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Derrière les nuages
En perdant piteusement face au RB Leipzig, l'AS Monaco vient d'annihiler deux de ses principaux objectifs : faire honneur à sa belle histoire européenne et faire fructifier sur la scène étoilée la valeur de ses jeunes joueurs. À l'orée du choc face au Paris Saint-Germain, quelles perspectives s'offrent désormais à l'ASM pour la suite de sa saison ?
« Je demande pardon à tous les supporters.(…)Qu’on vive des moments magnifiques ou très difficiles, il faut rester forts ensemble. » Rester forts ensemble, c’est effectivement la mission qui attend Andrea Raggi et ses coéquipiers. Car d’un collectif grisant, l’ASM est passée en quelques mois à une somme d’individualités grisâtres. L’AS Monaco est éliminée dès les poules de la Ligue des champions pour seulement la deuxième fois de son histoire. La première, c’était en 2000. Là aussi, le club du Rocher avait désossé l’une de ses plus belles équipes, affolant déjà le marché. Là aussi, elle en avait payé le prix. Mais, auteurs malgré tout d’un très bon début de saison comptable en championnat, les hommes de Jardim n’ont pas le droit de se laisser couler.
Se relever après s’être couché
Dimanche soir, nous assisterons à ce qui aurait dû être un choc épique entre le champion de France en titre et un Paris Saint-Germain aux contours irréels. Au diable les précautions d’usage : si l’ASM venait à perdre cette affiche tronquée par un mercato qui a vu la nouvelle star passer d’un camp à l’autre, la Ligue 1 serait déjà pesée et emballée, à un mois de Noël. S’offrirait alors au club du Rocher un long et pénible chemin, celui de lutter avec son véritable rival, l’Olympique lyonnais, et peut-être l’Olympique de Marseille pour un strapontin européen qu’elle vient de souiller. « C’est déjà bien » , diront certains. Certes, mais pour des joueurs qui ont connu l’ivresse du titre et d’un dernier carré européen, ça pourrait sembler bien fade.
Déjà méconnaissables, Lemar et Fabinho auront sans doute du mal à réenclencher une machine grippée. Au point d’envisager un départ en janvier ? Peut-être pas, mais il ne faut pas être dupe : il a beau rester six mois de compétition, l’international français et le métronome brésilien ne sont déjà plus monégasques. Non pas qu’ils aient lâché mentalement – même si c’est envisageable –, mais ils appartiennent maintenant au passé de l’AS Monaco. Le présent, c’est reconstruire une équipe qui pourra viser plus haut la saison prochaine, et ils n’en seront pas, car ils aspirent désormais logiquement à viser plus haut que Monaco. Le présent, c’est raviver l’espoir Adama Traoré, revenu de nulle part – au point qu’il n’était même pas inscrit dans la liste fournie à l’UEFA pour la Ligue des champions – après deux années sans jouer. Le présent, c’est faire progresser Tielemans, Baldé, Jorge ou Lopes, encore bien tendres. Remettre sur pied Boschilia. Installer dans le onze un Jovetić qui a montré davantage de compréhension du jeu en trois bouts de match que d’autres en trois mois. En finir avec cette incongruité de voir un champion de France aligner Raggi latéral droit pour un match qui demandait du panache. En finir avec cette obsession de faire de Moutinho un 10 alors qu’on l’avait retrouvé rayonnant en 8. Poser la question cruelle, mais réelle du niveau de l’emblème Subašić. Poser la question d’une politique qui a porté ses fruits – et de magnifiques –, mais qui oblige à éteindre la lumière une saison sur deux. Puiser également dans un centre de formation d’excellence plutôt que s’acharner parfois à post-former la médiocrité.
Objectif CDF
Voir de nouvelles têtes et se coiffer de nouveaux lauriers, telles doivent être les perspectives du club de la Principauté. Se tromper peut-être en lançant trop vite dans le grand bain la jeunesse incarnée par Moussa Sylla, plutôt que se tromper sûrement en s’infligeant la vieillesse footballistique de Guido Carrillo. Et s’éviter ainsi un triste remake de la saison 2015-2016. Thomas Lemar est né en 2015-2016. Mais rares sont les roses qui parviennent à pousser dans la caillasse. Rassasiés par leur saison passée, joueurs, dirigeants et supporters pourraient se contenter de lâcher prise, de faire appel au bouclier de la saison de transition. C’en est une. Mais qui dit transition, dit horizon. Au-delà d’une seconde place désormais essentielle, le désir de la coupe doit renaître. La vraie. L’AS Monaco ne l’a plus gagnée depuis 1991. À l’époque, elle vivait dans l’ombre d’un autre géant aux armes un peu trop grandes. Mais elle luttait. À défaut d’enchanter de nouveau, le Monaco de Vadim et Jardim doit au moins nous offrir ça, pour survivre à cette saison et de nouveau exister la prochaine.
Par Chris Diamantaire