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Deschamps, le combo du chef

Par Maxime Brigand, au stade Loujniki
4 minutes
Deschamps, le combo du chef

Vingt ans après son sacre dans la peau d’un capitaine en 1998, Didier Deschamps est devenu dimanche soir le troisième homme de l’histoire à remporter également la Coupe du monde en tant qu’entraîneur. Immense.

Didier Deschamps titube : un sélectionneur champion du monde comme ce vieil oncle rigolo paumé sur la piste d’un mariage. La veste de costume est trempée, le câlin d’Emmanuel Macron n’y change rien et il ne faut pas compter sur Vladimir Poutine pour filer à la bande un bout de son parapluie. Mais Deschamps s’en cogne pas mal et il en redemande : avant de monter sur le podium installé au milieu de la pluie moscovite dimanche soir, le coach des Bleus a été balancé dans les airs par son groupe, et Lucas Hernandez aura même profité de l’occasion pour lui envoyer de l’eau en pleine tronche. Puis, le Bayonnais a ensuite fait un pas de côté, confirmant par le geste ses mots de la veille : « Quand on est joueur, on est acteur, c’est la grande différence. Quand on est sélectionneur, on vit à travers les joueurs. Le match leur appartient. »

Et le foot avec, c’est l’idée : à ses yeux, il est inutilisable. Peut-être parce que Didier Deschamps sait parfaitement que tout ça est fragile, mais laissons-le faire, non ? Ce type de 51 ans est intouchable : on le savait, ce 15 juillet 2018 n’en aura été que la validation. Avant la demi-finale contre la Belgique, il avait été invité à s’aventurer sur le sujet : « Je n’ai pas à me plaindre d’être souvent au bon endroit au bon moment. Mais bon, avoir de la chance, ça peut arriver une fois, il y a aussi beaucoup de travail de fait. » Ce serait oublier qu’entre les succès, il a aussi perdu. À Gelsenkirchen, en 2004. À Paris, en 2016. Mais dimanche soir, à Moscou, Didier Deschamps a gagné et est entré dans une pièce pour s’asseoir aux côtés de Mario Zagallo et Franz Beckenbauer, deux mecs qui connaissent deux-trois choses en football : celle qui abrite les VIP qui ont réussi à remporter la Coupe du monde en tant que joueur et en tant qu’entraîneur.

Droit dans ses pompes

Tout ça est immense, évidemment, et il fallait voir le sélectionneur des Bleus agiter un petit drapeau tricolore au moment où ses joueurs soulevaient le trophée pour être attrapé : mais de quoi est-il fait ? De gagne, un concept qu’il ne cesse de pousser à l’extrême et qui aura été le seul fil conducteur de sa campagne russe. Il n’y a pas de « chatte » , juste de l’adaptation : dans une année civile sans compétition, Didier Deschamps dispose d’une poignée misérable d’entraînements collectifs, doit s’adapter en permanence aux aléas physiques et psychologiques de joueurs qui viennent de cultures tactiques diverses. Alors, il construit son château par touches, laisse ceux qui évoquent les histoires de style parler entre eux et avance. Droit dans ses pompes, tout en réussissant à faire entrer son discours dans la tête des mecs qui l’entourent. Griezmann, en conférence de presse vendredi : « Si j’ai l’étoile, je m’en fous du jeu. » En Russie, les Bleus n’auront pas toujours brillé, mais ils ont toujours gagné (six fois sur sept), souvent à la hargne (Belgique, Uruguay) et Deschamps a vu une équipe se trouver en cours de route pour ne plus se lâcher la main.

Le bon, le but et le mordant

On l’aura ainsi vu parler en permanence (en conférence de presse de match uniquement, les autres apparitions de la semaine appartenant elles aussi aux joueurs) de « l’état d’esprit » , racontant au monde son regret de « ne pas pouvoir aligner les 23 joueurs » et un moment revient en tête : après la Belgique, Deschamps avait retrouvé ses dents. Résultat, il a pu se remettre à mordre, notamment un journaliste : « Tu vas encore me redemander si j’ai réussi ma Coupe du monde ? » Oui, il l’a réussie et l’a même gagnée avec 39% de possession et quatre buts inscrits en finale. Tout ça est sa victoire, celle d’un homme qui maîtrise les contours du sport de haut niveau comme personne et qui a soulevé la première Coupe du monde de l’histoire de son pays, il y a vingt ans. Le voilà avec une deuxième étoile entre les doigts et une veste foutue. Mais ça aussi, il s’en cogne : il est revenu sur le toit du monde.

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