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Didier Deschamps et la cohésion du 4-3-3
Après une qualification in extremis, une préparation positive et un début de compétition convaincant, Didier Deschamps devrait faire tourner son effectif ce soir contre l'Équateur. L'occasion inédite de voir jouer Morgan Schneiderlin au Maracaña, et d'observer les réactions du 4-3-3 aux nombreux changements. Si ces Bleus survivent à l'absence de Ribéry jusque-là, peut-être Valbuena ce soir ou encore Cabaye, d'où tirent-ils leur cohésion ? Du PSG ? De l'OM 2010 ? Ou encore de Newcastle ?
Didier Deschamps et la cohésion du 4-3-3
Historiquement, la Nazionale italienne a souvent trouvé son ossature au sein de l’effectif de la Juve. Et hier contre l’Uruguay, Prandelli a même opté pour la structure Buffon – Barzagli, Bonucci, Chiellini – Pirlo, Marchisio ! De 2010 à 2012, la Roja espagnole était nourrie de la rivalité intense qui opposait le Real au Barça, lui permettant de profiter des automatismes Puyol-Piqué, Ramos-Arbeloa-Casillas, Busquets-Xavi-Iniesta-Pedro, et même plus. La Mannschaft a souvent profité de la formation du Bayern, tout comme les Pays-Bas étaient autrefois basés sur celle de l’Ajax. La France, au milieu de tout ça, n’a pas su trouver un socle à son équipe nationale. Cela aurait pu être Lyon dans les années 2000. Cela pourrait devenir le PSG aujourd’hui et demain. En attendant, c’est une cohésion qui se base sur les mêmes piliers qu’en 1998 : les idées de Blanc et Deschamps.
Les Bleus jouent-ils comme le PSG ?
Avec un championnat propulsé dans une ère de domination sans partage, la France a-t-elle enfin l’occasion de changer ? Spontanément, c’est non : depuis 2011, le PSG investit majoritairement sur des joueurs venant de l’étranger, et la vente de Mamadou Sakho n’a pas été oubliée. De même que le prêt de Chantôme. Mais il y a des raisons de croire que ce PSG pourrait avoir bâti une partie de l’équilibre de cette équipe de France. D’une part, ce ne serait pas si étonnant : en deux ans de règne, Laurent Blanc a eu le temps de transmettre sa méthode. Et après l’Euro 2012, Deschamps n’a pas eu à se pencher sur une feuille blanche. D’autre part, le 4-3-3 des Bleus de Deschamps se rapproche en certains points au 4-3-3 du PSG de Blanc. Évidemment, si Deschamps jouait plus haut que Blanc sur le terrain, il a toujours pensé plus bas. L’un voulait à tout prix de l’équilibre, du replacement et du contrôle. L’autre aimait les sensations que procurent une jolie relance et une montée risquée. Leurs équipes le révèlent encore aujourd’hui : les trois milieux de Deschamps et les trois milieux de Blanc n’ont pas la même mission. Mais le schéma est le même, et les mouvements aussi.
D’une, il y a Blaise Matuidi. Aussi influent sur le jeu du PSG et des Bleus, le gaucher confirme match après match qu’il est, si ce n’est l’élément-clé, l’atout capable de bouleverser les équilibres. De deux, il y a Zlatan et Benzema. Alors que les deux ont commencé leurs carrières respectives en soutien ou même à gauche d’un avant-centre, les deux buteurs n’ont jamais donné de contrainte à leur créativité. Si Benzema et Zlatan jouent, ils mèneront forcément un peu le jeu. Des neuf et demi : la liberté d’un 10 et les statistiques d’un 9. C’est ainsi que la verticalité ambitieuse de Matuidi se régale en club comme en sélection. De trois, le milieu à trois. Celui de Blanc est bien plus réfléchi, peut-être même trop. Beaucoup de ballon, de passes, de contrôle, et moins d’impact. Deschamps, en grand milieu défensif, sait à quel point les transitions sont importantes, et ses équipes ne manquent jamais d’essayer de profiter de ces phases de jeu. D’où une perte importante de possession de balle. Pour Deschamps, Cabaye joue dans un rôle conservateur en seul milieu central, entouré à droite de Pogba, et à gauche de Matuidi. Dans l’esprit de l’entraîneur, la symétrie est censée être parfaite, alors qu’à Paris, Matuidi forme la pointe du triangle. De quatre, enfin, alors que le style de jeu de Ribéry aurait pu être comparé à celui de Lavezzi, les trois profils de Griezmann, Giroud et Valbuena ne retrouvent absolument pas d’équivalent dans la capitale.
