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Dernier jour du mercato d'hiver : le bazar et la manière
Comme à Paris, les dernières heures du mercato hivernal ont été un grand bazar souvent pathétique. Pour certains, c'est un bon divertissement, mais c'est surtout désespérant.
C’est quand on sort des 3h09 de Babylon un soir de 31 janvier que l’on comprend pourquoi le cinéma et la musique sont considérés comme des arts, et aussi pourquoi le foot n’en n’est pas un, selon la classification établie par le philosophe Étienne Souriau. Le dernier film de Damien Chazelle est un grand bazar souvent jouissif et imparfait, qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui mérite d’être vu sur grand écran ; les dernières heures du mercato hivernal, celui de trop, ont également été un grand bazar, mais il convient d’ajouter d’autres adjectifs, comme pathétique, ridicule ou grotesque, pour le qualifier. En été comme en hiver, la fin de ce trop long feuilleton qu’est le mercato est toujours la même. Il y a de la panique, des rebondissements, des couacs, des histoires de fax, des coups bas, et rarement des bons coups. C’est à la fois comique et dramatique quand on sait que les clubs ont eu plus de deux mois ou trente jours pour mener leur stratégie sportive, encore faut-il en avoir une. Les très riches comme les plus modestes sont, pour une fois, sur un pied d’égalité et répondent à une même logique : il faut absolument faire n’importe quoi plutôt que de ne rien faire, mais une telle décision appartient souvent aux plus raisonnables et réfléchis, les plus rares.
Les indécis et les indécents
La palme de l’absurde peut bien sûr revenir à la Premier League, où la lanterne rouge Southampton peut lâcher 25 millions d’euros sur Kamaldeen Sulemana, un joueur de 20 ans en difficulté à Rennes depuis plus d’un an (un but en une vingtaine d’apparitions). En accueillant Keylor Navas, le promu Nottingham Forest, 13e au classement, a enregistré une 28e recrue pour la saison en cours, pour environ 200 millions d’euros le tout. À l’étage du dessous, les clubs de Championship ont plus dépensé que ceux de Serie A cet hiver, et le pire est que cette folie est devenue normale. Un jeu d’enfants pour Chelsea, acteur majeur sur le marché en janvier et qui s’est permis une dernière folie sur le gong en signant un chèque de 120 millions d’euros pour s’offrir le champion du monde Enzo Fernandez. Soit le sixième transfert le plus cher de l’histoire bouclé comme on achète la dernière baguette tradition – souvent trop cuite et déjà sèche – à la fermeture de la boulangerie du coin. C’est ce même Chelsea qui a rendu fou le Paris Saint-Germain, en faisant volontairement capoter le prêt d’Hakim Ziyech avec l’envoi de mauvais documents dans la soirée de mardi. Le club de la capitale a beau avoir déposé un recours auprès de la LFP pour prolonger le déplaisir d’un mercato interminable, il a été rejeté ce mercredi matin, tout comme le prêt du jeune Ismaël Gharbi à Nice. Mais qui va pleurer sur le sort de ces dirigeants qui répètent les erreurs des autres depuis que cette grande foire existe ? Le champion de France en titre a subi les évènements, et ce n’est pas digne d’un club qui ambitionne une victoire finale en Ligue des champions.
Christophe Galtier n’aura ni Rayan Cherki, ni Malcom, ni Ziyech, mais ces recrues auraient-elles vraiment été utiles quand les trois stars intouchables laissent aussi peu de miettes ? Il n’aura pas non plus Milan Škriniar, pour lequel le PSG a tenté le coup jusqu’au bout, comme l’été dernier. Une preuve du manque de confiance en Presnel Kimpembé, Sergio Ramos, Marquinhos, voire Danilo Pereira en dépannage pour assurer une solidité défensive. Ce que n’a pas eu Paris contre Reims, Lens ou Rennes ce mois-ci, ce qui n’incite pas à l’optimisme au moment d’entrer dans un mois de février chargé. Il est tout de même cocasse de voir le PSG de QSI obligé d’attendre une fin de contrat pour accueillir un défenseur ou de demander un prêt à la dernière minute quand l’on connaît la masse salariale démesurée et record pour un club de foot (728 millions d’euros annuels, soit une hausse de 45% par rapport à la saison précédente)
Il serait injuste de ne viser que le PSG dans ce grand marasme. L‘OL, qui ressemble désormais à tout sauf à un grand club, a vu John Textor négocier avec lui-même pour attirer Jeffinho de Botafogo contre 10 millions d‘euros, Amin Sarr passer de l’Eredevisie aux rangs rhodaniens, et Pathé Ciss piquer une colère contre les dirigeants du Rayo Vallecano dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux après avoir vu son transfert chez les Gones capoter. Des histoires à gogo et une cerise sur le gâteau, avec cette information de Sud Ouest relatant que les Girondins de Bordeaux avaient manqué le remplaçant d’Alberth Elis après que le directeur sportif Admar Lopes s’est fait voler son sac avec ses papiers et son ordinateur. Ce n’est même plus divertissant, c’est désespérant, et cela se répétera en août et dans un an. À l’avenir, on pensera plutôt à aller voir Babylon une seconde fois.
Par Clément GAVARD