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Didier Domi : « Mbappé génère toutes les occasions de l’équipe de France »
Ancien joueur du Paris Saint-Germain et aujourd'hui consultant, Didier Domi décrypte le match nul des Bleus poussif face à la Hongrie (1-1) ce samedi à Budapest.
Qu’est-ce que tu as pensé de cette rencontre face à la Hongrie ?Ce n’est un secret pour personne : on a un peu de mal à construire. Ce qui peut être normal face à des équipes dont les défenses sont reculées. Pour cela, il fallait réussir à créer des espaces en étant beaucoup plus sûrs techniquement, beaucoup plus vifs, et on n’a jamais semblé être dans le tempo. On savait que ce serait un match différent, mais je nous ai trouvés très poussifs dans l’ensemble.
Comment expliquer ces difficultés importantes face à un bloc bas ? Les matchs amicaux avaient pourtant été disputés en ce sens (face à la Bulgarie et au pays de Galles) avant le début de la compétition.Chaque match a sa vérité. Les Hongrois, lors du premier match qu’ils ont disputé face au Portugal, n’ont quasiment pas fait sortir leur latéraux. C’était souvent les milieux qui allaient sur les latéraux adverses. Là, face aux Bleus, leurs latéraux sortaient beaucoup plus sur Digne et Pavard. Le but, quand tu joues face à une équipe qui défend à 5, c’est d’essayer de faire sortir soit le défenseur axial droit ou gauche, soit le latéral droit ou gauche, soit les deux. Comme Loïc Nego était celui qui sortait le plus, l’homme libre, l’espace à toucher, se trouvait souvent derrière le milieu centre droit adverse. Aussi car le défenseur central droit ne voulait pas trop sortir. Celui qui avait très bien compris cela, c’est Kylian Mbappé. Sur l’arrêt de Gulácsi face à Griezmann, tu vois Mbappé qui décroche et qui se retrouve libre de tout marquage, quasiment à équidistance entre le numéro 6 et l’axial droit. Là, il a pu se retourner, accélérer, la donner à Benzema et on connaît la suite.
Trouvé par Pogba dans la zone citée plus haut, Mbappé décroche et se situe bien entre les axiaux et les milieux hongrois.
Il peut alors se retourner, prendre de la vitesse et ainsi attaquer la défense hongroise. Sur cette action, Mbappé trouvera Benzema sur sa droite, dont la frappe sera repoussée par Gulácsi avant un nouvel arrêt devant Griezmann.
Pareil sur la tête de Mbappé toujours en première période : c’est Benzema qui décroche dans cet espace parce que les deux milieux hongrois sont sur Pogba et sur Rabiot. Là, tu peux trouver des deux-contre-un et donc décalage, ça s’est fait sur Digne qui a été le centreur pour l’attaquant du PSG. Et on l’a trop peu fait malheureusement, et j’ai trouvé que les attaquants étaient un peu trop espacés. Il aurait fallu au contraire les rapprocher pour poser des problèmes à cette défense, faire sortir les axiaux ou occuper cet espace-là.
Benzema décroche et va pouvoir lancer Digne, collé à la ligne, et donc créer un décalage. Le centre du latéral d’Everton trouvera la tête de Mbappé.
Si les Bleus n’ont pas été en mesure de faire la différence face à ce bloc bas, n’est-ce pas aussi dû au faible rendement des individualités de l’équipe de France ?Hormis Mbappé qui, par moment, a su se créer seul des occasions, je le pense. Notamment Paul Pogba et Adrien Rabiot. En fin de première période, N’Golo Kanté a compris qu’il fallait qu’il se projette un peu plus, qu’il se rapproche des attaquants, car Griezmann, Benzema et les autres avaient besoin de soutien lorsqu’ils décrochaient. Et c’est là où Rabiot et Pogba se sont montrés trop statiques, trop lents et avec des pertes de balles. On a fait un 4-4-2 losange, mais on ne l’a pas appliqué suffisamment. Dans cette configuration, il aurait donc fallu qu’un des trois (Mbappé, Benzema ou la pointe haute du 4-4-2 losange, NDLR) isole deux des trois centraux et que les deux autres posent des problèmes au numéro 6 hongrois et au dernier des trois centraux. L’objectif : créer des 4 contre 3 à l’intérieur. Quand on l’a fait, ça a débouché sur des occasions. Le Portugal aussi l’avait fait face à la Hongrie : lorsque Rafa Silva est entré, Cristiano faisait ce boulot de fixer les centraux, Nelson Semedo fixait l’arrière gauche et tu voyais que Renato Sanches et Rafa Silva se mettait à l’intérieur derrière les milieux adverses. C’est à ce moment-là qu’ils ont définitivement pris le dessus et qu’ils ont mis le premier but.
