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Diambars, l’école des champions
Le dimanche 18 août, Diambars est devenu pour la première fois de sa jeune histoire champion du Sénégal. Un titre qui récompense un projet de vie à part. Diambars, aka « guerriers », est « plus qu'un centre de formation », de l'avis-même de son initiateur Jimmy Adjovi-Boco.
À la fin des années 90, Jean-Marc Adjovi-Boco quitte le RC Lens sur un penalty manqué. Le défenseur béninois ne marquera jamais dans le championnat de France, ni d’ailleurs en Écosse, où il finit sa carrière par une dernière saison aux Hibernians. Le cadeau du penalty, fait par ses partenaires lors de la réception de Caen, n’aura pas suffi. Mais il participe à la légende de « Jimmy » , qui, loin des terrains, concrétise désormais ses occasions avec une franche réussite. La preuve par Diambars. Après un passage par l’ESC-Lille, le jeune retraité relance le projet qui lui tenait à cœur avec Bernard Lama et l’entrepreneur Saer Seck, à la fois pour « rendre au football ce qu’il a pu nous donner, mais aussi répondre à la problématique des flux migratoires de jeunes footballeurs africains, qui viennent en Europe en prenant des risques inconsidérés » , explique-t-il. Ce projet prend le nom de Diambars, un terme wolof qui signifie « guerriers » . « Pour nous, la réponse était d’avoir sur le continent africain des infrastructures et des entraîneurs de qualité, afin de donner l’envie aux jeunes de rester chez eux, d’apprendre avec leur culture et de grandir ici. »
La première pierre est posée en 2003, à Saly, au sud de Dakar, en compagnie de Lama, Seck et Patrick Vieira. Diambars devient un club professionnel en 2008 et intègre la deuxième division. La montée est acquise lors de la saison 2010-2011. Une dizaine de joueurs évoluent dans les championnats européens. Et à la mi-août, les « guerriers » ont donc pu fêter leur premier titre national, avec un effectif intégralement formé au club. Cerise sur le gâteau, le jeu est au rendez-vous. Diambars est reconnu pour offrir des matchs attrayants. « On a un style, on a une volonté de jouer. On cherche à avoir un football pensé et réfléchi. » En quinze ans, Dambiars a rejoint le deuxième sens de son nom, en devenant « champion » sportif, mais aussi économique et social.
Tous Sénégaux
Diambars fait montre également d’une solidité dans son modèle économique, basé sur trois piliers fondamentaux : des indemnités de formation (à hauteur de 300 000 €) lorsqu’un Diambars passe professionnel, des infrastructures qui accueillent des colonies de vacances, des séminaires, des stages ou encore des événements de la Fifa et, enfin, du sponsoring de grandes entreprises comme Adidas ou EDF. « En terme d’image pour un pays, c’est très positif. » Le football est un « levier intéressant » pour montrer que l’Afrique n’est pas vouée à être le parent pauvre de l’économie.
Il y a un potentiel. « On a la capacité de faire les choses par nous-mêmes. » Il y a des forces qui ne demandent qu’à se montrer. Diambars rassemble ainsi 85 salariés, tous inscrits dans le paysage local. La suite, c’est une coopération avec l’Europe. « Au départ, on a été financés par des fonds européens et français. Mais nous sommes vraiment dans un état d’esprit de coopération et non de dépendance. À partir des projets réalisés, aujourd’hui, on réussit à adapter des programmes pédagogiques pour qu’ils soient donnés en France. » Des étudiants d’écoles de commerce – dont l’ESSEC et Euromed – réfléchissent et apportent au projet. L’échange Sud-Nord et Nord-Sud est complet, circulaire et multiple.
Toutefois, le centre de formation n’est pas qu’un projet sportif qui aurait trouvé son modèle économique. Jimmy Adjovi-Boco tient à le rappeler : « On essaye de faire de Diambars « plus qu’un centre de formation ». C’est une école de vie et une école de champions – pas seulement pour le sport, mais aussi dans la vie. » Le terme d’institut n’est alors jamais très loin, comme pour mieux distinguer Diambars des autres. Ici, les jeunes sont recrutés sur critères sportifs, mais ne sont pas laissés de côté si leur potentiel n’est pas à la hauteur des premières espérances. Le cursus de sport-études s’adapte. Adjovi-Boco explique cela par la volonté de départ. « On s’est dit :« Qu’est-ce qu’on voudrait, nous, pour nos propres enfants ? »On veut qu’ils réussissent leur vie et pour cela, ils doivent être éduqués et instruits. Le foot n’est qu’un moyen » et la professionnalisation n’est pas le seul débouché. Saer Seck s’en veut l’exemple, en tant qu’entrepreneur.
L’institution Diambars
Alors Diambars n’oublie pas d’être une école, avant tout. « On a un cursus scolaire normal. La réussite scolaire et la réussite sportive sont sur un pied d’égalité. » Ce qui fonctionne à merveille : l’école affiche l’un des meilleurs taux de réussite au brevet et au baccalauréat dans le pays. Adjovi-Boco souligne deux exemples emblématiques pour illustrer l’ambition et la réussite de son projet. « Aujourd’hui, Idrissa Gueye fait partie de l’équipe professionnelle du LOSC. À Arras, un jeune de Dambiars est premier de sa classe de première… Alors qu’il est arrivé sans savoir lire, ni écrire, ni parler français. »
Par ses valeurs, par son modèle et par son accompagnement total, Diambars offre une seconde peau aux jeunes. Un joueur passé par le centre l’est pour toujours. Cela devient une part de son identité. Idrissa Gueye lui-même se dit prêt à prendre la place d’Adjovi-Boco. Avec humilité, le centre de formation compte montrer l’exemple et participer à l’émergence de nouveaux projets. « Que d’autres puissent éclore, dans l’intérêt de tous » , espère Jean-Marc Adjovi-Boco. Et puis la saison prochaine, il y a une nouvelle compétition qui s’annonce : la Ligue des champions africaine. « Une autre étape pour faire progresser nos jeunes. On a encore beaucoup de travail. » Nous sommes prévenus : les guerriers vont s’exporter.
par Côme Tessier