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Deschamps et les Bleus : le remake de son mandat à l’OM
Le parcours de l'équipe de France à l'Euro, interprété de manière bien différente par les pro et les anti Deschamps, n'est pas sans rappeler l'OM lorsque l'ancien milieu de terrain y était revenu en tant qu'entraîneur.
L’équipe de France vient de passer le premier tour de l’Euro 2016 en tête de son groupe. Une première place qui devrait derrière laisser place à une belle autoroute jusqu’aux demies. Il ne devrait pas y avoir de premier de poule jusque-là, ça ne sera pas le cas de tout le monde. De quoi se dire qu’il y a une chance unique de se préparer pour gagner à la maison un troisième Euro ? Absolument pas. L’heure est au débat, à la défiance, même pour certains à la bouderie pour cette équipe dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Les supporters de l’OM eux ne sont pas dépaysés. S’ils ne sont pas naturellement portés sur la cause nationale, ils revivent avec cette compétition ce qu’ils ont vécu dans leur club il y a quelques saisons avec LE dénominateur commun : Didier Deschamps.
Sissoko est-il le Kaboré de Marseille ?
Car cette équipe de France 2016 a beaucoup de points communs avec l’OM de 2010 de la Dèche. Même statut de favori, même sensation de solidité et d’excès de prudence pendant les matchs et surtout même atmosphère un peu malsaine autour, avec de nombreuses personnes qui attendent patiemment dans l’ombre que les affaires se gâtent pour sortir du bois et dire tout le mal qu’ils pensent du Basque. Le sélectionneur le sait depuis longtemps. Il en a même une trace écrite, puisqu’il y a trois ans, alors que son équipe avait perdu le barrage aller contre l’Ukraine, un livre La face cachée de Didier Deschamps sortait en librairie. La promo n’a tenu que quelques jours, le temps du 3-0 au retour, de la naissance d’un groupe et de la mascotte Mamadou Sakho. Mais Deschamps en a sûrement toujours un exemplaire chez lui. À l’intérieur, on retrouve les témoignages de certains copains marseillais, comme José Anigo ou Jean-Claude Dassier, qui en ont remis une couche ces dernières semaines. Les reproches sont un peu les mêmes que lors de son passage sur le banc phocéen : à vouloir tout contrôler, à couper toutes les têtes qui dépassent, Deschamps aurait créé une équipe sans caractère et sans panache.
À nouveau, ceux qui réclamaient à cor et à cri « DD la gagne » pour garnir l’armoire à trophées ou connaître les frissons du dernier carré découvrent au moment de regarder les matchs qu’il y a une contrepartie : on se fait plus chier devant sa télé, par rapport à l’équipe de Gerets ou par rapport à ce que pourrait être la sélection avec le joueur frisson Ben Arfa. On se surprend même à élire comme chouchou le bon soldat qui n’impose en fait rien d’autre que sa supériorité physique : Charles Kaboré hier, Moussa Sissoko aujourd’hui. Mais le parallèle tient encore plus quand on se réfère à la manière de gérer le groupe. Comme avec Benzema, il avait écarté à l’OM un joueur qu’il appréciait pourtant, sur volonté présidentielle : André Ayew, qui avait en 2009 le tort d’avoir comme parrain Pape Diouf.
DD va-t-il dépasser Raymond ?
Mais il a surtout donné les clés à Pogba comme il les avait données à Lucho : en lui balançant le trousseau. Le numéro 8 argentin était l’élu pour DD. Mais ça a pris du temps, car Deschamps voulait que ce soit le groupe qui l’adoube. Il fait la même chose avec Pogba. Il n’a pas eu besoin de le payer 20 millions, mais il a cassé son équipe il y a trois ans pour lui faire un 4-3-3 sur mesure, avec une sentinelle juste derrière et un Matuidi pour courir partout autour. En revanche, il ne se risquera pas à l’imposer comme unique chef d’orchestre à son équipe, de peur que ça lui retombe après sur la gueule. Les risques, Didier Deschamps évite. Ce qui lui permet de durer à l’OM, où il détient le record de l’entraîneur resté le plus longtemps en poste, comme en équipe de France où il pourrait égaler le nombre d’années du mandat Domenech, si DD part pour l’aventure Mondial 2018. Du coup, s’il y a un conseil à donner aux supporters de l’équipe de France frustrés actuellement, c’est de bien regarder deux choses. Tout d’abord ceux qui sifflaient Deschamps au Vélodrome en 2012 et qui le nient après quatre années sans titres, rejetant aujourd’hui la faute sur les seuls responsables des groupes de supporters. Et ensuite leur veste : ça ne sera vraiment pas du luxe qu’elle soit réversible.
Par Romain Canuti