbeel. C’est le style de garçon qui mettait toujours l’ambiance dans le vestiaire. » Pourtant, entre 2019 et 2020, le fils d’Almany Moreira, ancien cadre du Standard au début du siècle, s’engage dans un bras de fer avec son club formateur avant de quitter la Belgique pour le SL Benfica. Là-bas, l’ailier fait de nouveau parler sa technique et se révèle notamment en Youth League. Auteur de quatre buts et de cinq passes décisives lors de l’édition 2021-2022, il est l’un des fers de lance de l’équipe victorieuse emmenée par Luís Castro. De quoi gratifier les internautes d’une petite danse avec Filipe Cruz sur TikTok.
@diegzyyyooff dançarinos profissionais
Bad buzz et grain de folie
En scrollant le profil de Moreira, on est en droit de se demander où se trouve le vrai Diego. « S’il n’hésite pas à se filmer face caméra, c’est que c’est un jeune homme très ouvert, analyse Sylvain Carretero. D’autres joueurs préfèrent qu’on n’axe leur communication que sur le terrain. Les autres, comme Diego Moreira donc, veulent montrer leur lifestyle, des choses beaucoup plus vraies, pour capter une audience plus large avec ce côté authentique. » Parfois peut-être un peu trop. L’ancien utilisateur de Musical.ly, où le préadolescent se filmait sur un hoverboard, s’inspire d’Alphonso Davies pour les chorégraphies, mais aussi de Mykhaïlo Mudryk pour les dérapages. Adepte du playback, il a réalisé quelques vidéos à caractère sexuel. Une activité qui se révèle aussi risquée que de narguer Nigel de Jong si on veut faire carrière. « Ça peut ternir son image auprès des marques, surtout les plus prestigieuses s’il entend devenir un des meilleurs du monde. Les entreprises ont de plus en plus peur d’être associées à des joueurs susceptibles de créer autour d’eux un bad buzz », estime le spécialiste des réseaux sociaux. De son côté, Arno Van den Abbeel met en garde son ancien poulain : « Il connaît le milieu du foot grâce à son père et il doit savoir qu’il y a certaines choses à éviter sur les réseaux sociaux… »
Eh mais c'est un malade mental pic.twitter.com/lLWe9fFeET
— natsuø 〽️ (@natsuovz) September 1, 2023
Surtout que, dans le même temps, Diego Moreira peine à se faire une place à Benfica. Après avoir fait le tour avec la B, il ne compte que deux petites entrées en jeu avec l’équipe première. Le natif de Liège, voyant sûrement une éventuelle concurrence avec Jérémy Doku ou Johan Bakayoko chez les Diables rouges, opte même pour la sélection portugaise. Il décide ensuite de changer une nouvelle fois de club en signant à Chelsea. Le joueur rapide, « mais qui manque d’explosivité et de statistiques individuelles », selon son ancien entraîneur, est prêté dans la foulée à l’Olympique lyonnais dans les dernières heures du mercato. « Je ne pense pas que Chelsea ou Lyon l’aient recruté pour sa popularité sur les réseaux sociaux, mais ça aide forcément à attirer l’œil, note Sylvain Carretero. Au même niveau, il vaut mieux recruter le joueur plus connu. » À défaut de pouvoir assurer qu’il est un crack en devenir, ses vidéos TikTok l’ont rendu bankable et pourraient apporter un élan de popularité aux Gones qui en manquent tant. Déjà bien intégré à son nouveau vestiaire, l’ailier s’est distingué sur la story Instagram de Jeffinho… en dansant. En perte de vitesse depuis le départ des fantasques Lucas Paquetá et Bruno Guimarães, l’Olympique lyonnais a donc peut-être enfin retrouvé en la personne de Diego Moreira le grain de folie qui lui manquait. Ou le moyen de recruter de nouveaux abonnés sur ses plateformes. Dommage que ça ne compte pas au classement de Ligue 1.
Par Enzo Leanni
Tous propos recueillis par EL.