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Di Lorenzo, l'empereur du sacre

Par Maxime Renaudet, à Naples

À 29 ans, Giovanni Di Lorenzo s'apprête à décrocher le premier Scudetto de sa carrière. Un demi-miracle pour l'actuel capitaine et latéral droit moderne du Napoli, qui évoluait encore en Serie C il y a cinq ans.

Di Lorenzo, l'empereur du sacre

Conquérir le cœur des supporters napolitains n’est pas toujours chose aisée. Mais le 31 août 2019, ​​pour son deuxième match officiel seulement avec les Azzurri, Giovanni Di Lorenzo marque des points en inscrivant un pion contre la Juventus. Près de quatre ans plus tard, le Toscan de 29 ans est toujours au rendez-vous. La preuve, face au Hellas (0-0) lors de la précédente journée, il a enchaîné une trentième apparition consécutive en Serie A, et lors de la double confrontation contre Milan en Ligue des champions, il a une nouvelle fois été l’un des meilleurs Napolitains malgré l’élimination des siens. Sans un Mike Maignan chaud bouillant, Di Lorenzo aurait même mérité d’inscrire un pion, lui qui a déjà marqué quatre fois cette saison. Soit autant que les deux ailiers droits qui évoluent devant lui : Matteo Politano et Hirving Lozano. En cette période un peu plus difficile pour le Napoli, Di Lorenzo, déjà auteur de six passes décisives, est au rendez-vous et tire son équipe vers le haut. Pas étonnant que Spalletti en ait fait son capitaine en début de saison après les départs de Lorenzo Insigne et Kalidou Koulibaly. Hyperfiable, celui qui est né attaquant, avant de reculer, est l’un des grands artisans de cette formidable aventure napolitaine qui ne serait plus très loin du graal, ce dimanche, en cas de victoire sur les terres de la Vieille Dame. Mais comment ce joueur de 29 ans, qui jouait encore en Serie C en 2018, s’est retrouvé champion d’Europe, capitaine du Napoli et bientôt champion d’Italie ?

Fume à fond

La carrière de Di Lorenzo est d’abord celle d’un repositionnement. Et comme un bon contingent de latéraux modernes, c’est devant les cages qu’il commence à faire parler de lui. Au point de se faire surnommer par ses potes « Batigol », en référence à l’attaquant argentin qui brille alors sous les couleurs de la Fiorentina. Contrairement à Batistuta, Di Lorenzo ne découvrira pas la Serie A avec la Viola, mais avec le club voisin d’Empoli, et dans le costume d’arrière droit, juste devant l’actuel Rossonero Rade Krunić. « Lors d’un tournoi disputé enfant, vu qu’il n’y avait plus de défenseur, j’ai été positionné défenseur central, expliquait-il récemment au magazine Undici. Puis quelques années après, j’ai basculé au poste de latéral, où j’ai découvert ma véritable vocation. » Une vocation qui porte aussi le nom de Pasquale Padalino, son coach à Matera, en Basilicate, qui le transforme en joueur de côté multifonction capable de jouer latéral dans une défense à quatre, et piston dans une configuration avec trois défenseurs axiaux. « Lors des premiers matchs, j’utilisais un 4-3-3 dans lequel il jouait stoppeur, mais un jour, après réflexion, je l’appelle et je lui dis : “Giovanni, à ce poste, tu es limité, tu perds 70% de ton potentiel. À mon avis, tu dois jouer latéral” », rembobinait Padalino à la Gazzetta dello Sport.

Quand un joueur sent qu’il a la confiance de son entraîneur, il réussit des choses qui lui semblaient auparavant impossibles à effectuer.

Di Lorenzo, à Undici

Orchestré en 2015, ce repositionnement lui vaut de devenir l’une des belles surprises de la Serie C trois saisons de suite. Avant de filer à Empoli, à l’étage du dessus en Serie B, un championnat que Di Lorenzo avait expérimenté avec la Reggina, en 2011, à l’âge de 17 ans. Car oui, malgré un parcours bancal qui l’a longtemps tenu éloigné du haut niveau italien, Di Lorenzo a été précoce, au point de jouer à 15 piges sa première joute de Serie D, avec Lucchese, juste à côté de sa ville natale : Castelnuovo di Garfagnana. À Empoli, Di Lorenzo rattrape donc le temps perdu, tout en mettant à profit ses années loin du vrai monde pro. Sous les ordres d’Aurelio Andreazzoli, et dans un club réputé pour son jeu et la qualité de son centre de formation, il participe à la montée du club toscan en Serie A dès la première année, avant d’éclabousser la Serie A de son talent en inscrivant cinq pions, dont un contre le Napoli et un autre contre la Juve, pour ses premiers pas dans l’élite. Depuis, il a enchaîné quatre saisons pleines avec le club parthénopéen, devenant l’un des meilleurs à son poste de l’autre côté des Alpes. Grâce à Ancelotti et Spalletti, mais aussi Andreazzoli et Gaetano Auteri.

