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- 10 décembre 1961
Di Stéfano : dernier tango à Paris
La Coupe du monde s'est refusée à Alfredo Di Stéfano. L'un des meilleurs joueurs de tous les temps pensait pourtant toucher au but en 1962, avant qu'une blessure ne l'en écarte. L'histoire retiendra qu'il a disputé son dernier match avec la Roja, un 10 décembre 1961, à Colombes.
Une fin pas vraiment annoncée. Ce 10 décembre 1961, Alfredo Di Stéfano joue en proche banlieue parisienne, à Colombes. Du haut de ses cinq Coupes des Champions, le leader argentin de la sélection espagnole doit se fader un amical contre la France sur un terrain fangeux. Leader moral, la Saeta Rubia ne grogne pas, mais à 35 ans, il peine sur cette pelouse trop molle. Sa technique prend l’eau. À la mi-temps, la France domine l’Espagne (1-0). Di Stéfano prend acte qu’il ne s’agit pas de son soir. Dans la moiteur des vestiaires de Colombes, il demande à ses jeunes coéquipiers de faire une partie de son boulot, les défenseurs français neutralisant la star du Real Madrid à cinq mètres de la surface. Celui qui peut alors être considéré comme le meilleur joueur du monde l’ignore encore, mais il est en train de disputer son dernier match avec la Roja.
C’est une Espagne rassurée qui vient faire trempette à Paris. La sélection ibérique vient de valider son billet pour la Coupe du monde 1962. Au mois de novembre, elle a remporté son barrage disputé face au Maroc, qui ambitionnait de devenir la première équipe africaine à participer à l’épreuve reine. Avec Luis Suárez, Paco Gento et Di Stéfano en têtes de gondole, la Roja a de quoi effrayer. Au moins, sur le papier. À 35 ans, Don Alfredo va enfin pouvoir partir à la conquête du trophée Jules Rimet. Une opportunité dont il n’a jamais bénéficié avec l’Argentine. En 1950, sa Fédération, en conflit avec son homologue brésilienne, décide de dispenser l’Albiceleste du court voyage chez le voisin auriverde. Quatre ans plus tard, la neutralité suisse n’incite pas les responsables argentins à faire davantage d’effort. Naturalisé en 1956, Di Stéfano a commencé à défendre les couleurs de l’Espagne en janvier 1957.
Un dernier hors-jeu
La Roja affronte les Pays-Bas, et le grand ordonnateur du Real Madrid colle un triplé. Au total, la Saeta Rubia plante 23 buts en 31 matchs sous le maillot de son pays d’adoption. Quatre années lui suffisent à devenir le meilleur buteur de l’histoire de la Roja. Il faudra attendre Butragueño pour que ce total soit dépassé. Face à la France, Di Stéfano fait à nouveau trembler les filets. Mais l’arbitre considère que la star du Real Madrid se trouve en position illicite. Colombes ne verra pas le dernier but en rouge et jaune de Don Alfredo, seulement son dernier match. Ce 10 décembre, l’Espagne ressemble à une succursale de la Maison Blanche. Neuf joueurs du Real Madrid sont alignés. Luis Suárez, resté en Italie pour servir l’Inter, est absent. À la 59e minute, le jeune Merengue Félix Ruiz Gabarí répond aux desiderata de Di Stéfano et égalise. Plus rien ne sera marqué.
Au coup de sifflet final, le sélectionneur, Pedro Escartin, fait ses adieux à la Roja. Lui sait qu’il s’agit de son dernier match et l’a voulu ainsi. Di Stéfano a pourtant milité, en vain, pour qu’il prolonge l’aventure, au moins jusqu’au Chili. Finalement, la Coupe du monde 1962 se disputera sans Escartin ni Di Stéfano. Lors d’un match de préparation, la star du Real Madrid se blesse. La sélection désormais entraînée par Helenio Herrera devra faire sans son cerveau. Désorientée, la Roja termine dernière de son groupe. Di Stéfano a désormais 36 ans. Il a entamé son déclin et vient de perdre sa première finale de Coupe des champions, face au Benfica. Le prestigieux naturalisé ne sera plus rappelé par son pays d’adoption. Celui qui est considéré comme le meilleur joueur de tous les temps par nombre de ceux qui l’ont vu jouer se retirera des terrains en 1966 sans avoir eu l’opportunité de disputer un seul match de Coupe du monde.
Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin