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Denis Troch : « Entraîneur, je programmais mes séances en fonction des arrivées de col »

Propos recueillis par Maxime Renaudet
6 minutes
Denis Troch : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Entraîneur, je programmais mes séances en fonction des arrivées de col<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ancien adjoint d'Artur Jorge au PSG, Denis Troch s'est ensuite posé sur le banc de Laval, Le Havre, Amiens, Troyes ou Niort. Mais en 2009, changement de cap puisqu'il se lance dans une carrière de coach mental. Un an plus tard, le voilà aux côtés de la FDJ de Marc Madiot, avec qui il remportera six Championnats de France. Cette année, il accompagne l’équipe B&B Vital Concept, qui participera ce samedi à son tout premier Tour de France. L'occasion idéale pour parler deux roues et force mentale.

Cette année, vous êtes coach mental de l’équipe B&B Vital Concept. Comment s’est faite la connexion ?Je connaissais Jérôme Pineau, que j’ai rencontré sur les différentes compétitions cyclistes auxquelles j’ai assisté quand j’accompagnais à l’époque la FDJ. Je l’ai également rencontré plusieurs fois au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, où j’enseignais, et où lui passait son diplôme de manager général de club sportif professionnel.

Lors d’un stage en décembre j’ai dit bêtement : « Si vous gagnez, je me rase la moustache. » Manque de chance, ou tant mieux, Nacer Bouhanni a gagné le Championnat de France.

Comment se sont déroulées vos sept années en tant que coach mental de la Française des jeux ?Très bien, j’ai fait sept Championnats de France avec eux, dont six gagnés. C’est la seule compétition sur laquelle j’allais avec la FDJ. Car sur le Tour, en règle générale, je suis là avant, au départ, puis sur les étapes de repos, mais pas vraiment pendant. La première année, la FDJ n’avait pas gagné le Championnat de France depuis dix ans. Avant la compétition, lors d’un stage en décembre, j’ai dit bêtement : « Si vous gagnez, je me rase la moustache. » Manque de chance, ou tant mieux, Nacer Bouhanni a gagné le championnat pour la première fois, donc j’ai dû la raser. Maintenant, je laisse pousser ma barbe aussi. Comme ça, je prends moins de risques.

Comment s’est faite la rencontre avec Marc Madiot, le manager de la FDJ ? À l’origine, il m’a appelé pour que je vienne motiver et dynamiser son équipe sur une journée de repos lors du Tour de France 2010. C’était du côté de Saint-Jean-de-Maurienne, et le lendemain, Sandy Casar a gagné, donc ça a lancé notre collaboration avec Marc. Une semaine après, le directeur sportif de Bouygues-Telecom m’appelle pour que j’accompagne Pierrick Fédrigo par téléphone. Et le lendemain, il remporte l’étape à Pau.

Quel rapport entreteniez-vous avez le cyclisme avant de collaborer avec la FDJ ? Vous regardiez le Tour étant enfant ?Oui, comme j’étais plutôt un gamin hyperactif, sautant un peu partout, m’intéressant à tous les sports, je regardais le Tour de France comme tout le monde. Ça m’occupait pendant les vacances d’été. Après, quand j’étais entraîneur, on programmait nos séances en fonction du Tour, et surtout des arrivées de col. S’il faisait trop chaud, on faisait l’entraînement après l’arrivée, et quand il faisait frais on s’entraînait en début d’après-midi. Car beaucoup de joueurs de football sont passionnés de vélo, et beaucoup d’entre eux sont respectueux des efforts fournis par les cyclistes.

Dans le cyclisme, on peut faire une carrière sans gagner une course. Et ça, au niveau de l’estime de soi, c’est difficile.

