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Détournement de Milner
James Milner est un marcheur de l'ombre. Un mec normal dans un physique costaud qui fracasse les lignes à longueur de matchs. Hier, c'était un discret sacré mais aujourd'hui, plus que jamais, l'international anglais s'est rendu indispensable à la machine Klopp. Solide comme le roc.
C’est fou le poids que peut avoir une simple étiquette. Au fond, ce n’est pas grand-chose. Et pourtant. Pourtant, celle qui est accrochée sur le front de James Milner est rugueuse. Elle date d’un lendemain de Noël, en 2002. Le gamin de Leeds grattait alors son rêve à Elland Road. Là où ses parents, Peter et Lesley, sont abonnés et où, gosse, James était ramasseur de balles. Il y a un peu plus de quatorze ans, Milner devenait le plus jeune buteur de l’histoire de la Premier League en marquant contre Sunderland à 16 ans et 309 jours. Son record a depuis été effacé des tablettes mais, longtemps, l’international anglais est resté un éternel espoir du Royaume.
Un homme que personne n’a vu grandir et qui, depuis, avance sans faire de bruit, à l’ombre des étoiles, mais au cœur des puissants. Voilà maintenant quatorze saisons que James Milner bouge son physique de 4×4 sur des pelouses, qu’il ferme sa gueule, qu’il abat des kilomètres sans broncher, qu’il se taille un CV sans louange et un costume de coéquipier parfait. Car c’est ce qu’il est avant tout : un joueur d’équipe qui fait briller les autres sans chercher à gratter les bonnes notes. Sauf qu’aujourd’hui, malgré les doutes sur son avenir en sélection nationale, le mensonge a trop duré : Milner est une machine indispensable. Et si on partait à la guerre ?
Et marche à l’ombre
Car c’est ce qu’est James Milner dans le fond : un type à qui on veut caler une machette entre les dents. Depuis toujours. Avec Martin O’Neill à Aston Villa, dans les bras de Pellegrini à City ou, aujourd’hui, sous le sourire de Klopp à Liverpool. C’est simple : quand Milner est apte, le technicien allemand l’aligne. Plus encore, depuis la blessure de Jordan Henderson, l’ancien coach de Dortmund a fait de James Milner son capitaine. Et Dieu sait qu’à Anfield, le brassard est un symbole. Liverpool ne vit que pour ça : la rage, l’envie, le don de soi. Les semaines s’enchaînent et rien ne change. Milner est partout, omniprésent. Il cavale, arrache et, surtout, il offre, à l’image de sa passe décisive sur le fil contre Dortmund en Ligue Europa ou de ses deux nouvelles offrandes contre Everton la semaine passée. Le poumon des Reds tape aussi les corners et peut, quand il le faut, s’astreindre à défendre, simplement, sans faute. Avant le match à Crystal Palace le 6 mars dernier, James Milner n’avait jamais reçu un rouge dans sa carrière. Une sorte de monsieur Propre avec encore quelques poils. Rares, car James a quand même frappé cette année à la porte des trentenaires derrière les apparences.
Il faut remonter le CV. Milner est arrivé à Manchester City en 2010. Le projet glouton n’était alors qu’un embryon et les Citizens n’avaient rien gagné depuis un titre de champion de deuxième division en 2002. C’est une constante avec James Milner. Homme de service, il débarque pour lancer – ou relancer – les cycles. Car chaque président de club sait qu’il n’ouvrira jamais sa gueule, qu’il ne quémandera rien et qu’il avancera tout en faisant avancer. C’est ce qu’il fait à Liverpool où il a débarqué l’été dernier avec le costume de l’expérimenté. Ce n’était pas forcément le cas dans le néo-City où Milner frottait ses muscles avec Gareth Barry, Patrick Vieira, Nigel de Jong, Carlos Tévez ou le grand Yaya Touré. James n’a jamais été une star, mais il a toujours été indispensable. Klopp parle de lui comme de l’un des « joueurs les plus complets » avec qui il a travaillé. Cette saison, c’est son relais tactique et les nombreux échanges entre les deux hommes, à chaque phase de récupération, le montrent bien. Car Milner stabilise le milieu et le projette en permanence vers l’avant, cassant les lignes, créant les décalages et ouvrant constamment le jeu vers les côtés pour étirer le bloc adverse. Pour les résultats que l’on ne cesse d’observer chaque semaine.
I just said to Martínez that I was sorry FOUR that. He said I’m not in the mood for jokes. I said I am, we just demolished you.
— Boring James Milner (@BoringMilner) 20 avril 2016
Boring James Milner
Reste qu’avant tout, James Milner est ce qu’on appelle un homme d’esprit. Premièrement, c’est un joueur hybride qui peut être installé n’importe où, ce qui a souvent été le cas au cours de sa carrière, balayant les côtés et arpentant l’axe d’un milieu en losange. Il a les qualités pour. Gamin, Milner était le plus rapide (double champion du cent mètres en scolaire). Souvent, il était aussi le plus endurant (triple champion de cross). La suite n’est qu’hygiène : le milieu anglais est un enfer pour les tabloïds. James ne baisse jamais son calbar, désolé. Il préfère salir son maillot et provoquer ses propres supporters. Ces derniers l’adorent, car Milner leur rend sur le terrain. En briques. L’histoire d’une relation aimant-aimé. Bingo. Voilà où en est aujourd’hui James costaud. Avec, toujours, l’humour fou qu’est le compte Twitter qui lui est dédié : Boring James Milner. De l’art d’inventer le personnage pour le rendre encore plus indispensable.
Par Maxime Brigand