- Foot & santé
- Journée mondiale du diabète
Diabète au corps et foot à cœur
Maladie largement répandue, le diabète interroge dans son rapport au sport. Aucune contre-indication n'existe pourtant à ce sujet chez les diabétiques. La preuve, on en trouve jusque chez les professionnels.
Là où il est aujourd’hui, Johan Cruyff est forcément en train de rapper : trop de punchlines dégainées tout au long de sa vie. Trop de « dans un sens, je suis probablement immortel » , trop de « si tu ne peux pas gagner, essaie au moins de ne pas perdre » , trop de « chaque inconvénient a son avantage » . Le Flaco le plus classieux avait un mot pour tout, et souvent, ce mot était juste. Alors, quand Cruyff pose que « le football peut guérir bien des maux, comme l’obésité et le diabète » , on se doute que, là encore, il y a une piste à explorer. Oui, mais dans quelle direction ? Indications avec ceux qui savent : Yoann Court, joueur professionnel et accessoirement diabétique, et le professeur Harry Dorchy, « mentor » de Pär Zetterberg, lui aussi diabétique, mais surtout double Soulier d’or en Belgique dans les années 1990.
Les Dorchy’s recipes
Aujourd’hui à Brest, Yoann Court évolue à Sedan lorsque son diabète est diagnostiqué en 2012. Ce faisant, il rejoint les plus de trois millions de Français traités pour une carence en insuline, cette hormone sécrétée par le pancréas et permettant au sucre de passer du sang aux muscles, au foie et dans les graisses. Le coup est dur à encaisser : « Je ne savais pas ce que c’était exactement, j’ai dû aller à l’hôpital, être arrêté pendant deux mois… » Pendant cinq à six mois, le joueur va faire l’apprentissage d’une vie en compagnie de son diabète de type 1, maladie auto-immune d’origine héréditaire ou environnementale dans laquelle les cellules du pancréas chargées de produire l’insuline sont progressivement détruites : « Tu apprends à te connaître, à connaître ce que tu manges, la teneur en sucre de tous tes aliments, pour t’injecter les bonnes doses d’insuline en fonction. La chance que j’ai eue, c’est d’avoir 23 ans. Je me suis responsabilisé, mais pour un petit qui ne comprend pas tout, c’est plus dur. » Quand une hygiène de vie stricte devient une question de vie ou de mort, l’inclure dans la pratique du sport de haut niveau aide à faire passer la pilule. Ou en l’occurrence, la piqûre.
Le professeur Harry Dorchy, désormais retraité, a vu les progrès dans la prise en charge du diabète. Il a connu les années 1970, quand on prescrivait, en plus des piqûres d’insuline, un régime pauvre en sucres de toutes sortes, donc en calories, pour éviter un taux de glucose trop élevé dans le sang. Soit le traitement plutôt adapté à un diabète de type 2, celui qui vient avec l’âge, lorsque à force d’excès et d’obésité, le corps devient moins sensible à l’insuline, en réclamant donc davantage. Soit aussi un manque d’énergie rédhibitoire pour une pratique sportive par les jeunes concernés par le type 1. Si ce genre de traitement est déjà passé de mode lorsque le type 1 de Pär Zetterberg est décelé, cela n’empêchera pas son entraîneur d’alors, Aad de Mos, de considérer la carrière du Suédois terminée et de l’envoyer en prêt à Charleroi. « Un jour, on m’appelle, on me dit que Pär joue mal, qu’il est toujours fatigué, se rappelle le professeur Dorchy. Mais son traitement était complètement inadapté. Je l’ai modifié et il a retrouvé son meilleur niveau. Car correctement traité, un patient diabétique est aussi compétitif sur les plans physique et intellectuel qu’un non-diabétique. » La preuve ? Après deux ans à Charleroi, soigné avec les Dorchy’s recipes ( « les recettes du Dr Dorchy » ), il revient à Anderlecht auréolé d’un Soulier d’or récompensant le meilleur joueur de la saison belge. Et avant de devenir une légende mauve.
Adrénaline et responsabilisation
On peut donc pratiquer un sport de haut niveau en étant diabétique, Yoann Court, Pär Zetterberg ou le Madrilène Nacho en sont des preuves balle au pied. Mieux, on DOIT jouer au foot. De manière générale évidemment, parce que depuis 2012, l’inactivité physique est le premier cas de mortalité évitable dans le monde devant le tabagisme, mais aussi dans le cas spécial du diabète. Pour la maladie métabolique qu’est le type 2, le fait que perdre du poids soit souvent la première chose à faire est une raison suffisante pour se remettre doucement à taquiner. Et pour tous, l’adrénaline relâchée par la pratique sportive et l’excitation d’un bon match provoque la libération du glucose stocké dans le foie, direction les muscles dont c’est le carburant. Le sport rend les muscles plus sensibles à l’action de l’insuline, moins d’insuline agit mieux, raison pour laquelle les sportifs diabétiques ont besoin de s’injecter des doses plus faibles que les non-sportifs. : « Pär pouvait parfois faire des malaises hypoglycémiques à l’entraînement, mais jamais en match. Parce que le stress du match entraînait la libération de plus d’adrénaline, donc une meilleure circulation du glucose » , explique le professeur Dorchy. Yoann Court, lui, n’a jamais fait de malaise et ne se considère pas comme quelqu’un de stressé. Mais il note bien que les doses d’insuline sont nettement plus élevées lors des périodes de repos.
Mais au fait, quels sont les risques ? Cécité, insuffisance rénale, maladies cardiovasculaires et neurologiques, amputation des membres inférieurs… « Les complications sont toujours liées à l’excès de sucre dans le sang et non au diabète lui-même, tempère le professeur Dorchy. Elles sont toutes évitables à condition de maintenir un taux d’hémoglobine glyquée – la mesure du glucose dans le sang – inférieur à 7%. » D’où l’importance de se connaître et de savoir utiliser son insuline, le cerveau remplaçant simplement ce qui normalement est fait naturellement. Reste que « toutes les trente secondes, un diabétique est amputé dans le monde » . Une réalité qui fait relativiser Yoann Court : « Mon diabète m’aide à être meilleur. À avoir une meilleure hygiène de vie, à avoir la volonté de me battre, mais aussi à prendre de la distance avec les aléas du sportif comme les blessures. » Personne, dans son parcours professionnel, n’a jamais considéré son diabète comme handicapant. L’autre bonne nouvelle, c’est que si la maladie ne se guérit pas, elle se soigne très bien. « Un jour, j’ai rencontré un jeune joueur qui avait beaucoup de mal à gérer son diabète, illustre le Brestois. Il y pensait tout le temps. Je lui ai dit que s’il était sérieux sur son traitement, il n’avait absolument aucun souci à se faire, à l’entraînement comme en match. J’espère que ça l’a aidé. »
Par Eric Carpentier
Pour en savoir plus sur les liens entre sport et diabète, voir les conseils de la Fédération française des diabétiques et les séjours éducatifs de l'Association d'aide aux jeunes diabétiques.