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Destituer Noël Le Graët : l’Assemblée générale comme seul recours
Après ses mots à l’encontre de Zinédine Zidane et de nouvelles accusations sur son attitude envers la gent féminine, tout le monde s’acharne contre Noël Le Graët. De nombreuses personnalités médiatiques ont appelé à sa démission, mais elle ne dépend que des pontes de la Fédération française de football, soit les mêmes qui l'ont réélu en mars 2021.
D’après le règlement, une fédération sportive est une association de loi 1901. À ce titre, il existe des prérequis juridiques stricts concernant la destitution et le renvoi d’un président, chose voulue par bon nombre de personnes en ce qui concerne Noël Le Graët. Selon l’article 2004 du code civil, seul l’organe qui a investi le mandat du président a le pouvoir de révocation de ce dernier. Autrement dit, c’est l’assemblée générale de la FFF, qui a intronisé Noël Le Graët en 2011, qui est seule compétente pour le renvoyer.
Seule l’assemblée générale est compétente
Selon les statuts, elle n’a pas l’obligation de justifier sa décision, il suffit juste qu’elle vote à la majorité la destitution du mandat du président. Concernant de probables indemnités de licenciement, toujours selon l’article 2004 du Code civil, « un dirigeant d’association est révocablead nutum, ce qui signifie que l’association est parfaitement libre de le révoquer à tout moment sans avoir de motif à fournir ni d’indemnité à lui verser ». Noël Le Graët, dans ce cas, devrait renoncer à de probables indemnités et à son salaire de 206 000 euros par an jusqu’en 2024. Et s’il venait à s’opposer à cette décision, il n’aurait pas les moyens de porter l’affaire devant les prud’hommes. Selon la jurisprudence de 2015 concernant un ancien président d’une association d’archéologie, qui a remis en cause sa destitution, « la cour d’appel[a estimé]que le litige[devait]être porté devant le tribunal de grande instance et non devant les prud’hommes, car le directeur n’était pas salarié de l’association ». Contrairement à Raymond Domenech qui avait été licencié, en 2010, par la FFF et qui avait obtenu 975 000 euros d’indemnités de licenciement, sur décision des prud’hommes, Noël Le Graët ne pourra pas se retourner contre la fédé si cette dernière venait à se séparer de lui.
L’État n’a pas beaucoup de rôle à jouer
Autre cas de figure : l’intervention du ministère des Sports. Rappelons que la Fédération française de football est une délégation de service public, elle dépend directement du ministère dédié, mais reste totalement indépendante. D’ailleurs, les règlements sportifs internationaux fixent ce détail et interdisent toutes formes d’ingérence du politique sur le sportif. La FIFA, notamment, menace tout simplement d’une exclusion des compétitions sportives un pays qui chercherait à agir directement sur la gestion de sa fédération. Cela avait été le cas pour l’Espagne, en 2017, menacé d’exclusion de la Coupe du monde 2018, après que le gouvernement avait demandé de nouvelles élections au sein de la fédération ibérique.
Seule solution alors, forcer Noël Le Graët à démissionner sans intervenir officiellement, en manœuvrant donc dans les coulisses du pouvoir de la fédération. Chose qui a déjà été faite au sein de la Fédération des sports de glace, lorsqu’en 2020, le ministère avait poussé au départ de Didier Gailhaguet, soupçonné d’avoir fermé les yeux sur des affaires de harcèlemens et de violences sexuelles. Seulement, tout n’est pas aussi simple et il y a une jurisprudence à ce sujet. Gailhaguet, après avoir été, selon lui, forcé à démissionner, a attaqué l’État, en 2021, pour préjudice moral et a remporté son procès. Le tribunal administratif de Paris a estimé que la ministre des Sports des sports de l’époque, Roxana Maracineanu, a « exercé une pression[…]décisive pour l’amener à démissionner, empêchant la Fédération française des sports de glace(FFSG)de se prononcer librement sur le sujet ». En gros, le ministère n’a aucun contrôle sur la direction des fédérations. S’il intervient, la fédération peut être sanctionnée, et s’il pousse indirectement à un changement, les membres de la fédération peuvent se retourner contre lui et obtenir réparation. Gailhaguet a d’ailleurs obtenu 5000 euros au titre de son préjudice. En définitive, il n’existe qu’une seule solution : l’Assemblée générale de la FFF devra se réunir pour statuer sur le cas Le Graët. C’est la seule capable et décisionnaire, elle pourra même le faire sans justification ni versement d’indemnités. Reste à savoir maintenant si elle le fera. Pourquoi les mêmes membres qui reconduisent mandat après mandat Noël Le Graët depuis 2011 viendraient le destituer aujourd’hui ?
Par Pierre Rondeau