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Derrière Lloris, le désert
Pour la première fois depuis pas mal de temps, Mandanda n'a pas été appelé en équipe de France. Dommage pour Steve. Mais au-delà de son cas, sa non-convocation montre à quel point le chantier des gardiens de l'équipe de France est compliqué, tant aucune figure n'émerge clairement derrière Lloris.
C’était comme une chanson que l’on connaît par cœur. Dès que l’on entendait la voix un peu traînante, le débit lent et l’accent de Bayonne de Didier Deschamps prononcer les mots « gardiengues de buteuh » , on se mettait à murmurer la suite presque machinalement : Hugo Lloris, Steve Mandanda, en séparant bien les syllabes à « Man-dan-da » pour singer le coach des Bleus. Et puis on attendait le troisième nom pour avoir droit à un peu de suspense. Mais depuis la semaine dernière, ce petit rituel auquel la France s’était habituée a volé en éclats. Et si la case « Hugo Lloris » a bien été cochée, et en premier, comme prévu par DD, l’ancien portier de l’OM a pris la poudre d’escampette. Blessé et reblessé ces derniers mois à Crystal Palace, dans le dur quand il est sur le terrain et tout sauf assuré du maintien en Premier League, Mandanda tire la langue. Conséquence aussi directe que logique, adios l’équipe de France. Triste pour le grand Steve, qui est désormais loin d’être certain de retrouver une place en Bleu un jour. Mais ce qui est encore plus désolant, c’est que derrière lui, aucune figure ne s’impose comme un gardien numéro 2 incontestable. Et là où Mandanda, dans ses grandes heures, pouvait même faire dire à certains observateurs que c’est lui méritait la place de numéro 1, Hugo Lloris est aujourd’hui plus tranquille que jamais sur son trône.
Forcé de piocher en France
La France aime se dire qu’elle est un pays de gardiens. Soit. Sauf que d’une, l’expression est compliquée à définir, et qu’elle ne mène pas bien loin. Et que de deux, en admettant qu’il faille comprendre que le pays au drapeau bleu blanc rouge a produit d’immenses gardiens tout au long de son histoire, ce postulat est largement discutable. Dans le fond, peu importe. Ce qui compte, c’est d’avoir un ou deux gardiens solides sous la main en toute circonstance. Et ces dernières années, les Bleus étaient bien lotis, entre un Lloris indiscutable, parfait en capitaine irréprochable et rassurant, et un Mandanda trop bon pour être qualifié de simple roue de secours. Sauf que pour composer la liste des gaillards qui allaient affronter le Luxembourg, puis l’Espagne, le sélectionneur n’avait plus grand-chose sous la main en ce qui concerne les portiers. Deschamps a décidé de piocher en Ligue 1, où les deux meilleurs gardiens potentiellement sélectionnables se nomment Stéphane Ruffier et Anthony Lopes. Sauf que le premier ne veut plus entendre parler des Bleus tant qu’on ne lui offrira pas une plus belle écharpe que celle de deuxième dauphine, et que le deuxième a choisi de jouer pour le Portugal depuis son plus jeune âge. Et en dehors de France, il n’existe aucune autre solution puisqu’en 2017, aucun gardien français n’a réussi à s’exporter avec succès dans un grand championnat à part Lloris. Contraint et forcé, Deschamps doit donc se résoudre à offrir les places de numéro 2 et de numéro 3 à des gardiens qui nous donnent envie de prier très fort pour que Lloris ne se blesse pas.
Les bons gardiens de Ligue 1
Être sévère avec Alphonse Areola est beaucoup trop facile. Facile, et même contre-productif. Mais personne n’est rassuré à l’idée de l’imaginer titulaire en Bleu lors d’un match décisif si jamais Lloris était indisponible. Et sur le papier, Areola n’est que remplaçant de Kevin Trapp. Pas un CV en or, en somme. Quant à Costil, son cas est différent. En effet, on attend moins de lui, car l’étiquette « petit-prodige-futur-numéro-1-des-Bleus » n’est pas agrafée dans son dos depuis ses quinze ans, un fardeau qu’Areola est encore en train de porter. Costil est plutôt rattaché à une autre catégorie, celle que l’on appelle communément « les bons gardiens de Ligue 1 » . Une appellation pas péjorative du tout, et même plutôt flatteuse, tant notre championnat est réputé pour la qualité de ses portiers. Mais de là à l’imaginer garder les cages des Bleus lors d’un match de barrage qualificatif pour le Mondial 2018 par exemple, il y a un monde. Et l’autre problème, c’est que si Deschamps voulait tester d’autres goals, il n’aurait le choix qu’entre des joueurs de ce profil. Des « bons gardiens de Ligue 1 » . Soit trop jeunes pour être de sérieux prétendants – Alban Lafont en tête, qui aura très certainement sa chance bientôt, voire Didillon –, soit solides, mais sans plus, et relativement interchangeables – Reynet, Cardinale et consorts. Les portes de sortie sont donc claires. Ou bien attendre un retour en grâce de Mandanda, ou bien espérer qu’Areola progresse assez pour devenir un numéro 2 efficace, puis un titulaire indiscutable dans quelques années quand Lloris passera le témoin. Ou alors, réaliser le rêve d’un grand enfant qui en rêve depuis bien trop longtemps : passer un coup de fil à Geoffrey Jourdren.
Par Alexandre Doskov