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Didier Domi : « Vitinha prend une dimension extraordinaire  »

Propos recueillis par Andrea Chazy

Latéral gauche formé au Paris Saint-Germain et passé par le club de la capitale de 1994 à 1998, puis de 2001 à 2003, Didier Domi analyse la remontada du PSG à Barcelone (1-4) et cette qualification en demi-finales de la Ligue des champions.

Didier Domi : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Vitinha prend une dimension extraordinaire  »

Croyais-tu avant le match à cette remontada parisienne, notamment après la performance décevante du match aller au Parc des Princes ? Bien sûr, parce que même sans avoir fait un match extraordinaire au Parc, quand tu marques deux buts en seconde période et que tu tapes par deux fois les montants, que deux erreurs individuelles te font plonger, c’est qu’il y a toujours une possibilité au retour. D’autant que Luis Enrique, dès la mi-temps à l’aller, avait compris qu’il avait fait une erreur sur sa compo de départ en mettant Asensio, Beraldo ou même Lee qui, dans tout ce qui était impact physique, n’était pas au niveau. Là, on a vu des joueurs ce mardi soir à Barcelone qui jouaient tous à leur poste. Mieux que ça, ce onze-là a ramené beaucoup plus de vitesse, d’impact physique, avec Barcola, avec Warren Zaïre-Emery et Achraf Hakimi qui revenait de suspension. Il y a un truc qui a changé dès la première minute, c’est notre pressing. Avant de commencer à parler de progression de jeu, de déséquilibre, il faut récupérer le ballon. Ce que Paris n’avait pas fait au match aller, là où le Barça avait été bien meilleur. Preuve en est avec trois joueurs : Raphinha, Lamine Yamal et Sergi Roberto. Ils coulissaient en permanence pour aider les latéraux, c’était très dur pour trouver des espaces lors de la première manche. Eux à l’inverse n’ont pas été bons au retour dans ce domaine, laissant notamment énormément d’espaces à Barcola. C’est lié à deux choses. La première, c’est que Pedri n’est pas Sergi Roberto. Il est évidemment meilleur dans la conservation du ballon, mais pas vraiment dans ce qui est d’aller aider Jules Koundé, de combler les trous. Ensuite, Yamal n’a pas fait les mêmes efforts qu’à l’aller, et ça a coûté cher. Là, au retour, le PSG a mieux défendu que son adversaire. Dès l’entame, j’ai vu Lucas Hernandez aller mettre deux, trois coups à Lewandowski, pareil pour Marquinhos, histoire de lui dire : « Mon gars, ce soir tu ne vas pas te retourner aussi facilement qu’à l’aller. » Ah et le contre-pressing avec Warren Zaïre-Emery ? Exceptionnel.

Avec Barcola à la place de Lee, tu as tout de suite un facteur vitesse qui n’a rien à voir.

Didier Domi

Pourtant, le Barça ouvre le score sur sa première occasion. Pourquoi ? Parce que dans le foot de haut niveau, il y a deux scénarios : ou bien tu exploites les faiblesses de ton adversaire, ou bien celles-ci s’offrent à toi naturellement. Le PSG a deux latéraux très offensifs, et parfois, dans les un-contre-un… Défendre, c’est de l’observation, de la réflexion, de l’analyse et souvent de l’anticipation. Il y a un moment où tu dois mettre de l’agressivité. Sur l’action du but de Barcelone, Nuno Mendes sent que Vitinha vient vers lui. Là est son erreur : si tu vois que ton coéquipier vient t’aider, un latéral ne doit jamais laisser le côté ouvert. S’il avait été seul, son attitude aurait été compréhensible, car Yamal aurait pu passer à droite ou à gauche. Mais quand tu as quelqu’un à côté de toi, emmène-le vers l’intérieur du jeu. Puis sur le centre, on voit Hakimi arriver derrière Raphinha. Il doit évidemment être devant lui. Mais côté Barça, c’est la même chose : quand tu vois la faute de João Cancelo sur Ousmane Dembélé, il est trop loin et pas bien placé.

Malgré ce but, la grande réussite du PSG sur ce match retour, c’est donc son contre-pressing ? Bien sûr. Les équipes qui gagnent excellent dans ce domaine, et ce soir, le Barça n’a pas vu le jour. La première touche dans la surface parisienne, sauf erreur, c’est leur but à la douzième minute. On parle quand même de Barcelone à domicile qui n’avait qu’un but d’avance au coup d’envoi. Même la maîtrise du ballon via Fabian Ruiz et Vitinha était bien meilleure qu’à l’aller. La récupération, ça fait tout : ça te met dans le match, ça te fait moins courir, ça te permet de jouer plus haut, d’attaquer davantage, de soulager ta défense. C’est une manière de défendre que le PSG a particulièrement bien réalisé sur cette rencontre.

On a longtemps parlé du remplaçant de Thiago Motta, qu’il fallait une sentinelle costaude, forte. Mais à Paris, on a toujours eu besoin de quelqu’un de plus footballeur que physique.

