- International
- Barrages Coupe du monde 2014
- France/Ukraine
Didier Deschamps contre la France
Depuis une semaine, Didier Deschamps n'en finit plus d'en appeler à l'union sacrée derrière ses Bleus avant le barrage contre l'Ukraine. Un appel pas forcément entendu dans un pays où l'image de l'équipe de France tient lieu de débat permanent. Un débat dont se désintéresse un sélectionneur qui ne souhaite être jugé sur ses résultats. Et seulement ses résultats.
C’est un Didier Deschamps de combat qui s’est présenté en ce week-end de commémorations face aux journalistes deL’Equipe et du Parisien. Exaltant les vertus guerrières de son équipe et réclamant l’union sacrée derrière elle : « Dans la grande famille du foot, ça doit être l’union sacrée. C’est fondamental » , le sélectionneur français s’est montré clivant, répondant que ceux qui souhaitent la chute de l’équipe de France sont « ceux qui n’aiment pas le foot » . En quelques touches donc, mais sans illusion : « Je ne rêve pas non plus. Je sais que ce ne sera pas le cas. Si on ne se qualifie pas, vous pourrez sortir les bazookas. Mais pas avant » . Comme toujours chez lui, l’homme a ramené le foot français à l’essentiel : le terrain, les résultats et la qualification pour la Coupe du Monde 2014 au Brésil. Deschamps est payé pour gagner, pas pas pour redorer une image détériorée. Pas le genre de la maison. « Raisonnons à l’extrême. On fait table rase et on ne met que des jeunes. Et on ferait quoi au plus haut niveau ? On irait à l’abattoir. Certains vont rétorquer qu’on se moque des résultats. L’essentiel, c’est que les joueurs soient beaux, gentils, éduqués ? C’est démago. Je suis là pour quoi ? Pour construire la meilleure équipe possible » . Une manière très directe d’évacuer d’un revers de la main les discours datant de sa prise de poste et de rappeler que l’exercice du pouvoir s’accommode bien de quelques entorses aux discours de périodes électorales. Car oui, quand le temps presse, l’heure n’est plus à la communication, l’heure est aux actes, Didier Deschamps le sait mieux que personne. « Ce ne sont pas des touristes qu’on a en face » , a-t-il même lancé ce matin en conférence de presse, avec le phrasé d’un coach de district.
Deschamps n’est pas un éducateur, ni un constructeur
Par ces quelques mots, le sélectionneur a rappelé à ceux qui en doutaient encore sa vraie nature : celle d’un gagnant, pas celle d’un architecte de long terme, encore moins celle d’un fédérateur porteur d’un quelconque message éducatif ou d’une quelconque vision du football à part celle de gagner. Gagner avec ou sans la manière, là n’est donc pas la question. Encore moins à l’orée d’un barrage durant lequel le côté battant de « la Desche » doit prendre tout son sens. Une posture qui nous remémore sa réaction à l’affaire Patrice Evra – son homme de confiance depuis Monaco – il y a peu. Didier Deschamps s’est montré très clair, il continuera à sélectionner le joueur parce qu’il en a besoin pour gagner. Point. Plutôt que de perdre avec le sourire et l’approbation d’un pays qui ne comprend de toute façon pas son équipe : « Il y a d’autres sports où ils gagnent autant d’argent, n’habitent pas en France et on ne les emmerde pas. Comme le golf, la Formule 1 ou le tennis. En France, on a toujours tapé sur le footballeur » , a-t-il déclaré. Pas faux.
Oui, la réalité de Didier Deschamps est une réalité binaire. On parle là d’un joueur qui a construit sa carrière autour d’une dichotomie simple comme bonjour partout où il est passé : l’adoration de la victoire, la détestation de la défaite. L’exemple tranche avec les sélections voisines dans lesquelles Cesare Prandelli et Joachim Löw ont su répondre aux attentes en construisant avec la manière dans le temps long. Le temps et la manière : deux choses pas à la disposition de Deschamps et dont il se fout pas mal. Lui ne ment pas lorsqu’il demande à être jugé sur pièces. Il le sera d’ailleurs bientôt par un pays qui a bien du mal à se ranger derrière son équipe de foot. Trois ans après Knysna, quatre ans après le main de Henry, sept ans après le coup de boule de Zizou, onze ans après la catastrophe sud-coréenne, quinze ans après la cabale contre Jacquet, la France du foot n’a toujours pas quitté cet état stationnaire. Peut-être parce que c’est là qu’est finalement sa vraie nature, à mi-chemin entre une nation de foot et la nation de Pierre de Coubertin.
par Antoine Mestres