Valbuena et le souvenir de l’OM de Deschamps
L’essentiel, c’est derrière. De l’équilibre défensif, et du gabarit, de l’impact, des duels gagnés. Après une rude bataille contre le Honduras, la France a vaincu les Kosovars de Suisse. Deschamps a bâti une équipe capable de rivaliser avec n’importe qui physiquement. La taille de Pogba, les poumons de Matuidi, le volume de jeu de Cabaye, la détente de Debuchy et la combativité d’Évra. La formation de la Premier League a aussi des bons côtés. Forcément, cela rappelle l’OM de Deschamps. La paire M’Bia-Diawara derrière Cissé et Kaboré.
Aux avant-postes, l’insistance sur Giroud fait penser au duo Brandão-Deschamps. Alors, Giroud pour Brandão, Benzema pour Niang ? Une comparaison bas de gamme, même si les mouvements sont comparables. Mais surtout, en 2010, le troisième membre du trio offensif est déjà Mathieu Valbuena. Et si ces Bleus ont tiré quelque chose de l’épopée marseillaise de Deschamps, c’est bien la mobilité du Bordelais. À l’Euro 2012 de Blanc, Valbuena n’avait disputé aucune minute. Depuis la deuxième mi-temps du match nul arraché à Madrid contre l’Espagne, Deschamps lui a confié un rôle majeur, comme à Marseille.
De Moussa Sissoko à la liberté
Appelé en sélection par Domenech en 2009, Moussa Sissoko ne revient plus d’août 2010 à octobre 2012, sous le règne de Laurent Blanc. Ce dernier parle de « philosophie barcelonaise » à chaque conférence de presse, et la verticalité de Sissoko dérange logiquement. Mais Deschamps insiste. Contre l’Espagne au Vicente-Calderón, son entrée dynamise les Bleus. Ses montées de balle ressemblent aux dribbles maladroits de LeBron James à ses débuts, mais cela fonctionne : Sissoko amène le danger sur son côté droit. Comme avec Valbuena, Deschamps sent peut-être une certaine capacité à se sublimer quand la pression monte : tous les grands de ce match feront l’aventure, tandis que Gonalons et Koscielny seront oubliés sur le chemin, à différents moments, et différents endroits.
À l’époque du règne de Pirlo et Iniesta, le monde semble crier qu’il faut de très bons pieds partout au milieu de terrain. Deschamps n’écoute pas. Il n’entend pas. Depuis qu’il est à la tête des Bleus, DD surprend par certains de ses choix. Cette équipe, c’est la sienne. Il voit les entraînements, il prend les décisions. La France part au Brésil avec Sissoko plutôt que Nasri. Pour jouer la tête de série du groupe, la France joue avec Sissoko plutôt que Pogba. Est-ce pour son entente avec Debuchy et Cabaye ? Ce soir, Sissoko pourrait jouer devant à droite, entouré de Sagna et Schneiderlin. Si le 4-3-3 fonctionne au-delà des individualités, Deschamps deviendrait la seule source de cohésion des Bleus, et gagnerait ainsi une liberté totale pour la suite de la compétition. Ce qui, pour un sélectionneur, équivaut à peu près à retrouver sa Broomhilda.
Par Markus Kaufmann
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