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Destination finale
C'est le boss de fin. La dernière marche de l'escalier, l'ultime barreau de l'échelle. La finale, moment aussi attendu que redouté, est un jour que l'on n'appréhende pas comme les autres. Retour sur ses dimanches passés les jambes tremblantes et la gorge serrée, avec les héros de 1984 et de 1998.
On y est. Le jour de gloire est arrivé pour l’équipe de France. À quelques heures de disputer le match le plus important de leur carrière jusqu’à maintenant, les Bleus vont devoir patienter toute la sainte journée. Une journée pas comme les autres. Une journée qui va leur sembler longue, très longue. Une journée où l’horloge paraît prendre un malin plaisir à tourner au ralenti. C’est en tout cas ce qu’avait ressenti Alain Giresse le 27 juin 1982, avant la finale de l’Euro 84 : « Dès que le soleil se lève et qu’on ouvre les yeux, on se dit « Ça y est, c’est le jour J. » C’est long, très très long. Ce n’est pas comme un jour de match classique, même si on essaye de retrouver la même tranquillité qui nous accompagne habituellement. Mais, fatalement, c’est impossible, on est forcément plus agité et c’est très compliqué de rester tranquille. » Alors, comment fait-on pour que cette journée – par définition extraordinaire – se déroule le plus normalement possible ? Christophe Dugarry, qui a connu la même scène un certain 12 juillet 98, affirme avoir vécu la chose en toute décontraction : « On n’avait pas peur, on n’était pas stressés. Les doutes ont été levés. La finale, c’est peut-être le match le plus facile à jouer. Je ne me suis jamais senti aussi bien, je pense que mes collègues aussi. On est heureux, positifs, on a envie de rigoler. »
Le sommeil tu trouveras
Pour Bruno Bellone, le sentiment de voir la pendule avancer à reculons est pourtant bien réel : « On trouve le temps incroyablement long, on a hâte d’y être, que la finale commence, et de la gagner surtout. Et puis, il faut le dire, on a aussi hâte d’en terminer avec tout ça, de partir se vider la tête et de se reposer. Parce que bon, un mois c’est long. » Le fameux stress des exams, celui qui empêche parfois même de s’endormir la veille. Et si le marchand de sable avait fait son métier chez Dugarry, qui jure n’avoir eu « aucun problème » pour fermer l’œil, Bellone a passé quelques heures à tourner entre ses draps : « Je me souviens que j’ai eu beaucoup de mal à dormir après le match contre le Portugal. Derrière, j’ai mis deux jours pour récupérer. Le plus compliqué, c’est de passer à autre chose d’un coup d’un seul. » Entre ces deux écoles, le soin de couper la poire en deux revient à Alain Giresse, qui synthétise : « Bien sûr qu’on cogite, on pense à ce qui arrive, mais à un moment donné, on finit par s’endormir. Et heureusement, parce que sinon, ça serait catastrophique. Un joueur qui ne dort pas avant une finale, c’est attention danger. » Un point sur lequel l’entraîneur, censé être capable d’électriser ses gars par un discours, mais aussi de les apaiser en choisissant les mots justes, a une marge de manœuvre limitée. « On ne va pas entrer dans toutes les chambres pour voir si ça ronfle ou pas ! » s’amuse Michel Hidalgo, sans préciser le sort que Morphée lui avait réservé avant la finale de 84.
Balade, musique et parties de cartes
Gueule dans le coaltar ou pas, une fois réveillé, il faut bien passer le temps en attendant le moment fatidique. « On a du mal à tenir en place » , admet Giresse. « Il y a une forme d’excitation et d’énervement qui fait que, dès le réveil, on est dans les starting-blocks. » Pas de recette miracle pour que les heures passent plus vite, même si certains organisent leur journée selon leur petit rituel personnel. Pas Dugarry, pour qui « les superstitions, c’est un peu le truc des faibles. Croire que si on n’a pas son slip porte-bonheur ou autre chose, on n’est plus capable de jouer… » En définitive, un dimanche de finale ressemblerait presque à un dimanche chez les grands-parents. Balade, sieste, jeux de cartes, musique, avec plus ou moins de réussite. « Au moment de la sieste, dès que je fermais les yeux, il y avait plein de choses qui tournaient dans ma tête. J’ai fini par me relever et je suis allé voir les gens qui jouaient aux cartes pour penser à autre chose » , rembobine Giresse. Et si Michel Hidalgo jure que la promenade est un passe-temps idéal pour « parler entre nous, s’aérer l’esprit, bien respirer, et prendre des forces » , Bruno Bellone est plutôt partisan du walkman : « La musique, c’est bien parce que votre esprit est ailleurs, il se laisse emporter loin. Il ne faut penser au match qu’une fois arrivé au stade ou dans le bus. » Plus facile à dire qu’à faire. Surtout quand, en 1984, comme en 1998 et en 2016, la finale jouée à domicile semble ajouter à la dramaturgie de l’instant. Bonne nouvelle, cela semble porter chance aux Bleus. Et tant pis pour Dugarry et son mépris des superstitions.
Par Aymeric Le Gall et Alexandre Doskov
Tous propos recueillis par ALG et AD