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Didier Deschamps s’est donné du (bon) temps
Facile vainqueur des Pays-Bas après une première mi-temps très facile (2-0), la France se prend même à rêver en or avant le Brésil. Comme quoi, en football et surtout avec l’équipe de France, on oublie vite. Au final, ce n’est pas plus mal. Et c’est presque mérité.
« Emballez-vous, mais pas trop quand même. » Didier Deschamps est un sélectionneur pragmatique quand il s’adresse à la cohorte de journalistes venus l’accueillir avec un grand sourire après la victoire des Bleus face aux Pays-Bas. Les mêmes titulaires de la pensée collective qui souhaitaient dézinguer La Dèche et ses hommes après le fiasco ukrainien du match aller (0-2). C’était il y a deux matchs. Si loin et si proche à la fois. Mais ne boudons pas notre plaisir, on préfère cette courbe ascendante que l’inverse. Parce que oui, les Bleus sont en progrès. Mieux, ils ressemblent à une équipe. La faute à Didier Deschamps, et son staff, qui commencent à faire des choix collectifs. L’absence de Samir Nasri, pourtant loin d’être maladroit avec ses pieds, est une première avancée vers la future liste des 23. La présence du Citizen n’est pas souhaitée par une partie du groupe. Parce qu’on en est là. Le groupe. Le vivre ensemble. Qui plus est pendant plus d’un mois. Et au Brésil. Loin de tout. Si La Dèche en est déjà à réfléchir à son groupe, et notamment son banc, c’est qu’il a trouvé son équipe type. Et son schéma de jeu. C’est fou, mais les Bleus sont en avance. Il n’y a plus vraiment de chantier au sein de cette équipe. Incroyable. Le schéma, donc. Le fameux 4-3-3 avec une sentinelle et deux faux ailiers ou meneurs excentrés. Ce n’est pas une surprise, mais ça fonctionne. Ça marche car les Bleus ont leur fameuse colonne vertébrale. Hugo Lloris – Raphaël Varane – le trio du milieu – Franck Ribéry et Karim Benzema. Ceux-là ont l’assurance de débuter l’aventure brésilienne en tant que titulaires. Les trois du milieu, une magnifique certitude Dans cet océan de certitudes, la triplette du milieu est une putain de bonne nouvelle. Cabaye en sentinelle, Pogba à droite, Matuidi à gauche. C’est complémentaire, technique, physique, fort dans les duels, ça se projette, ratisse, tire, presse, tacle et, depuis hier soir et la folle partition de Blaise Matuidi, ça contribue au spectacle et aux buts. Bref, ce trio ne doit pas changer. C’est le X-Factor de cette nouvelle équipe de France. Hasard ou pas, le PSG du Qatar – que l’on disait foncièrement anti-français – a donné aux Bleus un Blaise Matuidi métamorphosé (12 buts depuis 2012). En fonction du prochain marché des transferts, le PSG pourrait même être le grand fournisseur de ce milieu de terrain s’il parvenait à attirer Paul Pogba dans ces filets puisqu’il a déjà sous la main Cabaye et Matuidi. Autre très bonne nouvelle pour les Bleus, la défense. On se souvient encore des tâtonnements de Laurent Blanc pour mettre sur pied une charnière qui a finalement explosé en vol (Rami-Mexès). La Dèche, lui, a déjà trouvé la bonne formule. En même temps, quand on peut s’appuyer sur un joyau comme Raphaël Varane, tout va plus vite. Avec le Madrilène, la France semble à l’abri pour une décennie. Bon, on disait la même chose avec Christanval ou Mexès mais, cette fois, on a vraiment envie d’y croire. Hier, le Madrilène était associé au physique Mangala. Une franche réussite. Dans la hiérarchie, le joueur du FC Porto est pourtant le quatrième défenseur central derrière Koscielny et Sakho. C’est dire la marge de manœuvre que possède cette charnière. Sur les côtés, Évra et Debuchy sont titulaires et le duo Digne-Sagna pourrait s’occuper des doublures lumière. La Dèche a quand même toute son équipe défensive en tête à trois mois de sa liste définitive… Et il sait que ça fonctionne. Hier, Van Persie, Sneijder and co n’ont eu que des miettes. Gouverner, c’est prévoir. Benzema valide le tout Une équipe qui ne prend pas de buts, c’est bien. Mais une équipe qui en colle dans les filets adverses, c’est mieux. Et pour ça, Deschamps sait qu’il peut, pour l’instant, compter sur un très bon Karim Benzema. Un attaquant dont nous comptions encore l’été dernier les longues minutes de disette devant le but en équipe de France. Aujourd’hui, le Madrilène est acclamé en héros. Décidément, tout va très vite en football. Auteur d’une performance XXL contre les Pays-Bas, ponctuée par un pion alliant puissance, efficacité et talent, le joueur du Real Madrid s’impose comme le numéro 9 des Bleus. Avec Franck Ribéry, pas le perdreau de l’année, et, a priori, Mathieu Valbuena, le triangle offensif français a de la gueule et il n’a rien à envier aux autres sélections internationales. Et quand, en plus, on peut s’appuyer sur des back-up de qualité : Giroud, Rémy, Griezmann, on peut voir venir. Qu’il semble loin le débat sur l’identité du numéro 9 de l’équipe de France. Aujourd’hui, tout est limpide. Comme si le vent de l’Ukraine, décidément parfait pour les révolutions, avait donné à l’équipe de France un nombre incroyable de certitudes. Mais le souffle ukrainien a surtout donné un élément déterminant à cette équipe : de la confiance. Oui, il y a six mois, la frappe de Benzema se serait perdue dans le ciel de Saint-Denis, Matuidi n’aurait jamais tenté une volée du droit et Didier Deschamps n’aurait sans doute pas titularisé Mangala et Griezmann. Mais voilà, le 3-0 et le doublé de Mamadou Sakho a changé beaucoup de choses, notamment au niveau du mental. La preuve, aujourd’hui, certains rêvent tout haut avant le Brésil. Les journalistes (nous) les premiers. Après, il ne faut pas trop s’emballer, c’est vrai, car, finalement, le match aller du barrage contre l’Ukraine n’est pas si loin. Un soir où toute l’équipe de France était bonne à jeter à la poubelle. Avec les fameux démons de Knysna. En deux matchs réussis – sur et en dehors du terrain – depuis le fiasco de Kiev, Deschamps a eu le mérite de s’acheter du temps. Et en football, c’est une victoire inestimable. Car les démons reviennent toujours à la surface. Toujours. Mais pas maintenant.
Par Mathieu Faure