- Angleterre – 6 clubs cultes dans l’ombre – Derby County
Derby County, béliers ascendant taureaux
Un bélier pour blason et des joueurs culottés magnifiant le jeu révolutionnaire prôné par un entraîneur de génie nommé Brian Clough : tel était le Derby County du début des seventies, époque cheveux longs, rouflaquettes, tribunes debout pleines à ras bord et engagement total.
En quoi c’est culte ?
L’histoire de Derby County débute en 1884, mais mérite vraiment qu’on s’y intéresse seulement à partir de 1967. Avant cette date, pas grand-chose à retenir de ce modeste club aux modestes ambitions, qui était seulement parvenu jusqu’alors à chiper la première FA Cup de l’après-Seconde Guerre mondiale, s’imposant 4-1 après prolongation lors de la finale disputée à Wembley face à Charlton. S’ensuivent d’anonymes saisons en élite, une relégation en 1953 et même une seconde en troisième div’ deux ans plus tard. Puis, vite, c’est le retour au deuxième échelon national, où les « Rams » (les Béliers, le logo du club) stagnent une décennie. Nous voici donc en 1967 et le jeune Brian Clough, 32 ans à l’époque, est engagé au poste d’entraîneur. L’accompagne Peter Taylor, qui était déjà son assistant lors de sa première expérience comme technicien, à Hartlepool. Les deux larrons mettent une seule saison à s’adapter à leur nouvelle mission. Dès la seconde, c’est la remontée en D1. Le petit promu termine quatrième la première saison, neuvième la seconde et s’impose la troisième, en 1972. Un titre historique obtenu avec un point d’avance sur une meute de trois poids lourds : Leeds, Liverpool et Manchester City. Plus encore que les surprenants résultats, c’est le jeu produit par l’équipe qui détonne : un jeu au sol, proche des canons actuels du football et qui va à l’encontre du traditionnel kick and rush de l’époque. Brian Clough justifie ainsi son désir d’éviter l’abus de longs ballons aériens : « Si Dieu avait voulu qu’on joue au football dans les nuages, il aurait mis du gazon là-haut. » Brian Clough, un génie du management, mais aussi un égo démesuré, fascinant meneur d’hommes autant qu’agaçant et arrogant, profil sensiblement similaire à celui de José Mourinho aujourd’hui. Dès 1973, malgré une belle campagne en Coupe des champions (demi-finale perdue dans la controverse face à la Juve, après avoir éliminé le Benfica d’Eusébio), Clough est poussé vers la sortie par des dirigeants exaspérés. Il est remplacé avec succès par son ancien lieutenant sur le terrain Dave MacKay, qui offre à Derby un deuxième (et dernier) titre de champion en 1975. Quelques joueurs marquants de l’époque : Roy McFarland, Kevin Hector, Archie Gemmill, Alan Hinton… La superbe vidéo ci-dessous est un témoignage saisissant, à la fois de l’ambiance dans les stades anglais de l’époque et de la magnificence du jeu produit par l’équipe de Derby County sous l’ère Brian Clough (malgré l’état du terrain dans l’antique Baseball Ground…).
Pourquoi ça a merdé ?
Champion en titre lors de la saison 1975-1976, Derby County joue une dernière fois les premiers rôles en se classant quatrième (avec une campagne européenne s’arrêtant dès le deuxième tour face au Real, malgré un triplé de Charlie George à l’aller ; 4-1, 1-5). Les « Rams » rentrent ensuite dans le rang, descendent jusqu’en D3, remontent en élite, redescendent, remontent, etc. Si quelques saisons sans relief passées dans l’ombre sont à oublier pour les supporters, le pire des souvenirs est finalement la dernière saison vécue en Premier League en 2007-2008. Brillant promu au printemps 2007, Derby County manque sa campagne de recrutement durant l’été (Robert Earnshaw, Claude Davies, Kenny Miller, Benny Feilhaber, Roy Carroll, Robbie Savage, Laurent Robert…) et vit un véritable cauchemar, ne glanant au final que 11 points et une seule victoire de toute la saison ! Aucune autre équipe n’a fait pire… Depuis, c’est le retour à l’anonymat du ventre mou de la D2, avec cinq saisons passées entre la 10e et la 18e place.
Où ça en est aujourd’hui ?
Promu entraîneur en 2009, Nigel Clough, fils de, a fini par se faire virer en septembre dernier, faute de résultats. L’histoire était trop belle et le costume de successeur un peu trop inconfortable, évidemment… Tant pis pour le symbole et tant mieux pour Derby County, qui réalise depuis un excellent parcours sous les ordres de Steve McClaren. L’équipe n’a perdu qu’un seul match avec l’ancien technicien de Twente et vient de se hisser pour la première fois de la saison sur le podium, à une deuxième place synonyme de montée directe en élite, juste derrière le leader Leicester. La deuxième division anglaise à 24 participants étant un interminable marathon, le parcours est encore long avant d’espérer retrouver la Premier League, mais les supporters des « Rams » peuvent se montrer relativement confiants et satisfaits du jeu produit actuellement par une formation jeune et prometteuse, avec une grosse révélation au milieu de terrain : Will Hughes, gamin de seulement 18 ans, déjà international espoir et qu’on dit pisté par Liverpool. Lui, mais également Andre Wisdom (prêté par Liverpool), Simon Dawkins (prêté par Tottenham), Chris Martin ou Craig Bryson peuvent voir loin. En ce moment, les Béliers de Derby sont en mode taureaux. Un délicieux rappel du bon vieux temps.
À suivre : Ipswich Town FC
Par Régis Delanoë