Matera mamène

Pour en arriver là, Giovanni Di Lorenzo le sait, il le doit en partie aux différents coachs dont il a croisé la route. Des coachs qui avaient de la bouteille et des idées, et qui lui ont permis de devenir le joueur fiable et complet qu’il est aujourd’hui. « Tous les techniciens que j’ai rencontrés m’ont donné et laissé quelque chose de beau, d’important. En grimpant les différents échelons, j’ai eu la chance de croiser certains des meilleurs entraîneurs de tous les temps, cela m’a aidé à découvrir mes compétences, même les plus cachées, exposait-il à Undici. Et puis c’est une question de confiance : quand un joueur sent qu’il a la confiance de son entraîneur, il réussit des choses qui lui semblaient auparavant impossibles à effectuer. » Comme jouer piston droit dans le 3-4-3 mis en place par le successeur de Pasquale Padalino à Matera : Gaetano Auteri. Figure du championnat de Serie C, l’entraîneur sicilien a rarement traversé les frontières du Sud et n’a entraîné en Serie B que deux fois. Il dispose néanmoins d’une belle cote de popularité en Italie, lui qui est réputé raffiné, dépositaire d’un football offensif et vertical, et considéré par certains comme plus méritant que nombre de ses collègues des catégories supérieures. Pour d’autres, ce n’est qu’un esthète utopique dont le sale caractère a alimenté sa notoriété plus que son armoire à trophées.

Dès que je le vois, je dis à mes collaborateurs : “Qu’est-ce qu’il fait en Serie C ?” Il valait déjà un Darmian qui était en équipe nationale à l’époque.

Gaetano Auteri, à la Gazzetta dello Sport

Pourtant, c’est bien sous la houlette d’Auteri que Di Lorenzo confirme, avant qu’Empoli mette le grappin dessus. « Dès que je l’ai vu, j’ai dit à mes collaborateurs : “Qu’est-ce qu’il fait en Serie C ?”, rejouait Auteri à la Gazzetta dello Sport. Il avait des qualités physiques, techniques et d’intelligence de premier ordre, il valait déjà un Darmian qui était en équipe nationale à l’époque. » Des qualités qui auraient pu lui permettre de signer un an plus tôt à la Roma, désireuse de le prêter dans la foulée à Cesena (Serie B), mais qu’il a peaufinées un an de plus aux côtés d’Auteri. Puis sous les ordres, à Empoli, d’Aurelio Andreazzoli, l’ancien assistant de Spalletti à Udine et à Rome, qui avait également secondé Ranieri, Montella, Zeman et Luis Enrique. Fruit du hasard ou pas, sa deuxième expérience de coach s’est déroulée à Castelnuovo Garfagnana, la ville natale de Di Lorenzo, à une époque où l’international italien n’était même pas encore né. Le vieux monsieur de la Serie A a taillé le joyau local, qui connaîtra sa première sélection nationale en octobre 2019. Moins de deux ans plus tard, après avoir été acheté par Naples 10 millions d’euros, il remporte l’Euro 2020 après une campagne au cours de laquelle il a été le meilleur tacleur. « Giovanni est le fleuron d’Empoli, il nous rend heureux depuis son départ, exposait Andreazzoli en décembre 2021. Mais surtout cet été, le voir soulever la Coupe sur le bus m’a donné des frissons comme si c’était arrivé à mon fils. » Un faux fils qui va désormais soulever le Scudetto et succéder ainsi à Diego Maradona, dernier capitaine napolitain à l’avoir remporté en 1990. Mais avant ça, le Napoli devra vaincre la Juventus ce dimanche, puis la Salernitana le week-end prochain. Deux rencontres importantes aux yeux des Napolitains, qui ne sont pas près d’oublier l’importance de Di Lorenzo dans la conquête de ce sacre historique.

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