- International
- Équipe de France
Didier des mers, Didier Deschamps
Didier Deschamps, patron d'une équipe de sauveteurs en mer à Dinard, en Bretagne, préfère de loin l'amertume des embruns à l'odeur d'une pelouse fraîchement tondue. À 61 ans, « la Dech » veille sur les usagers de la mer, slalomant entre les lames et les roches affleurantes.
Vous vous appelez donc Didier Deschamps, mais vous n’êtes pas sélectionneur de l’équipe de France ?Eh non ! Je suis sauveteur en mer au sein de la station SNSM de Dinard, en Bretagne. J’ai commencé en 1992. Étant marin, en gros, j’embarquais pour 15 jours par mois. Je donnais le reste de mon temps. Aujourd’hui, je suis retraité et patron de la vedette de deuxième classe Commandant Jacques Le Boulanger.
Sauveteur en mer, en quoi ça consiste ? La solidarité fait un peu partie de l’ADN des gens de la mer. À la station, on s’organise pour être toujours sur le qui-vive et prêt à venir en aide à ses usagers : marins, plaisanciers … Face à la mer, personne n’est à l’abri d’avoir un problème, même le meilleur des marins. En cas de coup dur, on est bien content que quelqu’un vienne à notre rescousse. On intervient généralement pour dépanner ou ramener des bateaux en panne, naufragés, ou secourir des blessés. Parfois, il s’agit aussi de retrouver des personnes disparues, tombées en mer, décédées.
Didier, quelle est, techniquement, tactiquement, la meilleure façon de bâtir une équipe efficace ?C’est assez complexe. À mon sens, l’idéal c’est de pouvoir compter sur une variété de profils, de compétences, et un mélange de jeunesse et d’expérience. On fonctionne avec une quarantaine de bénévoles. À partir de là, le président s’occupe de construire des équipes en fonction des disponibilités de chacun, pour assurer les astreintes. L’important, ensuite, c’est la complémentarité entre les membres d’une équipe. En cas d’appel, on doit être prêts à partir en quinze minutes. Chacun doit donc connaître son rôle et ses partenaires à merveille.
Les missions délicates, ça se joue sur des détails, pas vrai ?Oui, chaque détail compte : le temps de préparation, la connaissance minutieuse des lieux, la capacité à faire une bonne manœuvre, le courant, la météo. La configuration des lieux change totalement en fonction des marées. Dans la baie, au large de Saint-Malo, les marées sont énormes. Quand l’eau se retire, des zones entières peuvent devenir difficilement accessibles. Dans notre coin, la côte est pleine de cailloux, de roches affleurantes.
L’équipe de France est pleine de talent, mais peine à produire du beau jeu. Comment faites-vous pour motiver votre équipe à aller de l’avant ?Le fait que tous les sauveteurs soient bénévoles, prennent volontairement de leur temps libre pour aider, ça change un peu la donne. Ils ne viennent pas à reculons. Il faut une hiérarchie, certes, mais aussi prendre garde à entretenir la bonne humeur des troupes. Après, la motivation est toute trouvée : on agit dans l’urgence et il est question de vies humaines. On ne laisse pas des gens périr sans rien faire, c’est inconcevable.
Le Didier Deschamps de l’EDF ne veut pas de Karim Benzema. Vous le prenez dans votre équipe ? Pas automatiquement. Je ne le connais pas et ne sait rien de son tempérament. Les bénévoles, on les accueille à bras ouverts, mais malgré tout il faut un minimum de connaissance de la mer. Et il est important que les nouveaux s’intègrent bien dans l’équipe. Si l’équipage se crêpe le chignon, il n’arrive pas à grand-chose. Et, sur un bateau, ça peut mettre tout le monde en danger.
Vous confond-on souvent avec votre homonyme ?Les premières fois qu’on m’en a parlé, c’était au début des années 1990. En 1991, quand on a fait construire notre maison, les Portugais qui réalisaient le crépi blaguaient là-dessus. Depuis, c’est arrivé bien des fois. Encore hier, un gars est passé dans le jardin relever le compteur d’eau. Il pensait que j’étais « l’autre » Didier et avait prévu de lui demander un autographe.
Un dénommé Frédéric Calenge vous a-t-il déjà arrêté, au retour d’une mission, pour vous demander si vous étiez « satisfait » ? Ah, non, je ne connais pas ce Frédéric Calenge. Au retour, je raconte surtout la mission à ma femme. Généralement, on débriefe aussi avec le président de la station. Ça permet d’évacuer la tension, surtout après une opération un peu compliquée.
Didier Deschamps possède l’un des plus beaux palmarès internationaux. Vous aussi ?J’ai décroché deux médailles et quelques autres distinctions. L’une d’argent, l’autre de bronze, par rapport à des faits de sauvetage.
En juin 2018, passerez-vous vos vacances en Russie ?Ce n’est pas prévu et ce n’est vraisemblablement pas le premier pays auquel je penserais. Mais c’est très grand, il doit y avoir de superbes contrées et monuments à visiter !
La Société nationale des sauveteurs en mer fêtait, cette année, ses 50 ans. La station de sauvetage de Dinard existe, elle, depuis 1879.
Propos recueillis par Alexandre-Reza Kokabi