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Deybi Flores, street fighter
À 19 ans, et après des années de galère, Deybi Flores a enfin réussi à quitter son Honduras natal. Prêté aux Vancouver Whitecaps pour une saison, le natif de San Pedro Sula, qui revient de la Coupe du monde des moins de vingt ans en Nouvelle-Zélande, espère maintenant convaincre les Canadiens.
Le 28 mars dernier, Deybi Flores découvrait pour la première fois de sa vie la Major League Soccer, au BC Place Stadium de Vancouver. Pour son premier match avec les Whitecaps, qu’il n’avait rejoint que quelques semaines plus tôt, le très jeune joueur hondurien doit se contenter d’une tardive entrée en jeu lors de la victoire des Canadiens sur les Portland Timbers (2-1). Pourtant, même en quelques minutes, le milieu de terrain parvient à impressionner son monde grâce à sa capacité à porter le ballon au sein d’un 4-2-3-1 remodelé pour son entrée en jeu en 4-3-3. Décrit comme un « milieu de terrain box-to-box infatigable » par son nouveau coach, Carl Robinson, Deybi Flores sait que le chemin qui l’attend est encore long. Mais celui qu’il a laissé derrière lui était si long et mal pavé qu’il n’a aujourd’hui plus peur de grand-chose. Car oui, quand on a survécu aux rues de San Pedro Sula, devenir le meilleur milieu de terrain de la MLS ne semble pas être un but inaccessible.
La crédibilité de la rue
Né le 16 juin 1996 dans la deuxième plus grande agglomération du pays, Cortés, Deybi Flores est le troisième enfant d’une fratrie de cinq rejetons. Pendant douze longues années, le gamin doit apprendre à manier son ballon dans les rues d’une des villes les plus violentes du monde. Car à San Pedro Sula, on ne se lève pas avec un sentiment d’insécurité, mais avec l’espoir de finir la journée en un seul morceau. Avec son taux d’homicide de 170 pour 100 000 habitants, des rues gangrenées par les gangs – dont le Mara 18 – et les trafics de drogue en tout genre, la ville semble plus avoir sa place dans un épisode de Breaking Bad que dans le cerveau d’un enfant. Pourtant, le jeune Deybi ne dévie jamais de la voie qu’il s’était juré de suivre. Ce qu’il veut, lui, c’est devenir footballeur. Des obstacles, il en surmonte, et pas des plus petits : amis assassinés, nourriture manquante et famille trop nombreuse… Tellement nombreuse que l’âge de 12 ans atteint, Deybi doit quitter le domicile familial.
« C’était un sacrifice que je devais faire si je voulais atteindre mon but » , expliquait-il le mois dernier au site officiel de la MLS. « Devoir traverser de telles épreuves si jeune m’a fait devenir mature beaucoup plus vite que d’autres personnes de mon âge. Il fallait juste trouver la force nécessaire pour continuer d’avancer. » Après quelques nuits dans les rues de sa ville natale, Deybi Flores rejoint finalement le club de Platense, où il trouve un toit, un coach et des coéquipiers. À 15 ans, il signe au CD Motagua, à Tegucigalpa. En 2013, il joue pour la première fois avec l’équipe première. En deux saisons, le milieu de terrain joue à 22 reprises. Une statistique convenable pour un jeune joueur de 17 ans, et surtout suffisante pour éponger son irrépressible envie de jouer au ballon pour subvenir aux besoins de sa famille. Une envie exacerbée par le décès de son père, en juin dernier, alors que les premières possibilités de quitter le Honduras s’offrent à lui. L’une d’entre elles, la plus sérieuse, émane alors des Whitecaps.
La saison pour convaincre
« C’était une opportunité exceptionnelle pour moi et pour ma famille. On vivait des choses compliquées à l’époque. Partir à Vancouver, au vu des circonstances, c’était l’occasion de repartir de zéro, d’aller de l’avant. Il fallait que je fasse ce choix pour ma famille » , raconte aujourd’hui le Hondurien. Prêté un an avec option d’achat aux Whitecaps depuis le mois de février dernier, ce n’est plus du côté du Honduras que Deybi doit convaincre – puisqu’il est désormais régulièrement sélectionné avec l’équipe nationale des moins de vingt ans –, mais bien du côté canadien, où il se bat encore aujourd’hui pour une place dans le onze de départ. « Ce sont deux ligues complètement différentes. La MLS est un championnat beaucoup plus technique, avec beaucoup de bonnes équipes en développement » , analyse celui qui est arrivé de son pays natal avec une étiquette de milieu défensif, mais qui semble prouver à chaque nouvelle entrée qu’il aime porter le ballon vers l’avant.
Bref, Deybi est un 6 qui aime prendre ses responsabilités, comme il sait si bien l’expliquer : « Toutes les attaques partent de la défense, c’est pour ça que j’ai commencé à jouer à ce poste étant petit. Mais dans cette position, il ne suffit pas de se reposer derrière. Quand une chance se présente, il faut savoir se faufiler et porter intelligemment le ballon vers l’avant. » Après la Coupe du monde des moins de vingt ans, où il a disputé les trois matchs de son équipe en tant que titulaire, le jeune Hondurien a jusqu’à la fin de la saison pour engranger de l’expérience à Vancouver en espérant que les Whitecaps lèvent l’option d’achat dans quelques mois. Faute de quoi le milieu de terrain retournera au CD Motagua. Alors, Deybi sait ce qu’il lui reste à faire : « Mon rêve, c’était de venir au Canada, et maintenant que j’y suis, tout ce que j’ai à faire, c’est de faire le boulot et de m’accrocher pour une place. »
Par Gabriel Cnudde
Tous propos recueillis sur le site officiel de la Major League Soccer