- Copa América 2015
- Finale
- Chili/Argentine
Dessine-moi une finale de Copa América
Depuis la première édition de 1916, la Copa América a changé de nombreuses fois de formules, et même de périodicité. Pour ne pas trop se compliquer la vie et pour essayer d'être sur un même mode de raisonnement, sofoot.com s'est contenté de s'intéresser aux finales de la Copa América depuis 1993 et l'édition équatorienne. 1993 marque un tournant, puisque la CONMEBOL adopte le format « européen » des compétitions avec plusieurs groupes et des phases finales. Dès lors, les finales ont donné lieu à de belles histoires.
1993, la der de l’Argentine
Tenante du titre, l’Argentine de Basile fait peine à voir. On se dit que seuls les réflexes de Goycochea peuvent lui permettre d’assurer le titre. La charnière Ruggeri-Vázquez est sur le carreau. En face, le Mexique – invité à participer pour la première fois à la Copa América avec les USA – fait grosse impression. Le sélectionneur Miguel Mejía Baron fait brillamment jouer son équipe, alors que celle-ci s’est enfilé cinq stades différents tout en jouant entre le niveau de la mer et 3000 mètres d’altitude. La finale oppose donc la solidité argentine à la virtuosité mexicaine. Sauf que le match ne décolle pas en première période. Il faut attendre le milieu de la seconde pour voir le match se décanter et la sève monter un peu. C’est forcément le moment de Batistuta. « J’allais demander le changement. Je n’en pouvais plus. Et puis il y eut cette passe en profondeur… » , raconte le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe d’Argentine à la fin du match. La balle en profondeur, donc. Derrière, le goleador de la Fiorentina trouve les ficelles de Campos à la suite d’une course de 40 mètres. Même si le Mexique va revenir au score cinq minutes plus tard sur penalty (Galindo), Batistuta est dans un grand jour. C’est le numéro 9 qui, sur une touche rapidement jouée, s’offre un doublé à un quart d’heure de la fin. L’Argentine l’emporte à l’orgueil. Mine de rien, l’Argentine est double championne d’Amsud. Sans briller. C’est surtout leur dernier titre à ce jour…
1995, l’esprit des Charruas
Avoir la garrua. Les Uruguayens n’ont que ce mot à la bouche avant la finale de 1995. La Garrua ? C’est la combativité propre à la Céleste. L’engagement. La motivation. Ça a toujours été l’ADN de cette équipe, malgré les talents de Francescoli, Recoba ou Suárez. Le mythe de la garra date de la finale de la Coupe du monde 1950 et le fameux « Maracanazo » . Ou quand le capitaine Obdulio Varela décide de geler la finale face au Brésil pendant de nombreuses minutes en conservant le ballon sous son bras pour contester un but adverse. Banco. Depuis, le feu sacré existe toujours. L’Uruguay a la garra. Pourquoi ce petit pays a-t-il cette force en lui ? Sans doute à cause de ses origines. Entre Montevideo et Rivera, on trouve Salsipuedes, « Sors si tu peux » en VF. C’est là que s’est livrée une bataille historique du pays qui a entraîné le génocide des Indiens charruas. Les Charruas savaient s’adapter à l’éco-système dans lequel ils évoluaient. Surtout, les Charruas étaient orgueilleux. Dans un pays tour à tour colonisé par les Portugais du Brésil et les Espagnol, les Charruas ont toujours été des combattants. Des symboles de résistants. Aujourd’hui, il ne reste plus rien des Charruas à part la combativité que l’on retrouve dans les équipes de Peñarol ou de Nacional. Alors quand cette équipe d’Uruguay se retrouve face aux champions du monde brésiliens en finale de l’édition 1995, la Céleste s’appuie sur son savoir-faire (abnégation, combativité, assise défensive), alors que le Brésil alterne entre la samba et le jeu au ralenti. Pourtant, le talent est là : Jorginho, Roberto Carlos, Aldaïr, Samba, Juninho, Savio. Surtout, le Brésil veut laver l’affront de la finale mondiale 1950. Finalement, cette finale sera pauvre et accrochée. Parfait pour voir l’Uruguay s’imposer aux tirs au but. Avec ce titre, son quatorzième, la Céleste devient le pays le plus titré d’Amérique du Sud. La finale ? Un combat permanent dans lequel le Brésil n’a jamais su répondre présent.
1997, le Brésil sur sa lancée
Édition qui se déroule en Bolivie. Est-il étonnant de retrouver l’équipe nationale bolivienne en finale à La Paz, à plus de 2500 mètres d’altitude, là où elle a gagné son seul titre en 1963 ? Pas vraiment. En face, c’est le Brésil de Ronaldo, Denilson, Leonardo, Cafu et compagnie. C’est déséquilibré d’avance sur le papier. Pourtant, c’est à La Paz que le Brésil a concédé, en 1993, la première défaite de son histoire en éliminatoires de Coupe du monde (0-2). Une Bolivie qui, avec l’altitude en renfort, compte sur ses stars « Platini » Sánchez et « El Diablo » Etcheverry pour s’offrir le titre à la maison. Cela dit, le Brésil de Zagallo commence à dérouler. « On a la meilleure attaque, on a la meilleure défense, on joue parfois de manière parfaite, comme contre le Paraguay. Malgré les fatigues qui s’accumulent, au plan du jeu, on a progressé par rapport au tournoi de France (disputé début juin, ndlr) » . Surtout que l’altitude est un faux débat pour les Brésiliens. « On s’en fait une montagne » , dit-on du côté des champions du monde 94. Mine de rien, il faudra quand même un coup de pouce du sort pour donner la victoire aux Brésiliens (3-1). Par trois fois, les Boliviens vont toucher du bois. Le Brésil va répondre par trois buts. C’est le premier titre de Ronaldo avec son équipe nationale. À un an du Mondial, tout le monde voit la bande à Zagallo championne du monde.
