- CAN 2012
- Finale
- Zambie/Cote d'Ivoire
Des Eléphants dans un magasin de porcelaine
Le regard que la postérité posera sur la génération dorée des Eléphants ivoiriens dépend en partie de la finale de ce soir (20h) contre la Zambie. Victorieux, les hommes de Zahoui rabibocheraient tout un peuple avec son destin national. Défaits…
Deux équipes parées d’orange en finale de la CAN, ça évoque nécessairement les Pays-Bas, seul pays à avoir perdu trois finales de coupes du monde. Cela renvoie également au Pays-Bas/Italie, demi-finale de l’Euro 2000, deux équipes « spécialistes » des défaites aux tirs au but (trois d‘affilée chacune dans les 90’s). La Zambie et la Côte d’Ivoire ont joué deux finales de coupe d’Afrique des nations. Les Chipolopolo en ont perdu deux (1974, 94), les Eléphants d’Otokoré ont arraché la première aux Ghanéens de Lamptey dans la moiteur de Dakar, dans une série de pénos à rallonge (0-0, 11-10 tab), il y a tout juste vingt ans ; ils ont été défaits au Caïre de la même façon en 2006 contre les Pharaons (0-0, 2-4 tab), alors qu’on leur promettait de régner sur le continent. Les éliminations lors des éditions suivantes (1/2 finale 2008 contre l’Egypte (1-4) puis contre l’Algérie (2-3 ap) en ¼ de finale en Angola) ainsi que les sorties de route lors des Mondiaux 2006 et 2010 – même si à chaque fois, les Ivoiriens sont tombés dans le pire groupe qui soit – ont instillé le doute dans l’esprit des Eléphants.
Et le doute, Didier Drogba (34 ans dans un mois) commence à bien le cerner. De la défaite contre Valence (0-2) en coupe de l’UEFA avec l’OM en 2004 jusqu’au revers en finale de la Champions 2008 avec Chelsea aux…tirs au but contre Manchester United en passant par la CAN 2006, l’attaquant des Blues n’a – pour l’instant – aucun trophée international à son palmarès. Depuis le stage à Abu Dhabi en janvier (victoires sur la Tunisie et la Libye), le capitaine incite ses troupes à la prudence et à faire profil bas. De la victoire inaugurale au forceps contre le Soudan (1-0 ; DD de la tête), il y a tout juste trois semaines, jusqu’à la seconde mi-temps, tout en contrôle, contre le Mali (1-0) mercredi en demi-finale, les hommes de François Zahoui n’ont pas dévié de leur ligne de conduite. Tout le monde défend (surtout le quatuor de devant, pas un but de pris en cinq matchs), on remonte le terrain à base de passes courtes (on évite ainsi les longs ballons à destination de la tête de l’ex-avant-centre de Guingamp, une constante des éditions précédentes) et on évite les fioritures fatales. Bref, on joue juste afin de marquer l’histoire. « Nous avons beaucoup de joueurs d’expérience qui peuvent marquer à tout moment. Au pays, les Ivoiriens prient beaucoup pour nous. Nous avons leur bénédiction et nous n’allons pas les décevoir » déclarait hier le sélectionneur des Orange, en guise d’injonction céleste, en conférence de presse. Les Eléphants se sont retranchés dans leur hôtel, leur tour d’ivoire, depuis le début du tournoi, au contraire des Zambiens, concentrés sur l’objectif. Gagner la CAN ou rien.
« L’équipe nationale a toujours été un facteur de rassemblement et de cohésion social. Une victoire ferait du bien à tout le pays dont nous sommes les ambassadeurs. L’unité du pays prendrait tout son sens, moins d’un an après la guerre civile » plaidait Kolo Touré avant le tournoi. Comme les Chipolopolo joueront pour honorer les morts de 1993, disparus au large des côtes gabonaises, en se rendant au Sénégal, pour les éliminatoires de la coupe du monde 94, il y aura forcément un peuple dévasté au coup de sifflet final, entre 22 et 23 heures ce soir. Pareil pour les deux entraîneurs, qui jouent le match le plus important de leur carrière, et leurs gourous français : François Zahoui (à Nancy entre 84 et 87) et Hervé Renard (à Cannes en 83/84 où l’Alsacien était l’adjoint de Jean-Marc Guillou, l’homme qui a formé une bonne partie des Eléphants à Sol Béni, Abidjan) ont été entraîné par Arsène Wenger. Choix cornélien en perspective…
Par Rico Rizzitelli