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Deschamps, c’est l’histoire d’un mec
Tout le monde parle de sa « chatte » légendaire ou de sa dentition fêlée. Reste qu’une fois encore, Didier Deschamps a gagné et s’offre maintenant le droit de décrocher avec sa troupe le troisième championnat d’Europe de l’histoire du foot français. Alors, peut-on vraiment parler de Didier La Chance ?
Le moment est rare. Assez pour être souligné. Au fil des quarante-sept premières années de sa vie, Didier Deschamps a toujours été le même. C’est un rassembleur, un homme et un entraîneur qui communique beaucoup avec ses joueurs et dont la vie n’est animée que par un objectif intime : la victoire. « Si demain il joue aux boules, il voudra gagner. Si vous commencez avec lui une partie de cartes, c’est pareil. Et comme par hasard, partout où il passe, il gagne » , nous expliquait il y a quelques semaines son ancien coach à l’OM et à Bordeaux, Gérard Gili. Oui, il a toujours gagné, partout, tout le temps : en Ligue des champions, à l’Euro, à une Coupe du monde et sur différentes scènes nationales. Debout derrière sa ligne, la gueule ouverte au milieu du terrain sous son maillot. Certains parlent « d’une bonne étoile » , d’autres plus vulgairement de la « chatte » à DD. Contre l’Allemagne, en demi-finales de son Euro, cela s’est traduit par une main baladeuse de Bastian Schweinsteiger ou encore une blessure du meilleur joueur allemand depuis le début de la compétition, Jérôme Boateng. Le tout associé à la suspension de Mats Hummels et à la cuisse de Sami Khedira. D’ordinaire, le sélectionneur français ne parle que de ses joueurs et refuse les questions entourant sa propre personne. Sauf qu’une telle bousculade de l’histoire mérite bien de prendre des libertés : « Le destin, c’est le destin, on peut l’influencer, mais chacun a le sien. J’ai eu le mien en tant que joueur, je n’ai pas eu à me plaindre, et en tant que sélectionneur, j’ai beaucoup de fierté. C’est surtout pour les joueurs. Ce maillot de l’équipe de France, c’est la chose la plus belle chose qui me soit arrivée, et pour tous les joueurs, il n’y a rien qui peut être au-dessus. Cela n’a pas toujours été le cas, mais ils en ont pris conscience. »
« À ce niveau, la chance, ça n’existe pas »
Le vocabulaire au lendemain de la qualification historique de l’équipe de France pour la finale de son championnat d’Europe n’a pourtant pas vraiment changé. On parle toujours de « Didier La Chance » . Qu’on se le dise tout de suite : ceci est une belle connerie, car si Deschamps possède cette fameuse chance, c’est qu’il la provoque, et ce, malgré les nombreux événements favorables qui ont toujours accompagné sa carrière. Gili explique notamment « qu’à ce niveau, la chance n’existe pas. C’est simplement sa rigueur qui paye » . Steve Mandanda, lui, tire dans le même sens : « J’ai entendu des « Didier-la-Chance », mais il n’a qu’une partie infime de réussite. Dans la préparation, dans l’analyse, il n’y a aucun hasard. » Car Deschamps est avant tout un amoureux de la gestion humaine, de la psychologie, mais aussi de la préparation avec une maîtrise devenue parfaite de la communication au point de dessiner, souvent, des conférences de presse sans surprise. Aujourd’hui et cela a finalement toujours été plus ou moins le cas, Didier Deschamps jouit d’une cote de popularité record. Il sait pourtant son poste précaire, critiqué et faire l’unanimité autour de lui est un exploit en soi. DD est maintenant en finale de l’Euro, peut afficher ses demi-dents avec fierté et laisse l’histoire s’écrire avec lui dans une compétition où ses initiatives tactiques auront pourtant alerté par moment.
Du « raciste » au héros
Rappelons-nous pourtant cette préparation terrible. Boxé pour certains de ses choix (Ben Arfa), accusé de ne pas avoir sélectionné Karim Benzema en ayant cédé « à une partie raciste de la France » , Didier Deschamps a dû se battre contre les vagues entourant la fonction au point de voir sa maison être taguée avec le mot « raciste » . Peu importe, il a traversé la compétition détendu, sûr de son fait, tout en s’adaptant aux événements et poussant même certains adversaires à s’adapter face à ses idées comme l’Allemagne. C’est un signe fort et positif. Plus encore, Didier Deschamps a réussi à unifier de nouveau le pays avec sa sélection nationale au fil de ses succès dans un tableau « facile » jusqu’en demi-finales. Le voilà donc une nouvelle fois en haut de l’affiche, en pleine lumière, prêt à voir Hugo Lloris lui succéder dans les tribunes de Saint-Denis dimanche soir. « Napoléon disait que pour gagner des batailles, il faut de bons soldats et de la chance. Didier en a toujours eu, je me demande d’ailleurs si quand il est né, il n’est pas tombé dans un bénitier. » Platini avait finalement raison. Comme quoi.
Par Maxime Brigand