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Didier Deschamps, si tu nous écoutes, prend Nicolas Pallois
Ce n'est pas parce qu'il a été troué par endroits cette saison que le Mur de l'Atlantique ne se relèvera pas. D'ailleurs, c'est ce que Nicolas Pallois a toujours fait. Monstre de muscles et de valeurs, le futur ex-retraité international peut clairement remettre ses sandales au placard : en juin, il peut trouver sa place dans les 26 pour l'Euro.
Qu’est-ce qu’un événement ? Si on s’en tient au sens médiatique, ce serait un fait capable de chambouler une situation avec une certaine dose d’insaisissable, quelque chose d’inattendu dépassant l’entendement. Un saut dans le vide dans lequel on ne s’est jamais senti autant vivant. À ce propos, Charles Péguy disait : « Quand il n’y a plus rien où se prendre, on sent qu’on est dans l’événement même. » Ainsi, le 3 octobre 2019 fut un événement, car personne dans le microcosme du football français n’aurait pu prédire cette déflagration. Nicolas Pallois, alors impérial avec un FC Nantes troisième de Ligue 1, prenait acte de la dernière liste de Didier Deschamps et transformait sa déception en rebond. « Je mets un terme à ma carrière internationale », écrivait le défenseur sur son compte Twitter.
À la suite de la liste de M.Deschamps Je mets un terme à ma carrière internationale ce jour , dommage…???. À samedi pour les 3 points !!!
— pallois nicolas (@PalloisN) October 3, 2019
Tourner la page, admettre ses failles et se faire une raison : preuve que même à 32 ans, un homme n’est pas obligé de se murer dans sa fierté. Et même si personne n’avait jamais pensé auparavant à lui pour porter le maillot de l’équipe nationale, cette sortie était une manière de dire : « Voilà ce que vous avez raté. » Un vrai pied de nez. Désemparé et confus, le sélectionneur a dû communiquer sur un profil qui ne lui a jamais été présenté. « C’est un coup dur, pour lui, répondait Deschamps, décontenancé.Il est très performant avec son club, a aussi noté le technicien, sans épiloguer. Je prends ça avec le sourire. »
Si ce n’est Pallois, c’est donc ton frère
Fin de l’histoire, donc ? Certainement pas. Ce serait oublier que les plus belles histoires du pays ont souvent été liées à des come-back. Le « Vol de l’Aigle » Napoléon de retour de l’île d’Elbe ; le retour au pouvoir de Charles de Gaulle en 1958 pour poser les bases de la Ve République ; la résurgence de Zinédine Zidane en 2005. Si ces hommes ont brillé alors qu’on pensait leur carrière enterrée, pourquoi pas Nicolas Pallois ? À l’âge du Christ, le Normand peut lui aussi pousser les limites de la résurrection. Les trois victoires consécutives de Canaris pour se sortir des griffes de la relégation n’en sont qu’un nouvel exemple : la vie de l’ancien menuisier et préparateur de commandes au Leclerc Drive n’est faite que de résilience. Malgré ses débuts en amateurs du côté de Quevilly, les galères à Laval, les blessures après l’explosion à Bordeaux, le placard sous Miguel Cardoso, la disparition de son meilleur ami Emiliano Sala, le « Monsieur Propre » de Loire-Atlantique va tranquillement atteindre la barre des deux en onze ans chez les pros. Du solide, pour un gaillard d’1,90m qui n’a jamais abdiqué.
Jaune et joli.
Maintenant, qu’est-ce que viendrait faire une telle marmule dans le groupe de Deschamps pour l’Euro ? En plus d’offrir un clin d’œil à son club formateur, qui vit une période compliquée, Didier Deschamps pourrait compter sur un type qui n’a pas peur de se retrousser le short. Certes, Nico est « un personnage qui ne voulait pas des contraintes du milieu professionnel », comme l’expliquait son coach chez les Chamois niortais, Pascal Gastien, à L’Équipe. Mais derrière cette carapace, derrière ce visage bourru qui ne court pas les caméras, se cache un homme qui symbolise cette France qui se lève tôt, cette France dure au mal, cette France qui fonce malgré les vents contraires. L’époque a besoin de symboles et il en est un. Dans une équipe de golden boys, qui gagnent tout ce qu’ils jouent, le gamin d’Elbeuf apporterait une humilité et une persévérance à montrer dans toutes les écoles de football. Aymeric Laporte ayant décidé de passer les Pyrénées, Sam Umtiti ayant obtenu sa pension de vétéran pour services rendus à la nation, Clément Lenglet dépassé, il y a match pour endosser la chasuble de doublure de Presnel Kimpembe. Et qui mieux qu’un homme, amoureux du bois, pour prendre son pied sur le banc ? Didier, suivez notre regard.
Par Mathieu Rollinger