- Ligue des nations
- Suède-France (0-1)
Deschamps, les métamorphoses du vide
Face à la Suède ce samedi (0-1), l'équipe de France n'a encore une fois quasiment rien proposé dans le jeu : sans idées, inoffensifs et en manque d'inspiration, les Bleus n'ont pas convaincu, et ce, malgré la victoire. Un douloureux résumé des derniers matchs dirigés par Didier Deschamps, toujours aussi flou quant à ses principes de jeu et dont les soubresauts tactiques ressemblent à des variations autour du vide.
D’accord, ce n’était qu’un match de reprise, qui plus est de Ligue des nations. D’accord aussi, certains de ces Bleus-là ne se sont pas entraînés depuis longtemps. D’accord enfin, cette équipe n’a pas joué ensemble depuis dix mois et un soir de novembre 2019 face à l’Albanie (0-2). Bref, les circonstances atténuantes et les preuves à décharge sont nombreuses ; reste que face à la Suède (0-1), au terme d’une partie où elle n’aura rien proposé à l’exception des broderies de Kylian Mbappé et des douze poumons de Kanté, l’équipe de France a illustré le drôle de paradoxe qui semble l’animer depuis le titre mondial : plus elle avance, moins elle sait comment jouer au football. Sans idées et sans véritable plan de jeu, les hommes de Didier Deschamps pédalent dans la semoule.
De l’épure à l’ascèse
Depuis l’arrivée de Didier Deschamps sur son banc, dire que l’équipe de France n’a jamais eu le jeu le plus léché des meilleures sélections internationales est un euphémisme, quand bien même elle a toujours disposé dans ses rangs d’une profusion de joueurs complémentaires. Cela étant, même si elle n’a jamais été flamboyante, elle disposait d’un plan de jeu relativement clair, de principes qui guidaient ses joueurs, au moins superficiellement et surtout après l’émergence de Mbappé : une équipe solide et compacte, devenue maîtresse dans la gestion du rythme, des temps forts et des temps faibles, notamment grâce à la vistaet au génie tactique de Griezmann ou de Pogba, dont l’animation offensive repose principalement sur les transitions rapides vers l’avant grâce à la vitesse de Mbappé et un point de fixation haut sur le terrain en la présence de Giroud.
À la Coupe du monde 2018, cette stratégie triviale, mais efficace avait porté ses fruits. Mais depuis, le sens de l’épure et du dépouillement de Deschamps s’est transformé en ode à l’ascèse et à l’austérité : autrement dit, la simplicité s’est muée en désert. De fait, le sélectionneur français n’a pas que peiné à renouveler son vivier de joueurs, il a aussi pour l’instant échoué à donner un nouveau souffle à son équipe. Pire, celle-ci ne s’en remet plus qu’à un texte sclérosé qu’elle a d’ailleurs partiellement oublié, un peu comme s’il ne restait plus qu’un mot sur deux. En l’espèce, tout dépend désormais d’une accélération de Mbappé, d’une inspiration de Griezmann, d’une tête de Varane ou d’un but de raccroc de Giroud. Bref, de pas grand-chose.
Tours de passe-passe et coups de billard
Pourtant, on pourrait presque croire que Didier Deschamps a tenté en optant pour le 3-4-1-2 face à l’Albanie en novembre 2019 (0-2) et ce samedi face à la Suède (0-1), qui permet de placer Griezmann au cœur du jeu et Mbappé dans une position préférentielle. Mais le problème fondamental qui s’offre à tout technicien est moins de dire aux joueurs où se placer que de leur indiquer quoi faire, ce qui est complètement différent. Pour l’heure, la France pèche encore et elle l’a montré face à la Suède, face à qui le tour de passe-passe de la défense à trois s’est révélé une illusion d’optique. Les carences de cette équipe qui ne sait pas quoi faire du cuir sont ressorties : Giroud n’a pas servi à grand-chose, car les latéraux ont peiné à le trouver dans la surface, le tandem du milieu, en manque de repères, n’est pas parvenu à assurer un liant entre la défense et l’attaque, si bien (ou si mal) que les attaquants n’ont jamais été trouvés dans de bonnes conditions. Dans moins d’un an, ces Bleus seront à l’Euro, et ils restent bien sûr des candidats plus que sérieux à la victoire finale : mais d’ici là, des réponses, même simples, restent à trouver, car face aux plus belles équipes du continent, un coup de billard pourrait ne plus suffire.
Par Valentin Lutz