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Deux crètes pour une pointe
C'est un duel à distance. Alors que la Croatie lance son Euro dimanche contre la Turquie, son sélectionneur Ante Čačić se retrouve face à un casse-tête de riche : qui de Mandžukić ou Kalinić doit être le numéro un en pointe ?
La Croatie est une terre de traditions. Il y a d’un côté les techniciens, de l’autre les morts de faim. Avec elle, on connaît la musique, car elle n’a jamais varié d’un ton. C’est une promesse, un écrin bourré de talent, et son cœur de jeu est peut-être l’un des meilleurs du championnat d’Europe avec Luka Modrić, Ivan Rakitić et Marcelo Brozović. Sur le papier, cette Croatie n’a jamais été aussi belle. Il est maintenant temps d’en prendre conscience, et Ante Čačić, nommé à la tête de la sélection en septembre dernier, n’avance plus que pour ça : « Il faut se rendre compte que nous sommes bons et que nous pouvons battre n’importe quelle équipe du monde. On a réussi à mixer l’expérience et les jeunes talentueux et, aujourd’hui, la Croatie est l’une des dix meilleures équipes de cet Euro. » Interrogé il y a quelques semaines, Rakitić ne varie pas dans le discours et a plusieurs fois affirmé vouloir enfin « accomplir quelque chose » avec sa sélection. Le voyage en France doit être un tournant dans un groupe D où la seconde place est largement promise à la Croatie, derrière l’Espagne, et devant la Turquie et la Tchéquie. Comme toutes les équations, il reste pourtant une inconnue. C’est un problème de riches : trouver la meilleure pointe au stylo croate. Mario Mandžukić contre Nikola Kalinić, il y a match. Voilà pourquoi.
Mandžukić, le renard silencieux
C’était la répétition générale. Ou une bouffée d’oxygène. Il y a quelques jours, la Croatie s’est baladée contre Saint-Marin à Rijeka (10-0), plus large victoire de l’histoire des Vatreni. Une promenade au cours de laquelle Mario Mandžukić et Nikola Kalinić ont marqué chacun un triplé. De quoi surtout alimenter le duel interne entre les deux hommes pour prendre le sommet du 4-2-3-1 croate. Čačić a réussi à installer « la bulle positive » souhaitée avant la compétition, mais s’est également offert un dernier casse-tête. Logiquement, l’attaquant de la Juventus Turin doit prendre la pole. Il est la star, l’atout offensif numéro un et sort d’une première saison plutôt positive en Italie (10 buts). Mandžukić est une espèce en voie de disparition, ce qu’on appelle un renard ou plus simplement une fouine. Reste que la campagne de qualifications a laissé des doutes : dix matchs, 20 buts marqués pour la Croatie et un seul inscrit par Mario Mandžukić, contre l’Italie (1-1) en juin dernier, ce qui a laissé Kalinić prendre de la confiance aux côtés d’Ivan Perišić et du gamin du Dinamo Zagreb, Marko Pjaca. Souvent questionné sur le sujet, Ante Čačić a préféré dégager la question : « Mario ou Nikola, peu importe, on veut jouer. »
Kalinić, à maturité
Jouer, jouer, jouer, c’est le mantra permanent de cette Croatie. Avec cette philosophie ancrée aux chevilles, elle peut s’adapter, en permanence, ce qui lui était encore impossible hier et même, par moments, avec la génération dorée de 1998 où Davor Šuker se retrouvait parfois esseulé. Reste que Nikola Kalinić offre un profil assez différent de celui de son alter ego de la Juventus : plus aérien, plus complet, plus rapide, mais un peu moins tueur devant le but, l’attaquant de la Fiorentina a claqué, lui aussi, une belle saison (12 buts) tout en ne marquant qu’une seule fois en qualifications contre la Bulgarie (3-0). De chaque côté, le total reste faible, mais il faut maintenant que Čačić affine son projet offensif pour faire un choix affirmé. L’été dernier, Kalinić était la priorité de Paulo Sousa à son arrivée à Florence, et la Fiorentina lui a filé le 9 de Batistuta. Et il a assumé, poussé par Sousa, soutenu par son sélectionneur, pour se faire une place de choix en France. Le problème est posé entre deux buteurs qui ne marquent que très peu en sélection. Reste à savoir qui utiliser et comment le faire. Mario a pour le moment l’avantage et débutera contre la Turquie. Mais pour combien de temps ?
Par Maxime Brigand