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Didier, si tu nous écoutes, prends Jonathan Clauss
En élargissant à 26 le nombre de joueurs pouvant être sélectionnés à l’Euro 2020, l’UEFA permet à chaque sélectionneur de réserver quelques surprises au moment d’annoncer leur liste. Alors, pour aider Didier Deschamps à trouver les siennes, SoFoot lui propose quelques noms qui pourraient faire le plus grand bien à l’équipe de France. Aujourd’hui : Jonathan Clauss, la dynamite du RC Lens.
Il paraît que personne n’a jamais rêvé d’être latéral. Il paraît même qu’il n’existe que deux explications pour qu’un joueur se retrouve à ce poste : « Soit vous êtes un ailier raté, soit un défenseur central raté. » Comme expliqué par Jamie Carragher il y a quelques années, on ne deviendrait latéral que parce que l’on aurait échoué à une autre tâche, et l’histoire va dans le sens de l’ancien défenseur de Liverpool : arrière latéral a longtemps été le rôle le moins attirant d’un onze, un boulot réservé aux joueurs dont on n’achète jamais le maillot à la boutique du club et, en 2018, Didier Deschamps justifiait la chose lors d’un entretien donné à RMC Sport en expliquant qu’un « défenseur latéral, c’est avant tout un défenseur », point. Reste qu’au fil de la disparition progressive des ailiers traditionnels, souvent remplacés par des ailiers en faux pied s’amusant à venir garnir l’axe plutôt qu’à renifler la ligne de touche, les repères ont été bousculés, et les latéraux ont aujourd’hui récupéré un rôle multiple où ils doivent être tour à tour des relanceurs, des joueurs de débordement, des bons centreurs, des mecs à l’aise dans le contre-pressing, des types capables de sortir d’une pression par la passe ou un dribble, de péter une ligne dans les trente dernières mètres, d’enchaîner les courses…
Bref : d’être ce qu’est exactement Jonathan Clauss, 28 ans et un destin à exciter n’importe quel cinéaste. À savoir : celui d’un enfant qui passait ses journées à « casser les géraniums dans le jardin ou la vaisselle de la cuisine » avec un ballon, qui a ensuite intégré les rangs du Racing Club de Strasbourg, club pour lequel il a été ramasseur de balle à la Meinau avant d’être recalé du centre de formation alsacien à 17 ans, ce qui l’a forcé à reprendre le foot en DH, puis à enchaîner les jobs alimentaires (tri à la Poste, distribution de prospectus, gestion de commandes dans une boîte de produits surgelés…) avant de se refaire la cerise entre la France et l’Allemagne, jusqu’à l’explosion grâce à la Coupe de France et à un but fou inscrit avec Avranches face à Laval, à une confirmation à Quevilly-Rouen et enfin à un envol définitif du côté de l’Arminia Bielefeld, avec qui Clauss est devenu champion de 2. Bundesliga en 2020. Fan de Sardou, de Booba, de choucroute, capable de raser la tête de l’un de ses coachs en direct à la télé, mais aussi de fracasser une manette de console contre un mur après une défaite à FIFA, le piston droit sort d’une saison au plus-que-parfait avec le RC Lens. Et si ?
Oui, on peut rêver d’un latéral
La question n’est en aucun cas farfelue, et ce, pour une raison simple : Jonathan Clauss est un profil que Didier Deschamps n’avait pas au Mondial 2018 et pourrait aider, à terme, l’équipe de France à maîtriser de nouvelles phases de jeu, notamment face à des blocs bas. Meilleur passeur décisif du Racing (6 offrandes), auteur de 3 buts, plus gros centreur de Ligue 1 (146 centres effectués depuis le début de saison, soit 5,35/match en moyenne, ce qui le place devant Franck Honorat et Ángel Di María dans l’exercice et avec 35% de réussite), en progression au fil de la saison sur le plan défensif, ce qui a aussi été favorisé par le 3-4-1-2 du Racing et l’excellent exercice de Jonathan Gradit à ses côtés, la dynamite sang et or entre sans trembler dans le débat pour l’Euro. À son poste, alors que Benjamin Pavard présente un autre profil, il est plus marquant offensivement que Léo Dubois, pas forcément moins rassurant défensivement, car plus rapide dans les transitions, et doit profiter d’une liste de 26 pour choper un siège, même si Ruben Aguilar peut aussi être un candidat de choix.
Avec les Bleus, qui devraient ressortir à l’Euro certains réflexes de la dernière Coupe du monde (solidarité entre les lignes, bloc bas ou médian, compact, et projet porté par le profil de ses joueurs plus que par un réel projet collectif), Clauss pourrait faire parler ses qualités de contre-attaquant et être un pendant parfait à Lucas Hernandez, mais aussi permettre à Deschamps de penser à un système atalantesque (ou lensois) avec une défense à trois Kimpembe-Varane-Pavard, Clauss et Hernandez dans les couloirs, Pogba-Kanté en double pivot, Griezmann en 10, puis un duo Mbappé-Giroud devant. « Je suis un contre-attaquant, avec de la vitesse et de la technique, soufflait récemment le latéral offensif nordiste. J’aime les dernières passes, le football moderne fait de rapidité, l’adrénaline des matchs… Le football plaisir est celui qui me correspond le mieux. » En tout cas, il faut y croire, et on n’est pas seul, puisque fin février, un #ClaussEnEdf est venu compléter la candidature d’un joueur poussé chez les Bleus dans nos colonnes dès le début de saison. Oui, on peut rêver d’un latéral.
Par Maxime Brigand