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Diarra, l’ultime frustration ?
Une fois rompu son contrat avec le Paris Saint-Germain, avec lequel il n’a disputé que quatre matchs depuis août, Lassana Diarra devrait, selon les dernières tendances, mettre prématurément un terme à sa saison et sa carrière. Et ainsi laisser une impression mitigée : celle d'un type revenu de tout et capable du meilleur, mais dont on avait envie d'attendre plus, en club et surtout chez les Bleus.
28 mars 2007. On joue la 54e minute de ce match amical France-Autriche encore vierge et, neuf minutes après son entrée, Karim Benzema échappe à la vigilance de l’arrière-garde autrichienne, pour reprendre ce coup franc excentré astucieusement joué en retrait par Samir Nasri. Et ainsi s’offrir son premier but en équipe de France, le soir de son baptême en Bleu. À peine dix minutes en commun sous la tunique bleu-blanc-rouge, et déjà les deux gamins enthousiasment le Stade de France, du haut de leurs 19 ans. Ils ne sont clairement pas les seuls : un cran plus bas, un garçon à peine plus vieux (22 ans) rayonne devant la défense depuis le coup d’envoi. Ce garçon, c’est Lassana Diarra, élève à Chelsea d’un Claude Makelele au crépuscule de sa carrière internationale. La succession de Maké semble assurée.
Bientôt libre, Lass
Presque douze ans plus tard, que reste-t-il des folles promesses affichées au Stade de France par Lass ? À peu près la même frustration que celle engendrée par le duo Benzema-Nasri et leurs camarades de la génération 1987, Ménez et Ben Arfa en tête. Un sentiment d’inachevé, à l’image de la deuxième saison parisienne du bonhomme, bientôt libéré de son engagement avec le PSG. Une question de jours et de détails, si l’on s’en tient aux propos de son coach Thomas Tuchel. Et après ? Diarra pourrait tout bonnement raccrocher les crampons, pour entamer sa reconversion au sein du club parisien. Un reclassement quasi inespéré, pour un joueur réduit à jouer les utilités depuis son arrivée dans la capitale en janvier 2017. Plus encore depuis la nomination de Tuchel, sous les ordres duquel il ne cumule que quatre apparitions cette saison (trois titularisations et une entrée en jeu), malgré le no man’s land à son poste.
Dès lors, voir Paris se séparer de son seul milieu défensif de métier alors qu’il n’a aucune certitude sur ses possibilités de recrutement n’a pas grand-chose de surprenant. Ce d’autant que le joueur formé au Havre n’offre aucune garantie au staff parisien, lui dont le genou siffle depuis un bon moment. Mais au-delà des questions que pose le physique de l’international tricolore (34 sélections), c’est sa sortie, prématurée et par la petite porte, qui interroge. En avril 2017, peu avant de rallier les Émirats arabes unis après presque un an sans jouer et un divorce controversé avec l’OM, c’est en ces termes qu’il se confiait au JDD : « J’ai eu la possibilité de rester en Europe, mais j’avais fait le tour. J’avais envie d’une nouvelle vie pour ma famille et pour moi, en MLS ou au Moyen-Orient. Je suis content car je pourrai transmettre mon expérience et montrer que ma carrière n’est pas finie. C’est aussi un nouveau départ sportif, pas un enterrement. » Lass mentait sur toute la ligne : huit mois plus tard, il rompait son contrat avec Al-Jazira Club et repartait pour un tour sur le Vieux Continent. Et d’un point de vue sportif, ce qui s’apparentait il y a un an à une ultime opportunité d’accrocher le wagon bleu ressemble de très près à un flop.
Docteur Lassana et mystère Diarra
Les Bleus, tiens. S’il ne s’y est jamais véritablement installé, la faute à une carrière contrastée et aux orientations hasardeuses, Lass y a souvent mis tout le monde d’accord. Sitôt revenu, sitôt indiscutable. Mais très vite reparti, presque à chaque fois. En mai 2016, au sortir d’une saison XXL à Marseille, le natif de Paris était dans les 23 Bleus appelés à briguer la couronne européenne à domicile. Déjà, un genou douloureux l’avait contraint à renoncer à l’événement, à quelques minutes seulement de la deadline imposée aux sélectionneurs pour remettre leurs listes définitives à l’UEFA. En 2010, c’est une maladie plutôt méconnue du nom de drépanocytose qui l’avait privé du mondial. Dans les deux cas, les choses auraient-elles été différentes avec lui ? Impossible à dire, évidemment. Tous les fantasmes sont donc permis. Restent les faits : lors de ses 34 sélections, Lassana Diarra a largement fait l’étalage de sa justesse technique, son sens du placement, sa rigueur dans les duels ou sa capacité à équilibrer le bloc-équipe. Mais l’équipe de France n’en a que trop peu profité, et jamais lors d’une compétition internationale, puisqu’il n’a joué aucune minute lors de l’Euro 2008.
C’est cette image que Diarra s’apprête à laisser : côté pile, celle d’un joueur pétri de talent, suffisamment fort, sportivement et mentalement, pour se relever des conflits et situations d’échec auxquels il a été confronté – ou dans lesquels il s’est fourré – durant sa carrière. Côté face, celle d’un type dont on était en droit d’attendre beaucoup plus, y compris de rendre d’ultimes, mais précieux services à un club en galère. S’il se confirme, son départ à la retraite actera pour de bon cette part d’inaccompli. Tout comme la propension du Parisien à fuir les contrariétés, comme il l’a fait à Chelsea, Arsenal, au Real, à Makhatchkala, au Lokomotiv Moscou ou à Al Jazeera, ainsi que sa faculté à recouvrer sa liberté contractuelle en cas de difficultés. À moins que cette énième rupture d’engagement et de ban ne précède un dernier rebond, en MLS ou ailleurs. D’un quartier de Londres à un autre, de Portsmouth au Real, de la Maison-Blanche au Daguestan, de la Russie à la Canebière et des Émirats à la ville lumière, le bonhomme l’a maintes fois prouvé : avec lui, on n’est pas à l’abri d’un contre-pied. Histoire de mettre tout le monde d’accord, pour de bon ?
Par Simon Butel