Le cyclisme est-il le sport le plus éprouvant mentalement ?J’en parlais justement la semaine dernière avec des rugbymen, car j’ai passé deux jours avec une équipe du Top XIV. Ils m’ont demandé si les footballeurs parlent de rugby. Je leur ai dit que oui, mais qu’ils parlent surtout de vélo. Ce n’est pas plus dur, pas plus simple, mais je pense que c’est très difficile, le vélo, surtout le fait qu’il n’y ait qu’un vainqueur. On peut faire une carrière sans gagner une course. Et ça, au niveau de l’estime de soi, c’est difficile, car il faut constamment se remettre en question, et repartir à chaque fois tout en sachant qu’on va courir, mais qu’on ne gagnera pas. Alors que dans les sports collectifs, on gagne en général au moins un match tous les quinze jours.

Marcel Kittel a mis fin prématurément à sa carrière, car il n’en pouvait plus de consacrer ses journées au vélo. Pourtant, il a remporté 14 victoires d’étape rien que sur le Tour. Comment l’expliquez-vous ?Gagner pour gagner, le sportif est rarement là pour ça. C’est plutôt pour progresser, avoir un statut, se faire plaisir, faire plaisir aux autres, partager et échanger. S’il n’y a plus ces sources de motivation, c’est très difficile de continuer, d’autant que c’est un sport qui fait mal et qui est exigeant. La passion, c’est quelque chose qui tire souvent vers le haut les sportifs, mais cette passion peut s’essouffler avec le temps. On peut rejeter et vomir ce qui nous a passionnés. Certains anticipent leur retraite, mais peuvent avoir des regrets d’arrêter trop tôt. D’autres vont plus loin, mais ils se minent de l’intérieur, car ils savent que c’est peine perdue, et qu’ils ne retrouveront pas les joies qu’ils avaient connues les mois ou les années précédentes.

Après le Critérium du Dauphiné, où il a fini deuxième au général, Pinot a confié qu’il avait terminé la dernière étape « au mental en pensant à tout ce qu’on a fait cette semaine » . Le mental, chacun d’entre nous l’a. Mais on oublie très souvent d’associer le mental à l’entraînement technique, physique et tactique. Alors qu’en fait, le mental sert à être beaucoup plus précis, plus juste dans ses choix, et plus combatif. C’est ce qui s’est produit avec Thibaut sur cette dernière étape. Le mental lui a permis de faire l’effort nécessaire pour aller au bout. Dans ces moments, la chose la plus importante, c’est de se dire : « Ok, je sais que je n’abandonne pas », ou « Je sais que je vais finir la course même si je suis 100e ». Le mental, c’est ça aussi : même si je ne réussis pas aujourd’hui, je vais me servir de tout ce que j’ai réalisé de bien tout au long de la course, de la semaine et du mois. Et parfois, le mental nous permet aussi de dire stop, car ça devient de la bêtise.

Le mental n’est pas quelque chose qu’on achète au commerce du coin. C’est quelque chose qu’on a en nous.

Vous croyez à l’expression « mental de champion » ? C’est une expression fourre-tout. Le mental n’est pas quelque chose qu’on achète au commerce du coin. C’est quelque chose qu’on a en nous. Je connais des personnes qui ne sont pas forcément des champions, mais qui ont une possibilité de pouvoir tirer le maximum de leur potentiel. La pire des choses, c’est de se dire : « J’aurais pu gagner », « J’avais le potentiel, mais je n’ai pas gagné », « Oui, mais je me suis loupé à ce moment-là ». Il faut chasser le « Oui, mais » de ses actions. Parce qu’on n’est jamais le meilleur partout. Moi, mon job, c’est de sortir tout ce qui peut interférer à la réussite : le stress, les enjeux ou les croyances.

Pensez-vous que Thibaut Pinot peut remporter le Tour cette année ?Bien sûr. Pour gagner, il faut bien se connaître. Et justement, Thibaut Pinot peut gagner, car il commence à bien se connaître. Après, encore une fois, il y a des coureurs qui ont le potentiel pour le gagner. Thibaut en fait partie, mais ce n’est pas forcément le seul Français. Pour réussir au plus haut niveau, il faut tirer le meilleur de soi-même. Car en face, vos adversaires tendent eux aussi vers ça. Si vous avez un moment de faiblesse, malheureusement, ça coûte une sortie de route, une étape ratée, une bordure, et tout de suite des secondes de perdues.

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Propos recueillis par Maxime Renaudet

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