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- Dortmund-PSG (2-1)
Didier Domi : « On a trop marché à la récupération »
Latéral gauche formé au Paris Saint-Germain et passé par le club de la capitale de 1994 à 1998, puis de 2001 à 2003, Didier Domi décortique les manques du PSG au Signal Iduna Park face à Dortmund (2-1) lors du huitième de finale aller de la Ligue des champions.
Thomas Tuchel a surpris son monde en ne reconduisant pas son 4-4-2 qu’il travaillait depuis plusieurs semaines. Ne pas voir ce système au coup d’envoi, était-ce aussi une surprise pour toi ?Non, pas vraiment. Si on avait joué en 4-4-2, on aurait beaucoup plus subi, et le score aurait été même plus lourd à mon sens. Déjà, derrière, tu aurais eu un 3 (Piszczek, Zagadou et Hummels) contre 2 (les deux attaquants parisiens, Icardi et Mbappé par exemple, N.D.L.R). Ensuite, Hakimi et Guerreiro auraient beaucoup fait reculer Neymar et Di María, car tu ne peux pas jouer haut comme cela en Ligue des champions tout au long de la partie. Mais le plus grave, c’est que Sancho et Hazard auraient fait sortir Meunier et Kurzawa. Un cas de figure qui aurait amené une pluie de ballons dans le dos des latéraux parisiens, et donc obligé Kimpembe, Thiago Silva et Marquinhos à colmater de tous les côtés. On aurait beaucoup trop subi et ça aurait été trop dur pour nous.
Les méformes de Marquinhos et de Thiago Silva ont-elles poussé Tuchel à jouer à trois derrière ?
Peut-être un peu, mais selon moi, c’était avant tout tactique. Quand je vois le travail de repli de Neymar et de Di María ce soir, en 4-4-2, je ne sais honnêtement pas combien on en aurait pris. Avec ce 3-4-3, Tuchel voulait maîtriser les côtés en mettant Kurzawa et Meunier face à Hakimi et Guerreiro. Ça a permis aussi de densifier ce milieu, c’était tout l’objectif de cette mise en place. Cela apportait, dans les couloirs, une couverture en plus pour réduire l’influence de Sancho et de Hazard qui sont dangereux lorsqu’ils commencent à décrocher.
En première période, Paris a semblé incapable de changer de rythme et de combiner dans la moitié de terrain du BvB. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? En Ligue des champions, la qualité de la récupération est essentielle. Et hier soir, Dortmund nous a collé une leçon dans ce domaine. Que ce soit dans l’envie ou tactiquement. Dans cette compétition, il faut prendre des risques pour sortir sur ton adversaire direct. Piszczek n’a jamais laissé Neymar se retourner à titre d’exemple. Il sortait en permanence de la ligne défensive de 4 pour aller le chercher, car il savait que si le Brésilien se retournait, il était mort. Mais ce n’est pas tout. À côté de lui, tu avais toujours Witsel et Sancho pour l’aider à bloquer Neymar. Ils étaient trois en permanence, et c’est ça, une excellente récupération de niveau Ligue des champions. À la différence de Paris, il n’y avait que 6-7 mètres entre les joueurs de Dortmund. Nous, c’était davantage entre 11 et 13 mètres à partir de la vingtième minute. Soit une récupération très, très faible. Hormis Kimpembe qui a compris qu’il fallait qu’il sorte sur Hazard, ce qui explique d’ailleurs pourquoi on n’a quasiment pas vu le Belge du match. Mais on a trop marché à la récupération.
Justement, la récupération. C’est habituellement la tâche assumée par Idrissa Gueye, qui a particulièrement souffert ce mardi soir. Un faible rendement en partie dû à l’activité défensive insuffisante de Neymar et Di María ?
