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Deschamps, la tête à la défriche
Pour une nouvelle tournée internationale - le Final Four de la Ligue des nations à Turin et Milan les 7 et 10 octobre prochains -, Didier Deschamps a tranché dans le vif : Giroud reste à l'écart, Mandanda cloué sur le banc marseillais, les bizuths aperçus après l'Euro sont reconduits. De là à voir un nouveau noyau se former ? Pas si vite.
C’est pareil dans toutes les familles, et l’arbre généalogique de l’équipe de France ne fait pas exception. Quand bourgeonne une jeune pousse, c’est une vieille branche qui tombe. Certains appellent ça le cycle de la vie. Didier Deschamps, lui, appelle ça « faire le boulot ». Alors, quand il débarque dans l’auditorium parisien de la FFF pour annoncer sa nouvelle liste, le chef élague, taille, tranche, alternant subtilement le sécateur et la tronçonneuse. Sans jamais trahir aucune émotion. Dans cet écosystème particulier, ce sont notamment Steve Mandanda, racine épaisse de ce groupe, et Olivier Giroud, branche importante déjà fissurée le mois passé, qui ont craqué ce jeudi. Le premier, 36 ans et nouveau remplaçant à l’OM, est remisé dans le grenier avec peu de ménagement, en dépit de ses états de service. « Je fais des choix sportifs, s’est justifié le chef. Steve est un habitué de l’équipe de France, mais avec sa situation actuelle à Marseille, j’ai pris cette décision. » À la place d’El Fenomeno, c’est le jeunot Benoît Costil, 34 piges et 35 convocations, qui a été rappelé dans la grande maison bleue pour tenir le poste de numéro 3.
Même topo pour Olivier Giroud. L’attaquant du Milan, 35 balais ce 30 septembre, avait déjà ramassé sa volée de bois vert fin août, « surpris » de « ne pas avoir été mis au courant avant » sa mise à l’écart. Cette fois, les explications du coach ont été encore plus lapidaires : « Je ne vais pas expliquer plus que je ne l’ai fait. » Et c’est donc Anthony Martial, 190 minutes de jeu cette saison à Manchester United, qui se voit de nouveau confier la place d’attaquant de pointe en sélection. Olive, Steve : deux nouveaux champions du monde (trois si on y ajoute Thomas Lemar) qui font les frais lors de ce rassemblement du temps qui passe, et de la sève qui les conduira un jour définitivement à l’état de charbon.
Frère d’arbres
C’est donc avec un terreau « oxygéné » que Didier Deschamps compte écrire la suite. La semaine prochaine, c’est en Italie que la France tentera de remporter sa première Ligue des nations. En dépit du manque de prestige d’une compétition encore fraîche, « il y a un titre en jeu » et une demi-finale contre la Belgique, « une des meilleures si ce n’est la meilleure des sélections mondiales ». Tout ce qu’il faut. Pour Didier Deschamps, il n’est plus question de ressasser ni d’effacer « ce qu’il s’est passé » lors des précédentes campagnes. Autour du carré Lloris, Varane, Pogba et Griezmann (Kanté aurait pu en être, sans cette foutue Covid), la génération vice-championne d’Europe, championne du monde et huitième-de-finaliste du dernier Euro a toujours voix au chapitre. De l’autre côté de la chaîne, en revanche, il y a embouteillage.
Des profils comme Eduardo Camavinga (appelé chez les Espoirs), Christopher Nkunku ou encore Jonathan Clauss y sont restés coincés. « Vous avez vos préférences, vos petits chouchous, renvoie Deschamps aux journalistes qui lui avancent des noms. Avec le staff, on échange régulièrement avec certains, on est attentifs sur plusieurs joueurs, mais ce n’est pas tout de regarder les performances en club, il y a des paliers à franchir. » Chose qu’ont su faire Moussa Diaby, Jordan Veretout, Aurélien Tchouaméni et Theo Hernandez, petits nouveaux de la rentrée dernière confirmés dans leur statut d’international A, tout comme Jules Koundé, Mattéo Guendouzi et Dayot Upamecano, remis en jeu. Lundi après-midi, tout ce petit monde se retrouvera sur le perron du château de Clairefontaine, échangera checks et petites vannes bien senties. Mais le moment pourra être encore plus spécial pour deux d’entre eux : Theo et Lucas Hernandez, frangins réunis pour la première fois en sélection. « C’est la première fois que je la vis, cette situation, avoue Didier Deschamps. La dernière fois, c’était les frères Revelli, j’étais très petit. Ils ont ce lien familial, mais j’aurai affaire à deux joueurs plus qu’à deux frères. » Comprendre : qu’ils ne s’attachent pas trop, parce que dans cette forêt de joueurs, un lien, aussi fort soit-il, peut être coupé bien plus vite qu’il s’est noué.
Par Mathieu Rollinger, au siège de la FFF