- Euro 2020
- Équipe de France
Didier, si tu nous écoutes, prends Alexandre Letellier
En élargissant à 26 le nombre de joueurs pouvant être sélectionnés à l'Euro 2020, l'UEFA permet à chaque sélectionneur de réserver quelques surprises au moment d'annoncer leur liste. Alors pour aider Didier Deschamps à trouver les siennes, SO FOOT lui propose quelques noms qui pourraient faire le plus grand bien à l'équipe de France. À l'image d’Alexandre Letellier, qui est à lui seul une ode au rôle souvent ingrat de troisième (voire quatrième) gardien.
C’est un joueur dont on est absolument sûr et certain qu’il ne va jamais jouer. Et ce sont les mots de Didier Deschamps, peu avant la Coupe du monde 2014 : « Le n°3 a un rôle particulier. Au départ, sur les 23, c’est le seul qui est quasi certain de ne pas jouer.(…)Humainement, ce n’est pas évident. » Et pourtant, c’est le seul dont la présence lors d’une compétition est réglementaire. Article 19, alinéa 4 du règlement de la Coupe du monde de la FIFA 2018 : « Trois joueurs doivent être des gardiens de but » , pas moins, officiellement pour être sûr de ne pas se retrouver en rade dans le cas d’une blessure. Avec l’élargissement des listes à 26 pour l’Euro 2021 par l’UEFA, Didier Deschamps pourrait même, comme il l’a fait lors des deux derniers rassemblements, choisir de prendre dans ses valises un quatrième portier. Pour quoi faire ? Pour servir encore moins que le troisième ? Ne soyez pas si cyniques, s’il vous plaît.
Numéro 3, c’est un métier
Que la Dèche choisisse une formule à trois ou quatre portiers, le candidat idéal est tout trouvé : Alexandre Letellier. Pour une raison simple : la hiérarchie des gardiens en équipe nationale a pour habitude d’être construite entre trois gardiens qui ont l’habitude d’être titulaires indiscutables en club, ce qui peut créer des tensions avec des joueurs choyés en leurs terres et qui se retrouvent à porter les plots en sélection pour un collègue jugé bien meilleur qu’eux. Prenez Stéphane Ruffier, qui a justement décidé d’arrêter les Bleus à force d’être relégué au rang de figurant. Aucun risque que cela arrive avec Alexandre Letellier : le garçon est une doublure dans l’âme. Du haut de ses 30 berges, le natif de Paris n’a quasiment fait que ça de sa carrière. Dès ses débuts à Angers, il sert d’ombre à Grégory Malicki, puis à Ludovic Butelle jusqu’à son départ au Clube Bruges à l’été 2015. Letellier découvre alors cette douce vie de titulaire… le temps d’une demi-saison, juste avant de se faire les croisés et de voir Mathieu Michel débarquer pour mieux lui passer devant. La poisse… ou le destin ?
Depuis son départ d’Angers, Alexandre Letellier a un peu vadrouillé, mais pas toujours avec bonheur, puisqu’il a très peu joué aux Young Boys de Berne et à Troyes, et n’a pu faire que deux bouts de saison à Sarpsborg (Norvège) et Orléans. Juste assez pour se rendre compte que finalement, même si c’est un peu triste pour son temps de jeu, il est sans doute plus à l’aise dans un rôle secondaire. « En tant que joueur, Alexandre, c’est un bosseur, il n’a pas peur de travailler, nous confiait à son sujet l’ancien parisien Tripy Makonda. Il donne tout pour le collectif, dans un vestiaire, on a besoin de personnes comme lui, il se fond dans la masse. » Se fondre dans la masse, faire le taf en silence et bien, c’est ce que cherchait le PSG quand il est allé le chercher cet été pour suppléer Keylor Navas et Sergio Rico. C’est aussi la logique qu’applique souvent Didier Deschamps, au moment de sélectionner ses joueurs de champ : combien de fois a-t-il préféré à des joueurs plus talentueux, plus efficaces en club, des garçons qui savaient remplir un certain rôle dans son collectif ? Comme Adil Rami, Mamadou Sakho, Kurt Zouma, Moussa Sissoko et autres ?
Son quotidien, faire face à des attaquants de classe mondiale
Au Camp des Loges, Letellier, formé au PSG, tellement amoureux de Paris qu’il a dédié à la ville un immense tatouage dans son dos, passe ses journées à charbonner aux côtés d’un des meilleurs gardiens d’Europe et à manger matin, midi et soir des minasses de Mbappé, Neymar, Di María, Icardi ou Kean. Vous voulez parler talent ? Il en a visiblement bien assez pour que le PSG lui fasse confiance. En revanche, en matière de conditionnement, il part avec une longueur d’avance sur la quasi-totalité des gardiens de France pour ce qui est de la mentalité et du comportement à avoir dans la peau d’un numéro 3. « C’est aussi le plus sollicité, par exemple lors des séances supplémentaires des attaquants, tout en devant mettre le n°1 et le n°2 dans les meilleures conditions, philosophait toujours Deschamps sur ce rôle très particulier dans un groupe. Sa présence compte énormément dans la vie de groupe, notamment à l’échelle du travail spécifique des gardiens. Ils doivent développer beaucoup de complicité, savourer leurs moments à eux. »
Plutôt que d’utiliser à ne rien faire des gardiens comme Maignan, Lecomte, Areola ou Costil, qui pourraient légitimement ambitionner d’être numéro 1, mais ne le seront peut-être jamais, pourquoi ne pas donner sa chance au numéro 3 professionnel de l’un des plus grands clubs d’Europe ? Un mec dont évoluer dans l’ombre est le métier et qui fait toujours tout pour mettre bien son numéro 1 et son numéro 2 ? Qu’un soldat sûr comme Letellier, comme tous les gardiens de l’ombre qui charbonnent et prennent soin des bancs de Ligue 1, ne compte aucune sélection en Bleu est une injustice. Si Didier Deschamps est si attaché que ça à l’équilibre de son groupe, il sait ce qu’il lui reste à faire. Pour la France. Et pour ajouter un titre de champion d’Europe au palmarès d’Alexandre Letellier.
Par Alexandre Aflalo