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Désunion Berlin
A l’aube de sa toute première saison en Bundesliga, l’Union Berlin se déchire en interne à propos de la question d’un boycott à venir ce dimanche contre le RB Leipzig. Si certains joueurs espèrent avoir leurs supporters derrière eux pendant 90 minutes, les ultras n’entendent pas céder, au nom des valeurs qui font partie de l’ADN de leur club.
Nous sommes en 2014 et le RB Leipzig vient de monter en D2 allemande. A l’occasion de la sixième journée de championnat, les joueurs d’Alexander Zorniger effectuent un court déplacement à Berlin et la rencontre commence avec un silence assourdissant. Dans les tribunes, ils sont 20 000 à s’être parés d’un sac poubelle noir en guise de poncho. Pendant les quinze premières minutes, nul ne pipe mot. Seul le parcage tente quelques chants, mais ces derniers seront rapidement éteints une fois le boycott terminé. Et là, c’est l’explosion : l’Alte Försterei gronde, rugit, vibre et s’enflamme, sans discontinuer comme à son habitude, pendant les 75 minutes restantes. Et l’Union Berlin finit par l’emporter 2-1.
On prend les mêmes et on recommence
À l’époque, le Wuhlesyndikat, le plus ancien groupe ultra du club de l’arrondissement de Köpenick entendait, comme c’était alors la mode dans toute l’Allemagne, manifester son mécontentement d’affronter un « club en plastique » totalement à l’opposé des équipes dites « de tradition » . En 2017, le RB Leipzig a pris son envol vers la Bundesliga et s’est même payé le luxe d’être européen deux ans d’affilée. De son côté, l’Union Berlin a encore un peu patienté et, au bout de dix ans dans l’antichambre, finalement validé son ticket pour l’élite, au terme d’une double confrontation folle face au Stuttgart de Benjamin Pavard. L’Union en Bundesliga, c’est un peu la consécration d’un petit club populaire et qui n’a jamais vraiment réussi à trouver sa place dans l’Allemagne réunifiée. Alors, quand les ultras du club ont appris que le calendrier leur refilait le RB Leipzig pour le premier match au sommet de leur histoire, beaucoup ont vu rouge.
C’est pourquoi le Wuhlesyndikat a publié un communiqué dans lequel il appelle le stade à observer une grève des encouragements en début de rencontre. Un quart d’heure sans ambiance, comme en 2014. Pour réaffirmer ses valeurs face à un club toujours aussi honni. Sauf que chez certains joueurs, l’initiative ne passe pas. Et celui qui l’a démontré avec le plus de véhémence n’est autre que le portier des Eisernen, Rafał Gikiewicz. Dans un message posté sur son compte Instagram, et dans lequel on le voit debout dans la nacelle du Sektor 2, l’antre sacrée des ultras de l’Union, le Polonais de 31 ans a tenu à manifester son mécontentement quant au boycott à venir : « Ce dimanche, nous vivrons tous un moment historique ! La saison dernière, nous avons tous travaillé très dur pour y parvenir ! Y compris vous ! » , a rappelé le gardien, pour qui la grève des encouragements « n’est pas une bonne chose » . Au lieu de quoi, Gikiewicz propose aux ultras de présenter un tifo « ou quelque chose du genre » , parce que, selon lui, il est indispensable que l’Alte Försterei rugisse pendant 90 minutes non-stop et ce, afin de « montrer à nos adversaires que c’est NOTRE terrain, NOTRE maison. Ils doivent ressentir un « Welcome to Hell ! » et que ce n’est jamais simple de jouer contre nous » .
Excusez-nous si on a des valeurs !
Le problème, c’est que malgré la cote de popularité élevée dont il jouit à l’Union, Rafał Gikiewicz, ne semble pas vouloir comprendre l’importance du public au sein du club dont il défend les perches depuis la saison dernière. « Ce n’est que mon opinion personnelle. Je suis étranger et je me fiche de savoir qui est notre adversaire » , a-t-il ajouté pour se justifier. Sauf qu’à l’Union Berlin, il y a des choses avec lesquelles on ne transige pas. Et revendiquer son ADN face à un club monté de toutes pièces il y a à peine dix ans en fait partie. En 2014, la direction avait – comme d’habitude – pris fait et cause pour son public en publiant une vidéo de la fameuse première grève des encouragements. Il y a quelques semaines, elle avait publié un communiqué au moment de régler la facture (salée) liée au craquage massif de torches qui avait suivi le barrage retour contre Stuttgart : « Quand tu montes en Bundesliga, il faut bien investir un peu ! »
Cette complicité totale, Neven Subotić l’a bien comprise. Au terme du dernier amical de pré-saison disputé ce lundi contre le voisin de Lichtenberg, le plus Allemand des ex-internationaux serbes a tenu à apporter son soutien aux ultras de son nouveau club. « C’est sûr que je préférerais qu’on utilise d’autres moyens de protestation. Mais une protestation qui ne fait de mal à personne, cela n’arrive pas souvent, c’est une protestation de luxe ! » , explique l’ancien Stéphanois à Kicker. Pour lui, la montée de l’Union en Bundesliga doit servir d’étincelle au retour d’une plus grande homogénéité dans le championnat allemand « plutôt que trois-quatre équipes qu’on va tellement développer qu’elles finiront par avoir leur propre compétition internationale dans quelques années » . Mais l’homogénéité ne signifie pas pour autant la perte d’identité. C’est cela que les ultras berlinois ont tenu à rappeler avec cet appel au boycott. Mais arriveront-ils à fédérer le grand public derrière eux – comme par le passé – maintenant que leur club a changé de dimension ? Élément de réponse ce dimanche.
Par Julien Duez