C’est un tout, je pense. Quand Witsel et Can ont Zagadou et Sancho à cinq mètres d’eux, c’est facile. Au contraire, quand tu as Neymar et Di María au loin et qui ne sont pas concernés, c’est beaucoup plus difficile. Gueye avait un énorme trou à combler au milieu de terrain. Il ne peut pas tout faire. Quand tu fais des sprints sur 5-6 mètres, comme faisait le grand Barça, tu peux répéter ces efforts jusqu’au bout. Ils avaient un niveau élevé, car ils étaient toujours très proches les uns des autres. Là, les courses sur la largeur étaient trop importantes pour que lui, ou Verratti, puissent être efficaces pendant 90 minutes.
L’absence d’un buteur, d’un point de fixation comme Mauro Icardi sur lequel se baser, aurait-il pu permettre au PSG d’avoir davantage de solutions dans le camp de Dortmund ?
Je ne pense pas, car encore une fois, on ne s’est pas appuyé sur une bonne récupération. On a perdu beaucoup d’énergie avant même d’attaquer. Icardi n’aurait rien eu à se mettre sous la dent. La deuxième chose, c’est que l’on n’a pas été assez patients par moments. Et puis, la qualité de passe de Neymar était très faible. On aurait pu faire courir le bloc de droite à gauche, puis de gauche à droite. Quand je parle de récupération, et j’insiste là-dessus, ce n’est pas forcément une récupération haute comme le Barça. L’Atlético, par exemple, récupère aussi beaucoup de ballons et le fait bien avec un bloc médian. Car c’est la qualité et l’intensité de tes courses qui vont amener par la suite des décalages. Côté PSG, il n’y avait que trop peu d’intensité à la récupération du ballon, ça n’allait pas assez vite vers l’avant. La faiblesse des replacements de Neymar et Di María ont obligé à produire beaucoup d’efforts pour récupérer le ballon, et c’est là que Gueye et Verratti ont beaucoup souffert physiquement.
Qu’est-ce que Paris aurait pu mieux faire ?On aurait pu avoir plus de mouvements, et plus de technique. Aller beaucoup plus rapidement vers l’avant. Lorsque Piszczek suivait Neymar et que Kurzawa fixait Hakimi, j’aurais pensé voir Ney’ beaucoup utiliser l’espace côté gauche pour désaxer notre ami Hummels. C’est un cas de figure que l’on n’a pas assez vu à mon sens, et qui aurait pu se produire en remisant sur Verratti en une touche par exemple. On a souffert, car nos courses n’étaient pas coordonnées, mais aussi car on a trop peu touché nos deux joueurs majeurs que sont Ángel Di María et Neymar. C’est là où Lucien Favre a été très fort.
En quoi a-t-il été fort, justement ?Déjà, pour empêcher la première relance. Sancho et Hazard sont toujours allés se placer entre Kimpembe et Neymar ou Marquinhos et Di María pour gêner cette première relance. Ensuite, le fait de tout mettre en place pour que Neymar, même à quarante mètres de ses buts, ne puisse pas se retourner. Ils ont été très concentrés avec, aussi, une bonne maîtrise des événements. En première période, Marquinhos avait souvent un mètre de retard sur Sancho, ce qui a donné lieu à quelques combinaisons avec Håland notamment.
Le but inscrit par Paris est presque miraculeux, même s’il arrive dans une période où le PSG se procurait un peu plus d’occasions. Qu’est-ce qui a provoqué ce petit sursaut ?Il ne faut pas oublier quand même que Paris a des joueurs de classe mondiale. Quand il y a un peu moins de pression, vers l’heure de jeu, on a été un peu meilleurs techniquement et on a de la réussite lorsque Zagadou glisse. On a su marquer dans notre temps fort, finalement.
Avec ce 2-1, Paris s’en sort finalement plutôt bien. Qu’est-ce qu’il faudra changer au match retour ? La physionomie du match au Parc sera différente selon toi ?
On aura peut-être un peu plus le ballon, car on jouera à domicile. Peut-être qu’il y aura aussi une prise de risque avec deux attaquants alignés, mais il faudra être très vigilant à tous les postes. Il faut surtout mettre de la folie tout en ayant une équipe équilibrée. Si Paris laisse beaucoup moins d’espaces, Paris se qualifiera. S’il reproduit la prestation que l’on a vue ce soir, il sera éliminé, malheureusement.
Propos recueillis par Andrea Chazy