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Didier Deschamps, à feu et à cent

Par Mathieu Rollinger
5 minutes
Didier Deschamps, à feu et à cent

Le sélectionneur français atteindra, ce dimanche, la barre symbolique des cent matchs dirigés avec les Bleus. Un record, forcément. Mais derrière ces chiffres impressionnants, c'est surtout grâce aux relations fortes avec ses hommes qu'il peut aujourd'hui compter sur une telle longévité.

Le 29 avril 1989, la place Tian’anmen était calme, le Mur de Berlin tenait encore debout, François Mitterand venait d’inaugurer la pyramide du Louvre et le petit Demagoj Vida voyait le jour. Mais surtout, Didier Deschamps fêtait sa première sélection avec l’équipe de France. Un simple regard dans le rétro permet de se rendre contre d’une chose : depuis trente ans, le Basque est un incontournable de l’histoire du foot français et international. Et, prime à la durée oblige, il s’apprête à devenir ce dimanche un double centenaire. Après ses 103 sélections en tant que joueur, Deschamps commencera en Albanie son centième match en tant que sélectionneur des Bleus. À ce niveau-là, on peut parler de règne.

S’il est d’ores et déjà le sélectionneur le plus capé de l’histoire des Bleus, la qualification à l’Euro 2020 et la prolongation de contrat qui l’attend en décembre devraient également lui permettre de rattraper en octobre prochain Michel Hidalgo, référence en matière de longévité (huit ans et trois mois). Derrière les 64 victoires (pour 18 nuls et 17 défaites) ou le record de 44 clean-sheet, c’est forcément un palmarès hors norme qu’il faudra retenir, en plus d’une passion sans borne pour l’équipe de France. « Professionnellement, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée, affirmait-il à L’Équipe ce samedi. Il y a une forme de fierté et de reconnaissance d’avoir été choisi par le président, mais cela va plus loin. Je suis tellement attaché à ce maillot. C’est tellement fort. » Mais un autre chiffre interpelle : les 91 joueurs appelés. Peut-être le plus important pour Didier Deschamps, puisque c’est en premier lieu sa gestion humaine – plus que l’aspect tactique, à vrai dire – qui l’a mené à de tels sommets.

Le cœur des hommes

Ce sont justement ces hommes qui se sont succédé cette semaine pour rendre hommage au patron, chacun y allant de son petit poncif. Raphaël Varane détaillait la recette de sa longévité : « Il est très pointilleux, il sait être attentif au détail, se remettre en cause aussi. » Se réinventer pour enchaîner en somme, et mettre son groupe au diapason de sa légendaire obsession pour la gagne. « Je pourrais mourir pour lui » , jurait Benjamin Pavard. Mais c’est certainement Steve Mandanda qui a le mieux résumé cette relation sélectionneur-joueur, et le statut qui est aujourd’hui celui de Deschamps. « Ce qui en fait un sélectionneur à part, c’est que c’est un sélectionneur qui gagne, c’est un sélectionneur qui dure, qui est bien vu par l’ensemble du groupe, qui communique énormément, qui est toujours positif, développait le gardien. Et puis, il sait inculquer aussi cette envie et cette gagne, tout simplement. Il sait être dur quand il le faut aussi, mais tout en étant clair et cash avec nous. Et ça, c’est ce qui plaît aussi aux joueurs. Forcément, ça aide aux bons résultats d’un groupe. »

Confiance, cohésion, intransigeance et fidélité, voilà les mots-clés qui ressortent de la description du Marseillais. Lequel a pourtant dû cravacher cet été, pour revenir fort et prouver qu’il mérite sa place. Car entrer dans cette équipe nationale, c’est prêter serment pour une entité. Et, en contrepartie, bénéficier de toute la protection de Didier Deschamps, pour qui la notion de groupe a un coefficient au moins égal à celui des performances sportives. Le chahuté Olivier Giroud, les victimes de blessures à répétition comme Benjamin Mendy ou les novices qu’il a fallu défendre comme Pavard peuvent en témoigner : Deschamps n’a jamais lâché un garçon qui s’est donné corps et âme pour la cause bleue. Et l’exemple de Karim Benzema, perçu comme une menace pour l’équilibre collectif, ne faisait que le confirmer. D’ailleurs, son éviction n’est plus source de remords pour DD. « Je ne me pose plus la question, écarte-t-il. Je me la posais dans mes premières années d’entraîneur : et si j’avais fait ça ? Mais je n’ai pas la réponse. Au moment où je fais mes choix, je considère que c’est la meilleure décision. » Les résultats, puisque c’est par ce biais qu’un entraîneur finit toujours par être jugé, ne peuvent lui donner tort.

Dans le mille

Reste à savoir si le temps finira par avoir une emprise sur Didier Deschamps. Il le sait, depuis août 2012 et un match contre l’Uruguay, il « rapproche chaque jour un peu plus de la fin » , sans que « cela ne[l’]empêche de dormir » . En effet, ce ne sont pas les challenges excitants qui manquent au calendrier. Au prochain Euro 2020, il deviendra le sélectionneur français à avoir disputé le plus de grands tournois (quatre) et rejoindra, en cas de victoire, l’Allemand Berti Vogts. Le seul à avoir remporté un championnat d’Europe en tant que joueur (1972), atteindre une finale en tant que sélectionneur (1992) puis remporter le tournoi (1996).

Le genre de défi qu’a forcément Deschamps dans un coin de sa tête, comme un moyen de repousser la lassitude. Guy Stéphan, lui, deviendra également par la force des choses un adjoint centenaire, et est donc le mieux placé pour savoir à quoi tourne sur numéro un. « La grande difficulté du haut niveau, c’est de rester tout en haut, et lui, il reste tout en haut, assurait-il à l’AFP. Pourquoi ? Parce qu’il est exigeant avec les joueurs, avec lui-même, avec son staff, et parce qu’il gagne. » Et connaissant le bonhomme, boucler cette centième et cette phase éliminatoire par autre chose qu’une victoire en Albanie n’est clairement pas dans les plans de la Dèche.

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