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Des cartons rouges, mais pas d’exclusion pour Emmanuel Macron
Attendu de pied ferme par l'intersyndicale, Emmanuel Macron s'est fait discret, samedi, au Stade de France. Cette fois, pas d'accolade et de mots doux sur le terrain, comme l'an passé avec Christophe Galtier. La grogne a cependant eu du mal à se faire entendre à l'intérieur du stade, plus à l'heure de la fête que de la colère.
Si le Stade de France s’est mis au jaune et au violet samedi, ses abords étaient aussi teintés de rouge. Trois heures avant le coup d’envoi, sur la ligne 13 du métro, un guitariste annonce la couleur sur le quai de la station Saint-Denis-Porte de Paris en grattant les « Macron démission ». Dans le couloir d’à côté, supporters nantais et toulousains se répondent en chanson, avant que des militants de l’intersyndicale de Seine-Saint-Denis leur proposent cartons rouges et sifflets. Le condensé d’une soirée où la fête et la colère se sont côtoyées, un temps, avant que la première ne s’impose totalement.
De nombreux supporteurs de #nantestoulouse prennent avec joie les cartons rouges et sifflets distribués par les syndicats CGT Sud et FSU de Saint Densi pic.twitter.com/fHMlp1f8X0
— Révolution Permanente (@RevPermanente) April 29, 2023
Antijeu, caleçon et cartons
L’adoption récente de la réforme des retraites est encore dans un certain nombre de têtes, et la venue d’Emmanuel Macron au Stade de France était une occasion pour les opposants de « sanctionner » le président de la République. « L’antijeu, c’est abuser des règles pour pourrir un match, manquer de fair-play. On peut dire que le président Macron, avec ce passage au 49.3, a fait preuve d’antijeu démocratique », imageait Kamel Brahmi, secrétaire départemental de la CGT, pour justifier l’action de l’intersyndicale sur BFMTV. 10 000 sifflets et 30 000 cartons rouges ont donc été distribués à la sortie des lignes de métro et de RER desservant l’enceinte dionysienne, juste après la suspension de l’arrêté préfectoral qui interdisait les rassemblements dans le secteur. « C’est symbolique. Il faut lever le carton rouge pour qu’on montre notre mécontentement », confie Julien, supporter toulousain venu avec ses amis. « Beaucoup de gens sont réceptifs, souligne Aurélie, gilet CGT sur le dos. J’avais un gros stock de sifflets et de cartons rouges, je n’en ai plus un seul. J’ai tout distribué. » Cyril, venu de Nantes, n’a pu récupérer qu’un carton : « Sinon, j’aurais aussi pris un sifflet. Ça me paraît important de manifester aussi à cette occasion. Le président sera là, il va le voir. Les gens ne sont pas contents, il impose une loi d’une façon unilatérale, ça n’a pas été voté par l’Assemblée. Ce qu’il fait n’est pas normal, c’est une honte pour la démocratie. On va profiter de cette occasion pour lever le carton rouge, j’espère qu’il entendra. »
« Je vais le mettre dans le caleçon ou dans la chaussure, et ça va passer », sourit Thomas, sifflet autour du cou. « Dans la poche, c’est bon », rassure une militante concernant les contrôles de sécurité, en soulignant que « le sifflet ne fait pas le même bruit que celui de l’arbitre ». Les slogans « Pas de joueurs de 64 ans sur le terrain » et « Victoire à la 49e minute » accompagnent l’arrivée des supporters, pas toujours réceptifs. « Je l’ai pris parce qu’on me l’a donné, mais je m’en fous, admet Anthony, maillot floqué Moldovan. Je suis là pour le football. Le reste, on verra plus tard. On supporte notre équipe. La réforme, franchement, ça ne m’intéresse pas du tout. » Tout s’est globalement passé dans le calme à la sortie de cette ligne 13, malgré un petit moment de tension survenu avec l’arrachage d’un drapeau militant par un supporter nantais.
49 minutes et 3 secondes… quelques sifflets mais c'est léger ! Le football a repris le dessus et puis le public est un peu amorphe et choqué après cette première période. Sans parler du froid dionysien 🫥 @Sport24Team #CoupeDeFrance #FCNTFC pic.twitter.com/8OIdgTqZfi
— Tom (@Tom_Gagniare) April 29, 2023
« Le sifflet, il n’y en a qu’un, c’est celui de l’arbitre »
Le matériel a tranquillement passé le premier rideau des fouilles. Beaucoup moins le second, aux portes d’entrée du stade. « Le sifflet, il n’y en a qu’un, c’est celui de l’arbitre », justifie un membre du personnel de sécurité, chargé de superviser les contrôles porte U. Les cartons sont en revanche autorisés, assure-t-il. Pas de manière systématique néanmoins, certains ayant été confisqués à d’autres entrées. Comme prévu, Emmanuel Macron s’est fait très discret tout au long de la soirée. Pas de présentation des joueurs sur la pelouse comme l’an passé, ce qui avait occasionné une accolade très discutée avec Christophe Galtier. Le président de la République est resté dans les entrailles du stade pour saluer les deux équipes, sans s’exposer aux huées.
« Il a peur d’être hué par des dizaines de milliers de personnes, commente Laurent, supporter nantais, sur le chemin du stade avec son petit garçon. C’est pour garder la face, ça risque de plomber encore plus son image. Je ne sais pas si c’est une victoire, mais il faut marquer le coup, montrer que même si c’est voté, on n’accepte pas. » Attendus à l’affichage de 49 minutes et 3 secondes au chronomètre, les sifflets ont finalement été plutôt timides. Le locataire de l’Élysée est aussi passé à travers les gouttes pendant le protocole de remise des médailles, puisqu’aucune séquence où il apparaissait n’a été diffusée sur les écrans géants. De cette soirée, on retiendra finalement autre chose : le superbe tifo du virage toulousain – le plus cher de l’histoire des NVDRS ; le We are the champions habituel au moment de la deuxième levée du trophée, la « vraie », face aux supporters violets ; les multiples « Qui ne saute pas n’est pas toulousain » ; la vague jaune, encore à la hauteur, contrairement à ses joueurs. Le football a (re)pris le dessus, avec tout ce qui fait sa beauté : de la ferveur, de la chaleur et du cœur. Tout ce qu’Emmanuel Macron, ce samedi, n’a pu vivre que par procuration.
Par Quentin Ballue, avec Anna Carreau et Thomas Morlec, au Stade de France
Tous propos recueillis par QB, AEC et TM sauf mention.