Didier Domi

Cette manche retour s’est-elle aussi pas mal jouée dans les têtes ? Le Barça a très rapidement perdu ses nerfs…

C’est à cause du plan de Luis Enrique. Je te prends l’exemple du rouge d’Araújo : tout part d’une passe de sa part interceptée par Nuno Mendes. À l’aller, la même passe, je suis quasiment sûr qu’un joueur du Barça l’aurait récupérée et aurait eu le temps de se retourner, de manœuvrer le PSG. Avec Barcola à la place de Lee, tu as tout de suite un facteur vitesse qui n’a rien à voir. Et puis sur cette séquence, Araújo fait une erreur : après avoir raté sa passe, il ne se replace pas pour compenser cette maladresse technique. Il reste figé et commence à démarrer seulement au départ du ballon. Tu ne peux pas faire cela avec en face de toi un trio qui va aussi vite que Barcola-Mbappé-Dembélé. Sinon t’es mort. Sur l’action, Barcola joue super bien le coup, avec cette dernière touche du pied gauche qui lui permet de passer son corps devant le défenseur du Barça. Puis d’ailleurs, je pense qu’il y avait penalty sur cette séquence, car cela se produit sur la ligne et la ligne fait partie de la surface de réparation donc…

Qu’as-tu pensé de l’animation offensive parisienne, et de ce trio offensif titulaire qui était aligné d’entrée ? Pourquoi ont-ils existé et performé ? De par la récupération du ballon, mais aussi et donc grâce au milieu de terrain parisien. Il y en a un que je veux souligner particulièrement, qui avait déjà été l’homme du match à l’aller côté PSG et qui prend une dimension extraordinaire, c’est Vitinha. Avec Ruiz, il a contrôlé les milieux de terrain adverses et tout ce qu’il fait est impressionnant. On a longtemps parlé du remplaçant de Thiago Motta, qu’il fallait une sentinelle costaude, forte. Mais à Paris, on a toujours eu besoin de quelqu’un de plus footballeur que physique. Et Vitinha, avec son intelligence, son agressivité, sa vista, c’est une super sentinelle. La première chose que je regarde chez un milieu, c’est de savoir s’il veut toujours le ballon. C’est son cas. Ensuite, c’est s’il cherche à jouer vers l’avant. Est-ce qu’il regarde loin ? Oui, lui, c’est exactement ça. Sur le premier but parisien, tu as le centre de Barcola, le but de Dembélé. Regarde bien au départ de l’action : il part d’abord à droite, puis revient à gauche et répète cette manœuvre une deuxième fois. Si tu regardes bien la défense du Barça, elle bouge. Koundé était bien placé au départ pour intercepter, puis sur le deuxième changement de rythme, tu le retrouves finalement à l’intérieur tout en étant fixé par Ruiz. Comme un grand milieu de terrain, Vitinha sait quand il doit accélérer et quand garder le ballon. Dès qu’il a vu que Koundé en avait marre de coulisser, il décide de la mettre à Barcola, et on sait ce qu’il se passe derrière. Quand tu es compact, que tu peux trouver des joueurs entre les lignes et que tu as des joueurs qui peuvent te casser toutes les lignes défensives comme les trois de devant, tu n’es pas loin de la vérité. Le trio devant a été exceptionnel, surtout Barcola. C’est un joueur d’avenir, il a quelque chose dans ses dribbles, son élégance, dans sa façon d’éliminer.

Il faut garder cette énergie, cet état d’esprit conquérant. Quand le destin est là, il faut savoir le saisir.

Didier Domi

Marquinhos a souvent été tancé dans les grands matchs, il a été bon cette fois à Barcelone. Qu’en as-tu pensé ? Ça a été un bon match de sa part. Il n’a pas été au-dessus des autres, mais comme Lucas Hernandez, il a été très bon dans son duel avec Lewandowski. Tous les deux, ils sont allés le chercher très haut sur le terrain, ils ont fait beaucoup de petites fautes qui ne méritaient pas de jaune, mais qui empêchaient le Polonais de se retourner, qui cassaient le jeu. J’ai énormément aimé leur agressivité, car avec le numéro six, les défenseurs centraux forment le disque dur d’une équipe. De les voir défendre en avançant, ça m’a fait plaisir, car ce sont eux qui marquent la ligne défensive. Si eux sont hauts et qu’ils « raccourcissent » le terrain – qu’ils obligent de par leur position à ce que le jeu se déploie sur 50 mètres carrés en sachant que le terrain en fait 105 –, tu vois tout de suite que les lignes sont resserrées, que tout le monde est proche pour mettre en place le contre-pressing.

Avec cette qualification, le PSG montre-t-il qu’il a les capacités pour aller au bout ?

Bon, il y a eu du bon ce soir et il ne faut surtout pas occulter cette victoire. Mais ils ont joué à onze contre dix une bonne partie de la rencontre, mais à un moment, il y a 1-0 pour le Barça, Lewandowski tire au-dessus en bonne position… Ces matchs-là peuvent basculer sur des détails. Il faut savourer je crois, car le PSG mérite entièrement sa qualification. Il faut garder cette énergie, cet état d’esprit conquérant. Quand le destin est là, il faut savoir le saisir. En demies, Paris ne va pas affronter Manchester City, le Real ou le Bayern. Avec tout le respect pour Dortmund, qui a autant de chances que Paris de passer, le PSG doit obligatoirement aller en finale. En phase de poules, Paris avait fait le boulot au Parc et nul là-bas dans la douleur, le chemin n’a jamais été aussi bien tracé. Si cela ne va pas en finale, le club va longtemps le regretter.

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Propos recueillis par Andrea Chazy

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