1999, le bal des débutants
Un nouvel Uruguay-Brésil en finale. Ce n’est jamais anodin. D’autant que la Céleste a déjà fait tomber le grand Brésil deux fois en finale. En 1950 au Mondial et en 1995 à la Copa América. Vice-champions du monde, les Brésiliens s’appuient sur la même ossature depuis deux ans. Et ça envoie du lourd entre Ronaldo, Rivaldo, Emerson, Ze Roberto and co. Face à eux, des mômes issus de la génération U20, les mêmes qui avaient éliminé la France du championnat du monde de la catégorie en Malaisie deux ans plus tôt. Coelho, Zalayeta ou encore le portier Carini, qui n’a jamais joué un match de D1 en club de sa vie. La marche est trop haute pour la Céleste. Le score est lourd : 3-0 (doublé de Rivaldo, Ronaldo). Pour la première fois de son histoire, le Brésil conserve une Copa América avec du jeu, des buts, du spectacle et une révélation : Rivaldo. Génial à Barcelone, le gaucher a toujours été décrié au pays. Cette fois, il a donné le titre à son pays.
2001, Maturana enfin !
Avant 2001, la Colombie n’avait jamais gagné la Copa América. Une deuxième place, au mieux, en 1975. C’est maigre. Alors la finale de 2001, à la maison, avait le parfum d’une obligation de réussite. Face au Mexique, les hommes de Maturana sont favoris, eux qui n’ont pas encaissé le moindre but en cinq matchs. Une solidité incarnée par le trio Oscar Córdoba, Ivan Córdoba et Mario Yepes. Rien d’étonnant à voir Ivan Córdoba planter le seul but du match pour donner à son équipe nationale le premier titre. 1-0, on ferme boutique. Ce n’est d’ailleurs que le deuxième trophée du football colombien après la Copa Libertadores du Nacional Medellin en 1989. Le triomphe à la maison s’est même fait dans la joie (35% de baisse des indices de criminalité dans l’épreuve). Dans la rue, là où le succès historique face à l’Argentine en 1993 (5-0) avait causé 103 morts, on s’est battu à coup de farine. Comme au carnaval. Les temps changent. Alors même si l’édition 2001 s’est jouée sans l’Argentine (qui a refusé de venir pour des raisons de sécurité) et avec un Brésil sorti en quarts de finale par le Honduras, la Colombie savoure sa victoire dans une finale qui ressemble à son parcours : solide et efficace.
2004-2007, les meilleurs ennemis du monde
Deux éditions avec la même finale : Brésil-Argentine. Ce que le continent fait de mieux. Sur la pelouse, des génies à la pelle : Tévez, Mascherano, Adriano, Zanetti, Sorín, Lucho González, Ayala, Messi, Veron, Riquelme… Mais voilà, par deux fois, c’est le Brésil qui aura le dernier mot. En 2004, l’Argentine de Marcelo Bielsa se prend les pieds dans le tapis des tirs au but (Gabriel Heinze ratant notamment le sien). Un match qui était pourtant sur le point de basculer du côté argentin après le deuxième but de César Delgado à la 86e. À ce moment, l’Argentine mène 2 à 1 et va faire n’importe quoi. Récupérant le ballon sur l’engagement brésilien, Tévez et d’Alessandro s’amusent à gagner du temps sur le poteau de corner. Les godasses sur le ballon, ils vont attendre chacun leur tour que les Brésiliens viennent chercher la gonfle. Mauvaise idée. « Lorsqu’on a vu les Argentins fanfaronner et nous provoquer, ça nous a piqués au vif, explique Alex, le capitaine de la Seleção après le match. Au fond de nous, on savait pourtant que l’on pouvait revenir au score, car nous avons, dans nos rangs, saint Adriano. » Moralité, Adriano égalise à la 92e et Maicon et Edu s’en vont chambrer le banc argentin. Le sort sera du côté brésilien durant les tirs au but. Le karma. Rebelote en 2007 alors que l’Argentine est encore la grande favorite de la finale. Sous Basile, l’équipe gaucho fait peur. « Ganar, gustar y golear » ( « Gagner, plaire et cartonner » ) est la devise préférée du public argentin et aussi celle du sélectionneur, dont l’équipe a produit le football le plus élégant et efficace de la compétition. Mais voilà, une finale, ça se gagne. Et cette fois, il n’y aura même pas de débat : 3-0. Le Brésil gère parfaitement son sujet pendant 90 minutes. Robinho éclipse Messi, et l’Argentine se rate alors qu’elle avait marché sur tout le monde durant le tournoi. Un Brésil qui s’était pourtant présenté sans Ronaldinho et Kaká (qui avaient officieusement boycotté la Copa América) et qui avait laissé Ronaldo à la maison. À cette époque, Dunga avait des idées.
2011, Luis Suárez garde la main
Pour certains, c’est la pire Copa América de l’histoire. En finale, on retrouve le Paraguay qui n’a pas gagné un match de la compétition (si, si) et l’Uruguay de Luis Suárez qui n’a pas digéré sa main salvatrice face au Ghana lors du Mondial 2010. L’Argentine et le Brésil ont sauté dès les quarts de finale. On marque peu et les talents individuels sont rares. Mais la finale a un intérêt certain : voir l’Uruguay gagner un 15e titre et dépasser l’Argentine au nombre de victoires. Ça sera chose faite : 3-0 avec un doublé de Forlán et un pion de Suárez. Une démonstration totale des hommes de Tabárez qui confirme que leur demi-finale mondiale de 2010 n’était pas un hasard.
Par Mathieu Faure