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Diafra Sakho, histoire d’une ascension dingue
Il y a deux ans, il jouait en National contre le Poiré-sur-Vie ou Cherbourg. Aujourd'hui, il marque des buts contre Manchester City et Liverpool. Récit d'une ascension folle.
« Je me souviens pourquoi je l’ai choisi. C’était dans des conditions très difficiles, du sable. Les qualités athlétiques qu’il avait étaient exceptionnelles, exceptionnelles, vraiment au-dessus du lot au niveau de la puissance, la vitesse. Y avait toute cette générosité, cette hargne, cette volonté qui étaient vraiment visibles. » Au moment d’évoquer Diafra Sakho, Olivier Perrin est inarrêtable. Le manager général de l’Académie Génération Foot, à Dakar, au Sénégal, a en effet toujours l’habitude de parler avec le cœur lorsqu’il s’agit de son ancien protégé. « C’était un garçon au-dessus du lot, qui avait des points forts que d’autres joueurs n’avaient pas. À Metz, il a fallu beaucoup travailler techniquement car il est arrivé tard dans le football » , affirme-t-il. Auparavant, « Diaf » était effectivement plus attiré par l’athlétisme. Puis le ballon est arrivé entre ses pieds. D’abord à l’Académie, puis en Moselle. « Il y avait beaucoup de travail à faire sur la technique et la tactique, renchérit Perrin. Il est arrivé à une bonne époque pour lui à Metz, où il n’y avait pas trop de concurrence. Le niveau n’était pas hyper élevé non plus. En 19 ans, bien entendu, ça n’a pas posé beaucoup de problèmes. En CFA 2, non plus. C’est un niveau qui lui correspondait bien quand il est arrivé. Ça a permis son épanouissement. »
Faculté à passer les étapes
De fait, sa progression est alors quasi linéaire. Ses débuts avec la réserve sont fracassants. Il plante 17 pions lors de la saison 2009/2010. De quoi lui permettre de prendre l’ascenseur pour l’équipe première, alors en Ligue 2. Mais barré à l’époque par Mathieu Duhamel, il bougonne et s’emporte contre ses dirigeants. « J’ai vu le président il y a quelques semaines pour revoir mon contrat. J’attends toujours. Ce n’est pas respectueux, lâche-t-il sur le site Internet de France Football, le 22 août 2011. Dans ma tête, je ne suis pas bien. Les dirigeants ne respectent pas leur parole. Ce qu’ils m’ont dit n’a pas été suivi d’actes. Alors j’ai envie de partir. » Sa gueulante lui offre finalement une amende, un séjour en réserve et un départ à Boulogne-sur-Mer en janvier. Pas le meilleur plan de carrière. Néanmoins, à son retour en Lorraine, il se réfugie de nouveau dans le travail. Et ça va finir par payer.
Duhamel parti à Caen, il devient indiscutable au sein de l’attaque des Grenats et terrorise alors les gardiens. 19 buts en National, puis 20 en Ligue 2 la saison suivante. « C’est quelqu’un qui ne doute jamais, qui ne doute jamais de lui-même. Il arrive toujours à corriger ses petits défauts jusqu’à arriver à un excellent niveau, poursuit celui qui l’a déniché dans la capitale sénégalaise. Il a une faculté à passer les étapes de manière incroyable. Il se fixe lui-même toujours des objectifs. Il dit « Je vais vous marquer dix buts » et il les marque. C’est très surprenant. À l’image de son adaptation en Angleterre. » De l’autre côté de la Manche, effectivement, l’international sénégalais, qui vient d’être rappelé par Alain Giresse, en surprend plus d’un. Son début de saison est tout feu, tout flammes. Au propre comme au figuré. Il a ainsi failli incendier son domicile en voulant préparer du thé. « Ça ne m’étonne pas, se marre Yeni Ngbakoto, qui l’a connu au centre de formation du FC Metz. Il ne sait pas trop faire à manger. Sa spécialité, c’est les bonbons. Mais c’était quand même le roi du thé. Il le partageait souvent avec son compatriote Mayoro N’Doye et quand on venait chez lui, on avait toujours droit aux plats sénégalais. On goûtait tout. »
Langue de Shakespeare
Aujourd’hui, face à lui, les défenses anglaises souffrent. Celle de Liverpool s’y est ailleurs déjà brûlé les doigts. Le 20 septembre dernier (3-1), il avait assuré le spectacle en inscrivant un lob splendide, passé plutôt inaperçu puisqu’effectué le même jour que celui d’Ángel Di María avec Manchester United. Putain de buzz ! L’attaquant de West Ham, qui a choisi le numéro 15 en référence à Didier Drogba (c’était le numéro de l’Ivoirien à son arrivée à Chelsea, ndlr), est dans la lignée de ce qu’il réussissait la saison passée lorsqu’il martyrisait les défenses de Dijon, Créteil ou Clermont en Ligue 2. « Je savais qu’il allait réussir, avoue Ngbakoto à propos de son pote, qui vient d’obtenir le prix du joueur du mois d’octobre en Premier League. À West Ham, il a commencé remplaçant, mais il est efficace et dans la continuité de ce qu’il faisait avec nous. Il s’adapte très facilement et répond toujours présent. Je suis content pour lui. Il a su rester humble. Il veut s’améliorer tout le temps et a vachement confiance en lui. Il sait que ce n’est pas le plus technique, mais il a la gnaque et un très gros mental. C’est un gars qui ne baisse jamais les bras ! »
Même son de cloche du côté de Bouna Sarr, l’un de ses anciens potes grenats : « Son intégration a été instantanée. C’est une personne qui s’est toujours battue. Il mérite tout ce qui lui arrive. Le championnat anglais est taillé pour lui. » Le numéro 10 messin ne se trompe pas. Pour l’instant, l’ancien de l’Académie Génération Foot a déjà marqué à six reprises (en 8 matchs) en championnat. Des statistiques qui lui permettent désormais d’endosser le costume de titulaire chez les Hammers. Et d’apparaître régulièrement sur les programmes de présentation des matchs, comme face à Manchester City, le 25 octobre dernier. Les dirigeants de West Ham songent même déjà à prolonger son contrat, c’est dire. « Il bluffe tellement de gens. Je lui souhaite en tout cas d’aller le plus haut possible. Je lui souhaite, je nous le souhaite, rigole Olivier Perrin, qui chaperonne aujourd’hui le frère de Diafra Sakho, Amara, chez les moins de 17 ans messins. C’est juste beau de voir un gamin heureux. C’est quelqu’un pour le football anglais. L’Angleterre, les stades et tout, c’est fait pour lui. Le public doit l’adorer. » Ne lui reste simplement qu’à améliorer sa compréhension de la langue de Shakespeare. Un détail. « Je ne pense pas qu’il parle encore très bien, rigole Sarr. On le taquinait déjà avec son français avec Yeni, alors là, il faut lui laisser encore un peu de temps pour apprendre. » Même version du côté de Ngbakoto. « Son anglais ? Franchement, je crois que c’est le wolof qu’il parle(rires). L’anglais, c’est pas encore ça, mais il prend des cours. » Malgré son apprentissage express côté terrain, Diafra Sakho a donc encore logiquement quelques petits progrès à faire. Mais il est bien parti.
Par Tanguy Le Séviller