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Supporters : Bruno Retailleau prend le virage à droite
Le déplacement avorté des supporters marseillais à Montpellier a donné lieu à des incidents avec les CRS et les policiers. Une opportunité pour Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, de s’inviter dans cette lancinante problématique et d’y promouvoir sa volonté d’ordre. Comme ses prédécesseurs.
Bruno Retailleau a envie d’attirer sur lui une grande partie de la lumière et de l’attention en se posant en quasi vice-Premier ministre de Michel Barnier. Avec aux commandes du ministère des Sports un Gil Avérous plutôt effacé, avant tout nommé pour faire passer les baisses des crédits auprès des fédérations, il était évident que la question des supporters lui donnerait l’occasion de s’illustrer. Les interdictions de déplacement s’avèrent de fait un sujet sensible, voire le principal dossier sur le versant régalien. La législation accorde pourtant déjà une ample latitude aux préfets pour les interdire, qui s’en privent de moins en moins. Celui des Marseillais à Montpellier était pourtant autorisé. Mais le voyage s’est terminé sur l’A9, avec des affrontements entre les ultras phocéens et les CRS. Un scénario trop familier largement retransmis en direct sur nos smartphones par les photos et les vidéos, assez impressionnantes il est vrai, postées sur les réseaux sociaux.
En cause, la décision de la préfecture de l’Hérault, qui a diffusé sur X sa version des événements, de bloquer finalement la venue des « supporters du club de football de l’Olympique de Marseille » dont le contingent dépassait largement le quota prévu (450). Bloqués sur le lieu du regroupement et de contrôle, certains « individus cagoulés munis de barres de fer et de fumigènes » ont provoqué des incidents. « Ces comportements sont inacceptables et une partie des supporters n’étaient semble-t-il venus que pour rechercher l’affrontement. […] Aussi j’interdis le déplacement de l’ensemble des supporters de l’OM jusqu’à Montpellier, supporters auxquels il a été demandé de faire demi-tour sous le nécessaire contrôle des CRS et gendarmes présents. »
Cette décision n’a pas empêché les débordements dans le stade, avec, selon les dires de supporters marseillais recueillis par France 3 PACA, une véritable « chasse » aux Marseillais qui s’étaient déplacés individuellement. Preuve finalement que le parcage reste un des meilleurs outils pour réduire les risques de confrontations. Par ailleurs, le week-end a été tristement chargé, en négatif, avec également des chants homophobes au Parc des Princes, qui vont sûrement conduire à des mesures envers le PSG (financières ou fermeture de virage).
Les tribunes, un sujet politique perpétuel
Bruno Reteilleau, qui sait à quel point ce genre de séquence autour des tribunes défraye la chronique, a immédiatement réagi, à la première personne, sur X : « Chants homophobes, affrontements de clubs de supporters, agressions des forces de l’ordre, on ne peut plus supporter que chaque semaine, le sport soit le théâtre d’agissements. Cette semaine, en lien avec le ministre des Sports et Othman Nasrou, secrétaire d’État en charge de la lutte contre les discriminations, je réunirai les instances du football français pour prendre les mesures nécessaires au retour de l’ordre dans les stades et en marge des rencontres. » Impossible de ne pas remarquer la brusque conversion et sensibilité de cet homme politique concernant les propos injurieux envers les personnes LGBT. Il a pourtant dû entendre bien pire lorsqu’il se tenait aux côtés de ses camarades de la Manif pour tous…
Ce soir encore, à l’occasion du match Montpellier/Marseille, des violences injustifiables ont sali l’image du football. Chants homophobes, affrontements de clubs de supporters, agressions des forces de l’ordre, on ne peut plus supporter que chaque semaine, le sport soit le…
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) October 20, 2024
Pour en revenir au délicat sujet des supporters et de leur transhumance hebdomadaire, le ton martial et dramatique paraît indiquer une nette volonté de fermeté avec une petite touche d’égocentrisme. Ses prédécesseurs place Beauvau n’ont pas vraiment laissé passer grand-chose, qu’il s’agisse des IDS administratives, souvent pour des justifications fort éloignées de la lutte contre le hooliganisme, ou la généralisation des interdictions de déplacement. La tendance s’est rarement révélée au laxisme. Alors, quelles seront donc les fameuses mesures prises ? On peut clairement craindre que la voie de dialogue parfois entamée, qui n’exclut pas la fermeté et les sanctions, notamment individuelles, soit pour le moment condamnée. Le ministre de l’Intérieur compte-t-il aussi lutter contre le racisme dans le football de ceux qui pensent comme lui que « l’immigration n’est pas une chance pour la France » ou contre la violence des firmes d’extrême droite ?
Un autre épisode devrait nourrir la réflexion. La préfecture de Paris avait interdit la présence des fans du PSV Eindhoven dans la capitale à l’occasion de la rencontre de Ligue des champions ce mardi soir. La décision avait été cassée par le Conseil d’État (le club batave encourage néanmoins ses supporters à rester au pays). Comme l’a déjà prédit Bruno Retailleau : « L’État de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré. »
Par Nicolas Kssis-Martov