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Deschamps l’ovale
Impossible d'échapper à la case rugby quand on vient de Bayonne. Didier Deschamps le sait, lui qui a eu droit à sa dose de ballon ovale avant de filer jouer au football.
Didier Deschamps n’est pas du genre à abandonner son sérieux apparent. Et pourtant, coach DD n’a pas vraiment caché son plaisir. Pour leur premier stage de préparation depuis l’annonce de 23, il a emmené ses Bleus chez lui, au Pays basque. À Biarritz plus précisément, à moins de 10 bornes de Bayonne, sa ville natale. Sa conférence de presse de mercredi dernier sentait donc très fort le retour au pays : « Cela me fait très plaisir à titre personnel, car j’ai toute ma famille et mes attaches ici. L’équipe de France n’était pas encore venue au Pays basque.(…)Les gens font le maximum pour nous mettre dans les meilleures conditions. » Mais quand il était gosse, ses premières gouttes de sueur, Didier Deschamps ne les a pas versées sur les terrains de football. Comme tous les gamins du coin, c’est d’abord au rugby que la Desch’ a été testée. « La région est plus portée sur le ballon ovale » , confirmait-il dans la même conférence de presse, se souvenant probablement des quelques plaquages qu’il a dû encaisser jusqu’à sa reconversion dans le football à 12 ans, avant d’ajouter en blaguant : « Il n’y aura pas de ballon ovale prévu à l’entraînement. On ne sait jamais, avec les contacts. » Dommage pour les quelques milliers de spectateurs qui avaient rempli le stade Aguiléra pour observer l’équipe de France s’entraîner.
Bayonne au fond du cœur
Et si le club de rugby de sa ville, l’Aviron bayonnais, joue aujourd’hui en Pro D2, Didier Deschamps a connu certaines des heures de gloire des Blancs & Bleus. La victoire au challenge Yves du Manoir en 1980, ou la finale du championnat de France perdue en 1982 face à Agen au Parc des Princes. À l’époque, Didier Deschamps porte lui aussi le maillot de l’Aviron, mais celui de la section football. Pour le rugby, le clap de fin a sonné quelques années plus tôt, même s’il était l’un des enfants les plus grands de son école. « J’avais de l’avance, mais après j’ai arrêté. Les autres, ils ont tous grandi, moi j’ai arrêté ma croissance » , analyse-t-il sur France Bleu. Tant pis pour lui et son mètre 74. Mais Didier n’es pas rancunier, et n’oublie jamais de faire un coucou à ses Bayonnais, même quand Sud-Ouest lui demande en 2011 de choisir entre l’Aviron bayonnais et l’autre gros club du Pays basque, Biarritz : « Je ne vais pas me faire que des amis si je réponds à cette question ! Je regarde toujours ce que font les deux clubs basques. Historiquement, il y en a toujours un des deux qui domine l’autre. Sur le plan affectif, j’ai évidemment une préférence pour Bayonne, puisque j’ai porté les couleurs de l’Aviron Bayonnais. » Il faut dire qu’au moment de cette déclaration, le club se porte bien. Après avoir frôlé la relégation en 2010, l’AB est revenu avec de solides ambitions. Alain Afflelou est devenu vice-président, et Bernard Laporte vient d’arriver comme consultant du président Francis Salagoïty, même s’ils ne mettront que trois mois avant d’aller au clash et de faire voler leur alliance en éclats.
Un petit essai de temps en temps
Au vu de sa carrière de footballeur et d’entraîneur, personne même au Pays basque ne reprochera à Deschamps de ne pas avoir persévéré dans le rugby. De son côté, le sélectionneur avoue dans Sud-Ouest se faire un petit plaisir ovale de temps à autre : « Quand nous sommes au vert, entre un petit match de football et un bon match de rugby, je n’hésite pas une seconde. » Pascal Olmeta lui donnera l’occasion de le faire dans un cadre de luxe, puisque l’ancien gardien de l’OM, jamais avare d’une bonne idée, organise en juillet 2015 avec son association un match opposant les légendes de l’équipe de France aux rugbymen du RC Toulon. Une mi-temps football, une mi-temps rugby. Deux mois plus tard, Deschamps est interrogé par France Bleu sur le premier match de Coupe du monde du XV de France, face à l’Italie. L’occasion de ressortir les vieux tics de conférence de presse et d’en parler avec la même langue de bois que s’il parlait d’un match de ses Bleus à lui : « La vérité, ça sera ce soir contre l’Italie, qui est un adversaire qui n’est jamais facile à jouer. Mais bien commencer la compétition, ça donne le tempo. » L’art de ne pas se mouiller et de ne pas tirer sur l’ambulance Philippe Saint-André, déjà bien mal en point avant la débâcle du Mondial en Angleterre. Didier Deschamps s’est montré un peu plus séditieux au stage de Bayonne la semaine dernière, en osant égratigner les sacro-saintes valeurs de l’ovalie : « On a toujours eu tendance, et on le fait encore, à dire que le rugby, c’est les vraies valeurs… Mais il a quitté peu à peu son image de sport amateur. J’ai discuté avec pas mal de personnes que je connais. Avec la professionnalisation, il y a un peu les mêmes soucis à gérer, sur le terrain comme en dehors. » Guy Novès entendra-t-il l’avertissement de son collègue du ballon rond ?
Par Alexandre Doskov