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Didier Deschamps, le maître des horloges
Posez vos zappettes : Didier Deschamps mettra fin à son programme à la tête de l’équipe de France en 2026, à l’issue de la prochaine Coupe du monde. Un compte à rebours qui annonce la fin d’une ère, mais aussi et surtout la possibilité d’une sortie en apothéose. On parie ?
On aura tout le temps de faire le bilan du double septennat de Didier Deschamps. De toute façon, c’est lui qui décidera de donner au tableau son aspect final. Les jours qui nous séparent du 19 juillet 2026, date de la finale du Mondial nord-américain et désormais date d’expiration de l’omnipotent sélectionneur national, pourront apporter leur lot de victoires folles, de matchs chiants, de buts de Randal Kolo Muani, de conférences de presse fades et de listes préétablies. Pourquoi pas de nouveaux trophées aussi, puisqu’une Ligue des nations au printemps et une Coupe du monde seront mises en jeu. Mais à travers l’information délivrée mardi soir par le quotidien L’Équipe, vendant la mèche que la Dèche annoncera ce mercredi lors du 13 Heures de TF1 la fin de son aventure avec les Bleus, se rappelle surtout à nous la capacité – ou plutôt l’obsession maladive – du Double D de maîtriser le temps. Encore, et toujours.
Épiphanie et prémonitions
Cette fois, c’est donc un 8 janvier, après les embrassades sous le gui (pas Stéphan, l’autre), entre deux galettes des rois, et le lendemain d’une journée riche en actu (les dix ans de l’attentat contre Charlie Hebdo, prévue, et la mort de Jean-Marie Le Pen, fortuite), que le Basque a décidé de remettre sa couronne en jeu. Deux ans et un jour après sa dernière prolongation, actée par un Noël Le Graët en instance de départ. Cette décision a eu un bon mois pour cheminer dans sa tête. Elle en aura presque 20 pour être mise à exécution.
Didier Deschamps sait que ce timing lui permet d’amortir le « choc ». Il ne retrouvera Clairefontaine qu’au mois de mars, et d’ici le Mondial – si tant est que la France valide sa présence –, le sujet aura le temps d’être digéré. Le faire ici et maintenant permettra aussi à la fédération et à son président Philippe Diallo d’organiser la suite (« Quelqu’un a le numéro de Zinédine Zidane ? ») et, qui sait, de lui préparer un hommage plus clinquant que celui fait à Antoine Griezmann (« Comment ça, il n’y a pas eu d’hommage pour Grizou ? »).
Celui qui a toujours placé « l’intérêt de l’équipe de France au-dessus de tout » sait aussi à quel point il est important de soigner sa sortie. Le seul autre de ses prédécesseurs à avoir été sacré champion du monde, Aimé Jacquet, avait lui aussi pris les devants, en officialisant dès le mois de mars 1998 que sa mission s’arrêterait le 13 juillet de la même année, « après avoir fait la veille, [son] tour d’honneur au Stade de France, après le sacre de l’équipe de France ». Seul Deschamps pourra tenter d’avoir le même talent de prémonition, mais ce sera toujours plus reluisant que l’annonce de Jacques Santini de rejoindre Tottenham quelques jours avant d’attaquer l’Euro 2004, le départ la queue entre les jambes de Laurent Blanc en 2012 ou, pire, le licenciement de Raymond Domenech pour faute grave en 2010. Non, Didier, 56 ans et 165 matchs sur le banc tricolore, est fait d’un autre bois.
Le début de la fin
Pendant ces 12 dernières années, il a façonné un groupe à son image. Pendant ces 12 dernières années, il s’est évertué à remettre le coq au sommet du foot international. Pendant ces 12 dernières années, il a tenté de consolider ce fil entre les Bleus et les Français. L’année 2024 a apporté tout ce qui peut le hanter : une équipe qui a vu ses cadres les plus solides plier bagage, des individualités prendre le pas sur le collectif, des résultats en berne, et un public qui n’arrive plus à s’enthousiasmer pour des matchs sans relief. « Au contraire, cela va libérer tout le monde, à commencer par lui, parce qu’il subit des critiques très injustes depuis des années, a répondu Philippe Diallo le soir de la nouvelle dans L’Équipe. Il a le souhait de protéger les joueurs. Cela va clarifier la situation. »
En 2022, avant de connaître ce manège à sensation qu’était le Mondial au Qatar, on lui avait demandé pourquoi y retourner, même quand on a tout gagné. Voici sa réponse : « Le jour où je me pose cette question, j’arrête. Vu l’immense considération que j’ai pour l’équipe de France, il me serait impossible de “continuer pour continuer”. Je réfléchissais aussi comme ça quand j’étais joueur. Au très haut niveau, il est très difficile de gagner, mais je vous rejoins : c’est encore plus compliqué de se maintenir à un niveau aussi élevé. » Une manière de rappeler que s’il y a une chose qu’on ne peut pas contrôler complètement, tout Didier Deschamps qu’on est, ce sont les résultats. Reste à voir si le maître des horloges a la capacité de revivre un de ces jours de gloire.
Par Mathieu Rollinger