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Didier, si tu nous écoutes, prends Gaëtan Laborde
En élargissant à 26 le nombre de joueurs pouvant être sélectionnés à l'Euro 2020, l'UEFA permet à chaque sélectionneur de réserver quelques surprises au moment d'annoncer sa liste. Alors pour aider Didier Deschamps à trouver les siennes, SO FOOT lui propose quelques noms qui pourraient faire le plus grand bien à l'équipe de France. Place à Gaëtan Laborde, qui a claqué sa plus belle lettre de motivation ce mercredi contre Paris.
Comme d’habitude dans cette compétition qu’est la Coupe de France, on pensait naïvement que le déplacement du PSG à la Mosson ce mercredi serait une promenade de santé vers le Stade de France, pour le club de la capitale. Surtout que Kylian Mbappé avait enfilé son plus beau costume de Donatello et était parti pour plier cette rencontre en deux accélérations. Alors certes, l’actuel dauphin du LOSC en Ligue 1 aura bien l’occasion de se succéder à lui-même au palmarès de l’épreuve dans une semaine, après être rentré de l’Hérault avec la qualification. Mais ce fut loin d’être une partie de plaisir, car un homme a su sauver le suspense lors de cette soirée, pour les rares passionnés qui avaient accès à Eurosport 2.
Missile et « Gueguette »
À 27 ans tout rond (depuis dix jours), Gaëtan Laborde est au sommet de son art, réalise la plus belle de ses saisons en professionnel (15 pions et 8 caviars en ligue 1) et tenait à le rappeler une nouvelle fois face aux champions de France. Il y a eu cette offrande pour Andy Delort à la 83e, alors que plus personne n’y croyait, puis ce tir au but inscrit tout en sérénité lors d’une irrespirable séance (ça peut toujours être utile ça, Didier). Et il y a surtout eu ce missile sol-air juste avant la pause crucifiant Monsieur Keylor Navas et relançant la partie, alors que le Paris Saint-Germain n’avait jamais vu ses filets trembler cette saison en quatre rencontres de CDF. Voilà ce que c’est, Gaëtan Laborde, en 2021 : un homme capable de partager la vedette avec Mbappé.
Lorsque Michel Der Zakarian pliera bagage et quittera la Paillade dans quelques semaines, il regrettera sûrement son « Guegette ». Didier veut des joueurs d’équipe ? Des hommes de groupe ? Il va être servi. Laborde, c’est cet attaquant qui cravache à la perte du ballon, se rend toujours disponible, fait 18 appels infructueux avant de faire la différence sur le 19e, fait briller ses partenaires, ne bronche pas quand on le déporte sur un côté pour le bien d’un 4-4-1-1 frileux. Passé par le National (Red Star) et la Ligue 2 (Brest, Clermont) pour se faire les griffes, rejeté à Bordeaux, son club formateur, il s’est ensuite si bien intégré dans sa nouvelle écurie qu’il est devenu l’un des symboles de ce MHSC plein de valeurs. MDZ s’est régalé durant leurs trois années de vie commune, et en a fait l’un de ses hommes de base pour maintenir son MHSC à un niveau souvent séduisant. Son pote Delort savoure également depuis leurs débuts ensemble en 2018, et ce n’est pas un hasard si l’ancien Ajaccien est redevenu une terreur dans l’Hexagone. Téji Savanier et Florent Mollet, eux aussi, ont développé une certaine complémentarité avec le gaucher, qui leur rend volontiers les passes décisives qu’on lui offre.
Le jeu avant le je
Oui, le produit girondin a des choses bien à lui, à commencer par cette conduite de balle particulière, ce corps désarticulé donnant parfois l’impression qu’il court sur un fil, toujours à la limite de la rupture. Mais s’il a ce style atypique, c’est parce que tout ce qu’il fait est utile et sans fioriture : la marque d’une certaine catégorie de footballeurs. Attaquant complet, il peut être cet ailier qui va déposer une galette pour un partenaire, ce faux numéro neuf qui va jouer en remise avec son compère d’attaque ou cet avant-centre qui va surgir d’un coup de casque au point de penalty. Ce jeu de tête, les Girondins de Bordeaux lui doivent d’ailleurs une coupe Gambardella, figurez-vous. En plus de tout cela, il est tout à fait capable de se muer en joueur frisson, comme lorsqu’il nettoie la lucarne de Navas ou qu’il claque un ciseau acrobatique dans les hauteurs de la Meinau, pour un doublé à Strasbourg (2-3) : pas la peine de fouiller dans vos souvenirs les plus profonds, ces faits d’arme remontent tous les deux à moins de quatre jours.
Et quand la moitié de ses coéquipiers et même son coach s’en donnaient à cœur joie pour passer en revue les arbres généalogiques de leurs adversaires hier contre Paname, Gaëtan gardait la tête froide et conservait ses forces pour mener la vraie bataille. Il a beau n’avoir certainement jamais parlé à Monsieur Raynald Denoueix, Laborde sait ce que signifie « le jeu avant le je ». Ses paroles chez Eurosport ce mercredi allaient d’ailleurs dans ce sens : « Sur des matchs, je sais qu’il va falloir que je me sacrifie pour l’équipe, pour gagner. Pour mes coéquipiers, parce que je les respecte énormément. Je ne suis pas le meilleur joueur du monde, mais sur le terrain, je sais ce que je donne pour mon équipe et pour mon club. » Respect, sacrifice, don de soi, et l’on parle là de quelqu’un qui passe ses dimanches à attendre des ballons de la part, entres autres, de Daniel Congré ou Mihailo Ristić. Imaginez le cocktail avec un Antoine Griezmann et un Paul Pogba.
Par Jérémie Baron