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Des barrages à forcer
En disputant trois matchs (dont deux à l’extérieur) en moins de dix jours, le RC Lens est arrivé complètement carbonisé à l’épreuve finale de sa session de barrages et ne reverra pas la Ligue 1 l’an prochain. La faute à un système tortueux qui prive l’élite du football français d’un club dont elle a pourtant grand besoin.
Il est vrai que depuis le début de cette campagne de barrages, nombreux sont celles et ceux qui se sont enflammés à l’idée de revoir le RC Lens en première division, quatre ans après que ce dernier a été envoyé au purgatoire. Pas facile à encaisser pour Dijon, qui commençait son barrage-descente avec la désagréable impression que toute la France du football voulait se débarrasser de sa présence. D’un côté, une relégation du club costalorien aurait fait les affaires des supporters auxerrois et lillois, lesquels auraient goûté au plaisir de rejouer deux derbys la saison prochaine (à condition évidemment qu’un arrêté préfectoral ne vienne pas se mettre en travers du chemin des supporters visiteurs).
Sauf que voilà, le DFCO s’est finalement maintenu, dans une indifférence quasi générale, certes, mais qui vient consolider la théorie selon laquelle ce système de barrages institué la saison dernière est avant tout voué à protéger les clubs de l’élite d’une rétrogradation à l’échelon inférieur qui serait bien fâcheuse. Surtout si elle venait à promouvoir dans le même temps un « petit club » , dont la belle histoire ne ferait plaisir qu’à un public réduit et – horreur ! – viendrait faire baisser le niveau du championnat.
Bollaert contemporain
Mais Lens n’est pas un petit club, c’est un pilier historique de la première division française. Cela, personne ne peut le contester. Et à une heure où la Ligue 1 est moquée pour son supposé manque d’attractivité, quitte à parfois oser des comparaisons dénuées de toute remise en contexte – et qui frôlent parfois le ridicule – avec les autres championnats majeurs européens, dieu sait qu’un retour du public lensois au sommet du football hexagonal serait venu renforcer la ferveur instaurée chaque week-end par les tribunes stéphanoise, parisienne, rennaise, marseillaise, nantaise ou encore monégasque (les jours de match à l’extérieur).
Car ce n’est pas un hasard si les supporters Sang et Or sont les seuls représentants français du Top 20 des meilleures affluences de deuxièmes divisions européennes. On l’a d’ailleurs vu lors des quatre matchs de barrages disputés par le Racing : 10 000 présents au Paris FC, 3500 à Troyes, 600 à Dijon… À chaque fois, le contingent de billets alloué aux supporters nordistes a trouvé preneur. Quant au seul match disputé à Bollaert lors de cette campagne, il s’est déroulé à guichets fermés et au rythme de chants qui donnaient des frissons.
À quoi bon ?
Certes, rien à redire sur l’animation du stade Gaston-Gérard ce dimanche soir. Mais force est de constater que l’engouement de ce barrage retour tenait plutôt de l’exception que de la norme. Bien entendu, inutile de comparer un club centenaire avec une équipe dont il sortirait encore du lait si on lui pinçait le nez. Sur le terrain, Dijon a mérité son maintien, car celui-ci a été acquis à la loyale. Sauf qu’on ne peut s’empêcher d’avoir quelques aigreurs d’estomac à l’heure où cette saison 2018-2019 tire officiellement sa révérence, supporter lensois ou pas. Que des barrages soient instaurés pour entretenir le suspense et garantir au minimum 120 minutes de frissons supplémentaires, soit, la chose s’inscrit au fond dans la logique de marchandisation du football moderne, considérée comme acquise aujourd’hui.
Mais que les trois poursuivants du duo de tête de Ligue 2 doivent autant en découdre pour espérer voir l’élite, cela revient presque à garantir à l’antépénultième de cette dernière qu’il n’aura qu’à se pencher pour ramasser un fruit trop mûr, après que ce dernier sera tombé de sa branche, à bout de forces. Le RC Lens ne méritait pas une telle fin, bien que celle-ci s’inscrive dans la droite ligne de la terrible cruauté dont le sport nous gratifie parfois. Mais sa chute lors de l’ultime date d’un rencard parfaitement maîtrisé a de quoi rendre pessimiste les autres pensionnaires de Ligue 2, lesquels ont eu la preuve par dix que pour se sortir du marasme de l’antichambre, mieux vaut être promu directement. Tant mieux si cela renforce l’esprit de compétition. Mais au bout du compte, les déçus n’en seront que plus nombreux.
Par Julien Duez