Concernant l’utilisation des latéraux, on a vu pendant la rencontre Karim Benzema dire à Lucas Digne d’écarter davantage. Qu’as-tu pensé de l’apport des latéraux ?Un bloc bas, soit on l’écarte ou soit on écarte nos latéraux. Digne et Pavard auraient dû se retrouver plus haut sur le terrain et très écartés pour trouver des chemins à l’intérieur. Cela s’est passé par exemple sur l’action dont on parlait tout à l’heure, et ce centre de Digne pour Mbappé. Cela n’aurait pas été un problème de les avoir plus haut sur le terrain, car derrière, tu avais un trois-contre-deux en notre faveur : Varane, Kimpembe et Kanté face aux deux attaquants magyars. On aurait même pu à certains moments se retrouver en 3-4-3 avec les trois de devant très proches les uns des autres. Avec toujours ce même objectif : toucher un homme dans l’espace entre le latéral et le milieu, trouver le décalage ensuite avec un latéral ou attaquer la défense adverse avec de la vitesse.
Y a-t-il un joueur qui t’a surpris en bien ? Celui qui confirme que c’est une menace permanente, c’est Kylian Mbappé. Tu as la plupart des actions dangereuses de l’EDF où il est directement impliqué. Un exemple : celle où il prend la profondeur, et trouve Benzema d’une sublime aile de pigeon qui ne termine pas au fond, car Benzema a certainement un problème de confiance. En deuxième mi-temps, c’est encore lui qui prend l’espace, qui temporise et qui donne le but à Griezmann. C’est lui qui engendre toutes les occasions de l’équipe de France.
Sur ce long dégagement de Lloris, Mbappé profite de la mauvaise lecture des centraux hongrois pour récupérer le cuir et s’en aller temporiser dans la surface adverse.
Deux secondes plus tard, Benzema et Griezmann arrivent dans la surface en soutien de Dembélé déjà présent. Le centre de Mbappé, initialement destiné à Benzema, reviendra sur Griezmann qui égalisera pour les Bleus.
Et en mal ?On parlait tout à l’heure de Pogba et Rabiot, cela arrive, mais je pense qu’ils sont passés un peu à côté de leur match. Et puis, Benzema, je pense donc qu’il a un petit problème de confiance. On ne le sent pas totalement libéré encore, mais dès qu’il va marquer un but, je suis persuadé que ça va se débloquer. C’est dommage que son but face à l’Allemagne ait été annulé, car là tu le sens emprunté par moment du fait d’un manque de confiance. Sur l’aile de pigeon de Mbappé, il prend la balle de l’extérieur alors qu’au Real, c’est un tueur. Ce n’est pas Karim, ça. C’est quelqu’un qui est à 85% dans sa tête, il lui manque encore ces 15% de libération pour être totalement au top.
Une dernière chose ?Oui ! Je crois qu’on doit être beaucoup plus entreprenants. On est une équipe qui a besoin d’espace. Mais je crois qu’il nous manque encore ce truc pour avoir encore plus d’émotions, pour être encore plus une grande équipe. Et je te dis cela en sachant bien que l’on est champions du monde en titre, quand même ! Un exemple : en première mi-temps, quand tu es la France face à la Hongrie et que tu es dans une position un poil plus haute que médiane, nos trois attaquants ne pressent pas. Ils attendent. Moi, je crois que même dans cette position, il faut que nos trois attaquants aillent faire jouer les centraux adverses sans aller jusqu’à presser haut. On doit être plus agressif, marquer de notre empreinte cette rencontre et ne pas hésiter à récupérer le ballon plus haut. Contre l’Allemagne, le bloc était dans une position basse, un cas de figure qu’on affectionne, et on arrivait à bien récupérer le ballon. Mais là, tu ne dois pas laisser jouer les centraux en première mi-temps. C’était un non-match, même dans le pressing.
Profitez de votre 1er pari sportif remboursé de 200€ chez Betclic en cliquant ICI pour parier sur l’Euro !Propos recueillis par Andrea Chazy
Captures d'écrans issues de TF1.FR